Une prémonition ? : « Je voudrais faire des portraits qui un siècle plus tard aux gens d'alors apparussent comme des apparitions ». En écrivant cette phrase à sa soeur Wil, le 5 juin 1890, Vincent Van Gogh pouvait-il se douter que son souhait se réaliserait ?
Je me suis rendu dans cette petite commune d'Auvers-sur-Oise où la présence de Vincent Van Gogh est toujours perceptible. Je l'ai rencontré.
Tour à tour joyeux, mélancolique, il m'a raconté, au jour le jour, son activité durant les deux mois qu'il a passés dans cette ville où il était venu pour oublier son mal et se soigner. Il m'a fait tout partager : ses joies, ses doutes, ses rencontres, sa tendresse pour son frère Théo. Il m'a décrit ses journées occupées à courir la campagne en quête de motifs. Au sommet de son art, il peignait parfois plus d'un tableau par jour. Il m'a expliqué sa passion pour cette peinture qui lui faisait dire : « Il y a du bon de travailler pour les gens qui ne savent pas ce que c'est qu'un tableau ».
Marcel Proust dans son roman À la recherche du temps perdu met en lumière la troublante relation qui existe entre la peinture et l'écriture, deux arts s'influençant mutuellement. Ainsi, il fait mourir Bergotte devant le tableau de Vermeer la Vue de Delft : Il attachait son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu'il veut saisir, au précieux petit pan de mur. C'est ainsi que j'aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune.
Tout au long des douze nouvelles de ce recueil, j'ai souhaité faire connaissance avec ces hommes et femmes qui ont fait l'histoire de l'art, les regarder peindre et vivre. Subtilement, de la même façon que Bergotte devant le petit pan de mur jaune, un jeu de miroir a fini par s'établir entre les oeuvres et mes mots, créant parfois un dialogue imaginaire avec les artistes.
Pouvais-je savoir, ce jour-là, qu'une visite au Louvre par un sombre après-midi de novembre allait devenir un des moments importants de ma vie d'amateur d'art ? Deux lumineux petits tableaux de Johannes Vermeer avaient bouleversé ma vision de la peinture.La Dentellière méditait sur son ouvrage et je ne voyais qu'elle et ses doigts si fins. Je flottais dans un monde où tout était facile, simple, à son image...
Enfermés dans mon musée, peut-être ressentirez-vous cette sensation fulgurante provoquée par la vision de chefs-d'oeuvre de grands artistes qui vous attendent : Paul Cézanne, Eugène Delacroix, Édouard Manet, Auguste Renoir, Jan Van Eyck, Henri de Toulouse-Lautrec, Vincent Van Gogh, Jean-Siméon Chardin...
De toile en toile, les pages de ce recueil, balade en mots et en images dans l'histoire de l'art, conserveront le souvenir et l'émotion de mes rencontres parcourues avec un regard complice.