«Solennels parmi les couples sans amour, ils dansaient, d'eux seuls préoccupés, goûtaient l'un à l'autre, soigneux, profonds, perdus. Béate d'être tenue et guidée, elle ignorait le monde, écoutait le bonheur dans ses veines, parfois s'admirant dans les hautes glaces des murs, élégante, émouvante, exceptionnelle, femme aimée, parfois reculant la tête pour mieux le voir qui lui murmurait des merveilles point toujours comprises, car elle le regardait trop, mais toujours de toute son âme approuvées, qui lui murmurait qu'ils étaient amoureux, et elle avait alors un impalpable rire tremblé, voilà, oui, c'était cela, amoureux, et il lui murmurait qu'il se mourait de baiser et bénir les longs cils recourbés, mais non pas ici, plus tard, lorsqu'ils seraient seuls, et alors elle murmurait qu'ils avaient toute la vie, et soudain elle avait peur de lui avoir déplu, trop sûre d'elle, mais non, ô bonheur, il lui souriait et contre lui la gardait et murmurait que tous les soirs ils se verraient.»Ariane devant son seigneur, son maître, son aimé Solal, tous deux entourés d'une foule de comparses:ce roman n'est rien de moins que le chef-d'oeuvre de la littérature amoureuse de notre époque.
Éric Caravaca nous livre une interprétation intense de cette histoire d'amour inoubliable de la littérature.
C'est à Londres, auprès de la France libre, qu'Albert Cohen apprend la mort de sa mère, à Marseille, en janvier 1943. Il est loin d'elle, sans possibilité même de lui faire un dernier adieu puisque les Allemands ont envahi la «zone libre» le 9 novembre 1942. La douleur submerge Albert Cohen. Il en naîtra presque immédiatement un texte admirable, Un chant de mort, qu'il reprendra en 1953 et qui deviendra dans sa version définitive Le Livre de ma mère.Gérard Desarthe aime les mots et les textes. Il aime les dire et les faire écouter. Il s'est emparé du livre d'Albert Cohen et nous rend l'émotion qui traverse ces pages, saturées d'amour et de douleur. Car pour lire Le Livre de ma mère, il fallait un très grand comédien qui ait la pudeur de servir le texte, de vous faire partager la tendresse, les larmes et la nostalgie qui affleurent à chaque minute.
«Un enfant juif rencontre la haine le jour de ses dix ans. J'ai été cet enfant.»Albert CohenLes insultes antisémites résonneront pour toujours à ses oreilles. Dans ce livre intense, triste mais jamais pessimiste, Albert Cohen déploie la beauté de son écriture lyrique pour montrer la violence de sa blessure enfantine.Delphine Horvilleur nous livre une interprétation émouvante et juste de ce classique méconnu de la littérature.
Albert Cohen, à la fin de sa vie, reçoit pour France Culture, dans son appartement de Genève, Françoise Estève. Sa faconde mais aussi son prodigieux talent de conteur transforment ces entretiens en une SAGA prophétique; II ne respecte rien, ni les fonctionnaires de l'ONU, ni les singes savants, ni Dieu.
« Quand je travaillais aux Nations unies, je voyais tous ces singes présomptueux et serviles, qui veulent grimper les échelons entre deux cabrioles sexuelles et qui jusqu'au moment de mourir ne doutent pas qu'ils mourront. » Derrière un humour féroce, Albert Cohen évoque les êtres essentiels de sa vie qui ont structuré son oeuvre et sa vision du monde.