Je voyage en France sans visa, juste un petit dossier médical. Ils savent, les Français, que je ne suis pas un terroriste, ni un islamiste de Daech ! Je suis Harys descendant du chien guide des sept dormants ! Je respecte la laïcité, les valeurs républicaines et je consomme de la bière Heineken.
Harys, le narrateur, est un bon chien, un caniche qui aime son maître, qui aime ses chaussettes puantes, son haleine parfumée au vin rouge, sa voix quand il chante Bécaud. Ils habitent tous deux à Alger et son maître a pour maîtresse une chrétienne réfugiée de Damas, au corps vibrant de désir et à l'âme bouleversée par la guerre. Ce trio bancal, cacophonique, passionné, tient le journal de sa lente destruction dans une Algérie rongée par l'islamisme des Tartuffes.
Magnifique, douloureux et fantasque, tel est L'Enfant de l'oeuf, neuvième roman d'Amin Zaoui où l'auteur, avec un plaisir et une méthode qui rappelle le Sade de La Philosophie dans le boudoir, s'en prend systématiquement à toutes les formes d'autorité, au nom de la liberté.
Sommeil du mimosa : dans alger, sur fond sonore de lâchers de rafales, de cris, d'ordres policiers et de menaces permanentes, un homme comme tant d'autres s'efforce de vivre et d'aimer, avec une pudeur qui dément la rage de la guerre.
Sonate des loups : la guerre ne cesse pas et, de deuil en deuil, use l'homme. bientôt il ne s'agira plus que de s'enfermer chez soi en guettant les bruits dans l'escalier, ou de fuir. tiraillé entre la peur et l'attachement à sa dignité, passant de l'un à l'autre, le narrateur brosse le tableau d'un monde peu à peu abandonné aux morts et à leurs assassins. conçus comme un diptyque, ces courts romans, poignants, se font écho pour révéler la réalité des affrontements qui endeuillent l'algérie.
Un langage poétique se mêle à un ton très charnel, comme tentant à la fois de s'élancer au-dessus de la réalité vécue et de reprendre prise sur elle.
Le temps d'un été, le photographe olivier placet arpente la mythique andalousie, pousse les portes de ses palais et retrouve le plaisir de la photographie mécanique et du format 6x6.
Il en revient avec une somme d'images qui expose la beauté rude des paysages, restitue l'indicible lumière des architectures et raconte avec simplicité la vie des rues. a partir de cette beauté, de cette lumière, de cette vie, l'écrivain amin zaoui tisse le fil poétique d'une mémoire (presque) oubliée, d'un temps disparu où les poètes, les philosophes -de toutes les religions, dans toutes les langues, conversaient calmement et inventaient un monde de raffinement et de sagesse.
On se souviendra alors qu'andalousie (and-al-usia) signifie littéralement " le pays des songes ".