" Il dessinait comme un enfant qui trace à la craie tout un monde sur le trottoir, il dessinait des bonshommes comme ceux que l'on voit sur les pissotières ou sur les murs des grandes villes...
Un dessin où le trait courait tout naturellement, plein de verve, truculent, insolent, qui rejoignait la belle vérité crue populaire. " Ainsi Corneille parlera-t-il de Jacques Doucet, quelques années après leur rencontre à Budapest en 1947. Cette rencontre marquera les prémices d'une longue amitié et de la collaboration de Jacques Doucet à l'aventure de CoBrA à l'esprit duquel l'artiste restera toute sa vie fidèle.
C'est cette aventure que les expositions successives, au LAAC à Dunkerque, au Cobra Museum à Amstelveen et au musée des Beaux-Arts de Quimper, se proposent de conter.
Si, selon l'aveu de Arp ou de Delaunay, leurs épouses ont eu un rôle capital dans leur carrière, la place de la femme d'artiste reste ambiguë : doit-elle rester dans l'oeuvre de son compagnon, ou en sort-elle ? Au fil d'entretiens révélant une diversité de points de vue, quatorze femmes d'artistes (les compagnes de César, Christoforou, Hélion, Doucet...) partagent leur réflexion sur ce statut.
« Audacieux, oui, nous l'étions, avec l'insouciance de la jeunesse. Sans soucis du lendemain, nous l'ignorions. Nous ressentions ensemble cette attirance pour le nouveau, l'incongru. [...] Nous avons, toute notre vie, apprécié les doux zéphyrs de l'aventure qui, toujours, nous ont accompagnés. » Espagne, Italie, Proche-Orient... Les voyages ont rythmé la vie du couple d'Andrée et Jacques Doucet. Mus par le rêve d'une vie d'errance, ils partaient chaque année, la bourse légère, à la recherche d'art et d'aventure. Andrée Doucet livre les souvenirs de ces voyages et offre un nouveau regard sur les tableaux d'un des cofondateurs du mouvement CoBrA.
Membre fondateur du célèbre groupe artistique Cobra, aux côtés entre autres de ses amis Pierre Alechinsky, Constant, Karel Appel, Asger Jorn, Corneille, Jean-Michel Atlan, le peintre français Jacques Doucet (1924 - 1994 ) était d'une nature secrète et s'est peu livré, s'exprimant principalement dans sa peinture qu'il laissait parler pour lui.
Si l'on retrouve aujourd'hui ses oeuvres dans les plus grands musées du monde, si les meilleures galeries l'ont exposé ( Colette Allendy, Rotta à Gênes, Maeght, Suzanne Feigl à Zurich, Ariel, Boulakia, Dina Vierny etc.) on en sait donc assez peu sur l'artiste lui-même et, jusqu'à ce livre, rien sur son enfance.
Sa compagne Andrée Doucet, artiste elle-même, raconte à la troisième personne, avec pudeur et vérité, dans ce Petit Jacques si émouvant, le lourd secret de la naissance de Jacques Doucet, ses traumatismes et sa résilience. Son courage aussi, ensuite, jeune résistant durant l'Occupation, dénoncé, arrêté par la milice, incarcéré quelques mois seulement avant la Libération et miraculeusement sauvé. Puis ses débuts et sa carrière d'artiste, ses succès, sa mélancolie ombrageuse, ses doutes toujours, ses querelles aussi.
C'est également une évocation du Paris artistique de l'après-guerre, si vivant, où naissent les grands mouvements et les nouvelles tendances de l'art moderne, autour de véritables batailles auxquelles Jacques Doucet participa.
Andrée Doucet dresse ainsi le portrait intime d'un très grand peintre, admiré par ses amis, indifférent aux modes, à l'argent, ayant toujours refusé les compromissions.