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Soixante ans après le premier voyage de Christophe Colomb, Bartolomé de Las Casas, religieux dominicain, rédige à l'usage du souverain espagnol un réquisitoire contre la colonisation dans les premiers territoires conquis d'Amérique : Cuba, Hispaniola (Saint-Domingue), les Antilles, le Mexique, la Nouvelle-Grenade...
Il dénonce les atrocités, la cupidité et le cynisme des conquérants, la nocivité du système d'exploitation, du partage des terres et des hommes en encomiendas. Bartolomé de Las Casas ne sera pas écouté, et la « destruction des Indes » s'achèvera par la quasi-extermination des Indiens, avec pour conséquence l'importation d'esclaves d'Afrique.
Las Casas reste dans l'histoire de l'Amérique comme le premier défenseur des Indiens opprimés. Et son oeuvre demeure un document unique, une source de première main, un réquisitoire parfois insoutenable.
La controverse entre las Casas et Sepulveda (1550-1551), connue sous le nom de controverse de Valladolid, est une interrogation des fondements de l'impérialisme européen qui le fait apparaître à ses propres yeux comme une entreprise civilisatrice ou génocidaire.
Ce débat rigoureusement fondé sur les principes universalistes de la révélation et du droit naturel est un conflit politique pour une nouvelle détermination de l'empire rendue nécessaire par la "découverte" du Nouveau Monde et sa conquête. Sepulveda légitime cette guerre en revendiquant pour l'Espagne, en tant que peuple chrétien et rationnel, un droit a priori sur l'Amérique et ses habitants idolâtres et barbares.
Las Casas condamne toute la conquête en niant la barbarie des peuples indiens et en leur reconnaissant la souveraineté. Ce qui aux yeux de Sepulveda est un usage légitime de la force au service de la foi et de la civilisation est pour Las Casas un sacrifice humain inavouable et occulté par la victoire du "faux" christianisme sur le "vrai". Le traité de Las Casas intitulé La Controverse entre Las Casas et Sepulveda, contient un résumé de la discussion par le théologien Domingo de Soto et les arguments exposés par les deux adversaires lors de la controverse.
En 1552, le dominicain Las Casas publie à Séville la plus terrible des dénonciations des excès du colonialisme : la Très brève relation de la destruction des Indes.
Les conquistadors y sont des diables qui pillent, tuent et allument des brasiers d'enfer. Cette apocaypse s'appuie sur une théologie rigoureuse du droit naturel : les Indiens, propriétaires légitimes de leurs terres, ont des droits de juste guerre contre les envahisseurs. L'humanité indienne, au lieu de constituer une chrétienté idéale est maintenant l'image du Christ bafoué. Las Casas s'inscrivait dans le courant minoritaire mais actif de ce qu'on a appelé la lutte espagnole pour la justice.
Mais il ne pouvait se douter que les traductions de son pamphlet serviraient la cause de la légende noire anti-espagnole. La traduction que l'on publie est celle du protestant flamand Jacques de Miggrode, sous le titre manipulateur de Tyrannies et cruautés des Espagnols (1579). L'impact des très nombreuses rééditions fut amplifié par la diffusion des gravures de De Bry. Pour la première fois depuis des siècles, cette série capitale dans l'histoire de la guerre des images entre protestantisme et catholicisme, est rééditée intégralement avec le texte de Las Casas.
Cette réedition fait pendant à celle du Théâtre des Cruautés, publiée simultanément dans la même collection.
Fils d'un compagnon de Christophe Colomb, Las Casas (1474-1566) se rendit aux Indes occidentales dès 1514, pour s'occuper de l'encomienda familiale. Vite révolté par le sort réservé aux indigènes sur les propriétés concédées aux grandes familles et aux conquistadores par la Couronne espagnole, il renonce à ses richesses, affranchit ses esclaves et entre dans l'ordre des dominicains.
C'est en 1542 qu'il adresse à Charles Quint ce mémoire, en forme de réquisitoire, sur ce qu'on n'appelait pas encore un génocide. La Très brève relation de la destruction des Indes, qui demandait que les indiens soient traités en hommes et non en bêtes, peut être considérée comme le texte fondateur de l'anticolonialisme.