L'Union européenne engendre-t-elle un déni de démocratie ? En prônant le retour à l'Europe des nations, les adversaires de la technocratie bruxelloise dénoncent la confiscation du pouvoir populaire. Leur argumentaire est rôdé : dans le huis-clos des réunions entre dirigeants, dans l'opacité feutrée de cénacles qui semblent n'avoir de comptes à rendre à personne sinon aux lobbies et aux thinks tanks, la légitimité démocratique s'exténue.
Ce livre montre pourtant que le souverainisme, qui confine la politique à l'État-nation, est une illusion philosophique et une erreur pratique. Les principes de la démocratie moderne (peuple, citoyenneté, volonté générale) ne sont pas niés par le projet européen, ils peuvent y trouver l'occasion d'un approfondissement. Pour le combattre l'impasse souverainiste, l'Union européenne doit faire de la solidarité son nouveau telos et mettre en oeuvre un fédéralisme social, fiscal et environnemental. Ancré dans la théorie de la république fédérative issue de Montesquieu et des Fédéralistes américains, son régime pourra alors conjuguer fédération démocratique et souveraineté du peuple.
En politique, en amour, au travail, sur les bancs de l'école comme dans les cours de récréation, le pouvoir gouverne les relations humaines.
Comment expliquer que certains commandent, tandis que d'autres obéissent ? Parce qu'il s'exerce non sur des choses, mais sur des volontés, libres de coopérer ou de résister, le pouvoir est d'abord influence ; or par quel moyen faire faire à d'autres ce qu'ils ne feraient pas spontanément ? Faut-il user de la force, de la séduction, de la ruse, ou encore de la philosophie ? Y a-t-il un art de diriger ? Comment le pouvoir se légitime-t-il, et se maintient-il dans la durée ? Existe-t-il s'il ne se manifeste pas en acte ? Et surtout, pourquoi obéissons-nous ? Ce volume rassemble les plus grands textes sur le pouvoir, de Platon à Foucault, en passant par Aristote, Machiavel, Hobbes, Pascal, Montesquieu, Rousseau, Tocqueville, Marx, Nietzsche, Weber, ou encore Arendt.
D'où vient que l'injustice constitue un problème à part dans la philosophie ? Pourquoi est-il si difficile pour elle de donner de bonnes raisons d'agir de manière raisonnable ?
Ce livre propose une galerie de portraits des Objecteurs qui, dans l'histoire de la philosophie, ont contesté la proposition selon laquelle il est rationnel d'être juste. De Platon à Hobbes, Diderot, Rousseau, Hume et Sade, de nombreux philosophes ont tenté de figurer le raisonneur violent qui se cabre face aux coûts et aux sacrifices associés à une politique juste. Or les théories politiques contemporaines inscrites dans le cadre du choix rationnel ont métamorphosé la figure de l'Objecteur. Dans une large mesure, elles ont occulté l'Insensé qui figurait leur dehors et l'ont réduit à la figure apaisée du passager clandestin (free rider) qui trouve un bénéfice économique dans la désobéissance aux règles communes. En étudiant cette transformation de la philosophie politique, il s'agit donc de mesurer ce que nous risquons de perdre, en termes de réalisme politique, lorsque la résistance de l'illusion, de la violence, de l'affect ou du désir n'est plus prise en charge par la philosophie.
Les paradoxes de l'autonomie démocratique chez Rousseau : entre primitivisme, naturalisme et républicanisme.
Ce volume double de la collection Le bien commun propose une lecture de L'Esprit des lois de Montesquieu, cette somme fondatrice de la philosophie politique que plus personne ne prend le temps de lire. Certains des principes fondamentaux de nos démocraties modernes, comme la fameuse séparation des pouvoirs, se formulent pour la première fois dans cet ouvrage qui méritait d'être dépoussiéré par une lecture attentive et exigeante, menée par l'une de ses meilleurs spécialistes. Avec ce livre accessible aux étudiants et répondant à l'absence de littérature parascolaire sur L'Esprit des lois, Céline Spector donne également un ouvrage de référence, destiné aussi à un public de spécialistes.
Une philosophe et un collégien discutent ensemble de l'Europe. Il y a beaucoup à dire, mais de quoi est-il vraiment question quand on en parle ? S'agit-il d'un continent, d'une construction politique, d'une utopie ? Quelles sont ses frontières et ses origines ? D'où vient que tous ces peuples puissent se dire... Européens, alors qu'ils n'ont pas la même langue, la même culture, les mêmes lois, les mêmes droits ? Pour la philosophie, c'est une belle occasion de revenir sur une histoire beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. Une histoire pleine de bruit et de fureur, façonnée par les conquêtes et les migrations, mais riche de ses Lumières, de son rayonnement dans le monde et de ses grandes aspirations. Cette noble idée de mettre toutes ces ressources en commun, ce rêve de paix, de justice et de liberté, cela s'appelle l'Europe...
Dans la France de la première moitié du XVIIIe siècle, cadre de l'avènement de la "science nouvelle" de la production et de la distribution des richesses, Rousseau critique l'économie politique. Sa critique vise le socle théorique commun à des courants de pensée divergents (mercantilistes, partisans du luxe ou Physiocrates), soit en des termes plus contemporains, le primat accordé à la croissance sur la justice.
A cet égard, Rousseau est un lucide interprète des dangers de la société concurrentielle. Il a su voir que l'économie politique naissante reposait sur de folles illusions - l'illusion du caractère naturel de l'intérêt, l'illusion de la transparence de la médiation monétaire, l'illusion des contrats "volontaires" entre individus inégaux, l'illusion, enfin, de l'harmonisation des intérêts dans la société marchande.
Après Mandeville, Locke et Montesquieu, Rousseau a saisi l'évolution de la société commerçante. Il a combattu, à sa façon, le mythe de la "main invisible", auquel il entend substituer la "main visible" de la République. Le prophète des mystifications de l'économie politique a su faire entendre sa voix, et la Révolution française lui donnera un écho inédit. Marx, en ce sens, doit faire amende honorable : plus qu'une belle âme égarée au pays de l'utopie, l'auteur du second Discours a proposé une critique de l'économie politique dont nous pouvons encore tirer profit.
« C'est pas juste ! » Combien de fois, lorsque nous étions enfants, n'avons-nous pas prononcé ces mots, exprimant ainsi notre colère et notre indignation face à l'injustice. Car les enfants éprouvent d'abord le sentiment d'injustice avant de pouvoir accéder au sens de la justice. Il existe quelques situations typiques que nous pouvons retrouver à travers nos souvenirs d'enfance : les partages inégaux (le gâteau découpé en parts plus ou moins importantes.), les punitions jugées disproportionnées ou données pour de mauvaises raisons et enfin les promesses non tenues. C'est à partir de ces trois situations que nous pouvons aborder les questions fondamentales qui ont trait à la justice : la juste distribution et la revendication d'égalité, le châtiment des délits et des crimes et le rôle de l'institution judiciaire, la parole et le contrat qui engagent. Et on verra qu'il est très difficile (quasiment impossible) de s'accorder sur un critère absolu de la justice.
La révolution méthodologique de Montesquieu se traduit dans l'originalité de son langage, que ses contemporains comme ses critiques ultérieurs auront beaucoup de mal à accepter.
Ne s'agit-il pas de dire des choses nouvelles en donnant aux termes anciens des acceptions nouvelles, au point d'en subvertir totalement la substance ? Sans doute faut-il prendre l'idée de " dictionnaire " au mot, sans se laisser guider par les significations usuelles, courantes ou philosophiques, des termes employés : " J'ai eu des idées nouvelles, il a bien fallu trouver de nouveaux mots, ou donner aux anciens de nouvelles acceptions : mais j'ai défini mes mots ".
La réflexion sur l´expérience politique moderne est au coeur de L´Esprit des lois. À l´instar de nombreux auteurs du XVIIIe siècle, Montesquieu s´interroge sur la pérennité des républiques animées par la vertu. L´essor de l´économie, dans les grands États européens, nuit à l´expression des vertus et « corrompt les moeurs pures ». Or, en l´absence de dévouement civique, les États peuvent-ils fonder le lien social et garantir la liberté politique ? La vertu patriotique, passion dominante des cités antiques, peut-elle devenir caduque sans préjudice pour l´homme moderne ?
En revenant sur l´inscription de Montesquieu dans la tradition du libéralisme politique, cette étude explore les voies plurielles tracées par Montesquieu face au «mal politique » incarné dans le despotisme. Elle invite à approfondir la réflexion consacrée, depuis deux siècles, au concept de société civile.
CÉLINE SPECTOR est Maître de conférences en philosophie à l´Université de Bordeaux 3 et membre de l´Institut Universitaire de France. Ses travaux portent sur la philosophie française du XVIIIe siècle et sur la philosophie politique contemporaine.
La chanson de geste Renaut de Montauban jouit du rare privilège de n'avoir jamais cessé d'être adaptée, remodelée puis publiée depuis le Moyen Âge jusqu'à nos jours. Le sens d'un texte se trouvant nécessairement éclairé par l'histoire de sa réception, on se propose, pour mieux révéler rétrospectivement toutes les facettes de l'épopée primitive, d'étudier les réécritures tant romanesques que dramaturgiques d'une oeuvre connue, depuis le XVe siècle, sous le titre des Quatre Fils Aymon. L'objectif de cette étude est donc double : il s'agit d'abord de décrire les différentes modalités de l'évolution du texte d'origine en dégageant ainsi le noyau stable de ses réécritures, mais aussi, sur cette base, de saisir les raisons de l'exceptionnelle pérennité de ce vieux récit épique.
Que sont devenues les théories de l'Europe élaborées par les Lumières ? Dans une démarche pluridisciplinaire, l'ouvrage s'interroge sur la manière dont les projets conçus au xviiie siècle ont été réinvestis dans les textes fondateurs de l'Union européenne et chez les théoriciens contemporains de l'Europe.