Passionnés par le XVIII? siècle, les frères Goncourt ont consacré une grande partie de leur vie à enquêter sur les moeurs d'alors. De la mode à la politique, en passant par les couvents et les salons, ils célèbrent dans cet essai la toute-puissance de la femme à l'époque des Lumières, et en particulier l'aristocrate parisienne, qui se distingue par son élégance, son intelligence et sa liberté affective et sexuelle.
Décriés et négligés en leur temps, les frères Goncourt figurent parmi les précurseurs de la Nouvelle Histoire. C'est dans cette perspective qu'Elisabeth Badinter nous invite à redécouvrir cet essai méconnu dans sa lumineuse préface : « À la différence de l'histoire politique traditionnelle qui a toujours ignoré la femme, l'histoire des moeurs et des mentalités peut seule la faire apparaître comme sujet de l'histoire. »
La Fille Élisa est le roman d'une prostituée condamnée à la prison à perpétuité pour le meurtre de son amant. Fille d'une avorteuse, élevée dans l'indigence, tombée dans la prostitution par naïveté et volonté de fuir l'univers de son enfance, elle tue sans même comprendre pourquoi. Détenue dans des conditions terribles, la société achèvera de broyer cette jeune femme qui n'aura jamais fait que subir un destin misérable.
Publié en 1877, écrit par Edmond de Goncourt après la mort de son frère Jules à partir de notes prises en commun, La Fille Élisa peut être considéré comme la dernière collaboration des deux hommes et probablement comme leur plus grande réussite romanesque. Évitant les écueils du roman naturaliste, ni moralisateur, ni bien-pensant, La Fille Élisa est un réquisitoire implacable contre l'acharnement stérile des institutions à l'égard de ceux qu'elles auraient dû protéger.
En 1880, Edmond de Goncourt publie La Maison d'un artiste, un ouvrage d'un genre totalement nouveau, dans lequel il décrit minutieusement chaque pièce de sa maison. En collectionneur chevronné, il y a accumulé ici des dessins et sculptures du xviiie siècle, là des livres de bibliophilie qu'il a fait relier de cuirs exceptionnels, et là encore des objets extrême-orientaux. S'il prétendit être à l'origine de la vague de japonisme qui déferla en France - ce qui n'est pas tout à fait exact -, il fut néanmoins l'un des premiers collectionneurs occidentaux d'estampes japonaises, de gardes de sabre, de netsukés et autres objets alors inconnus. La réédition proposée ici reprend les textes de l'oeuvre en rappport avec les arts extrême-orientaux. Geneviève Lacambre aborde dans une large préface les ressorts de cette collection, les étapes de sa constitution et son devenir. Elle y étudie le parcours d'une dizaine d'objets jusqu'à nos jours - objets pour lesquels des illustrations photographiques sont proposées.
Petit roman galant, totalement oublié, d'Edmond et Jules de Goncourt, trace d'un vaste projet de " roman des Actrices " qui obséda les deux frères, puis Edmond seul, pendant près de quarante ans, ce bibelot littéraire de 1856, dont chaque chapitre contient un effet, une coquetterie, une trouvaille, a gardé une fraîcheur intacte.
C'est une curiosité, à la fois ironique et tendre, sophistiquée et légère, mais où tout tourne, littéralement, autour d'Armande, petite comédienne de province : " Tout en elle était contresens, et tout en elle était ensorcellement !... " Armande a le charme irrésistible des actrices débutantes, quand elles sont à la fois très jeunes, très jolies et très mauvaises - nous ne nommerons personne...
Chérie paraît en 1884. Cet itinéraire suspendu d'une jeune fille de la haute bourgeoisie a déconcerté par sa méthode : une intense compilation documentaire, qui prétendait vider le roman de toute intrigue. E. de Goncourt pousse ainsi les implications scientifiques du naturalisme, tout en s'inscrivant dans l'esthétique symboliste.
La Faustin, troisième roman publié par Edmond de Goncourt après la mort de Jules, évoque le monde du théâtre qui avait toujours fasciné les deux frères. Ce roman de l'actrice peut être considéré comme un ouvrage de transition : d'une part, La Faustin est un roman d'aboutissement parce qu'il est la résultante d'un ensemble de tentatives de la part de l'auteur de représenter l'actrice et le monde du théâtre ; d'autre part, bien qu'il soit conçu selon la méthode naturaliste du document humain et de la vérité vécue, ce roman marque un nouveau point de départ puisque l'auteur y privilégie tout ce qui tient de l'impalpable et de l'irrationnel (désirs, hantises, rêves, cauchemars), des aspects que les naturalistes avaient toujours rejetés, au moins du point de vue théorique. L'oeuvre se trouverait en porte-à-faux entre la « première manière » des Goncourt, fondée sur les principes les plus orthodoxes de l'esthétique naturaliste (le document, le fait vrai, le morbide), et la « seconde manière » qui envisage d'explorer les aspects du réel les moins exploités de l'école naturaliste (l'élégance, le beau monde) tout en s'ouvrant aux nouvelles tendances qui, autour des années 1880, favorisent dans l'analyse de l'être humain le psychologique au détriment du physiologique.
Chérie, « le pauvre dernier volume du dernier des Goncourt », a longtemps été considéré comme une oeuvre mineure. On redécouvre aujourd'hui l'intérêt et la modernité d'un texte qui, par un subtil jeu de collages, fait revivre la « fête impériale » et brosse l'original portrait d'une jeune fille de la haute société. Cette édition, qui a bénéficié de l'apport de deux documents Importants (le manuscrit et le plan du roman) permet de corriger quelques idées préconçues sur le refus de la composition et sur l'écriture artiste.
La Fille Élisa, premier roman publié par Edmond de Goncourt après la mort de son frère, évoque le pitoyable lot d'une prostituée qui tue son amant et est condamnée à un sort lamentable dans une prison pour femmes. Éclipsé dès sa sortie en 1877 par la publication tapageuse de L'Assommoir de Zola, le roman de Goncourt fut vite expédié au deuxième rang du canon naturaliste. Mais ce livre " plein de talent " selon Flaubert ne mérite pas d'être réduit à des catégories expéditives comme simple " document humain" ou roman des bas-fonds, orné de quelques fioritures de l'écriture artiste. Il se recommande par sa complexité narrative, sa finesse stylistique et les ambiguïtés de sa morale, tout en étant un cri de protestation et d'indignation contre l'injustice sociale et contre l'inhumanité de l'institution pénitentiaire. Un livre digne, en effet, d'être offert à nouveau au public.
David Baguley est professeur émérite à l'Université de Durham (Angleterre) et à l'Université de Western Ontario (Canada). Il est l'auteur de plusieurs ouvrages et articles sur Zola, le roman naturaliste et le régime de Napoléon III.
Si la sensualité avait un nom, elle s´appellerait sans doute Utamaro. Soulignant avec délicatesse le jardin des plaisirs que fut un temps l´Edo, Utamaro, par la richesse des étoffes, les longs cous de cygnes féminins et les regards énigmatiques, évoque en quelques traits la volupté de tout l´Orient. Et si certaines scènes trahissent pudiquement les jeux amoureux, nombre de ses shungas sont univoques rappelant, dès lors, que l´amour au Japon est avant tout érotique. Puis, s´éloignant un temps de ces joies citadines, il explora avec autant de simplicité la sobriété la nature : neige crépusculaire, lune évanescente... La finesse de sa touche révèle en quelques traits tout de raffinement de l´apprentissage de l´école Kano. Edmond de Goncourt en sublimant l´art de ce maître japonais nous ouvre les portes d´un art dont les codes et les nuances échappent à notre regard. Cet ouvrage initiatique, par ces magnifiques estampes, nous invite dans ce magnifique jardin d´Aphrodite pour découvrir ou pour redécouvrir l´art japonais.
Ce roman des deux frères Goncourt (1867) est une Comédie humaine de la peinture. Le héros principal voit son talent progressivement ruiné par la femme qu'il aime, son modèle et sa maîtresse, Manette Salomon. Il a pour ami un autre artiste, également raté, mais par paresse et goût de la plaisanterie. En contrepoint, un génie inspiré par Rousseau, Millet, Corot, et un peintre mondain et officiel, couronné de succès. Cette intrigue fait revivre toute l'histoire de la peinture entre 1840 et 1860, à l'ombre d'Ingres et de Delacroix, à côté de l'Ecole de Barbizon. On y voit l'Ecole des Beaux-Arts, la Villa Médicis, les Salons. C'est donc un très beau roman méconnu, sur l'amour et l'art, qui s'inscrit entre Le Chef-d'oeuvre inconnu de Balzac et L'Oeuvre de Zola.
En 1855, les frères Goncourt partirent à l'aventure pour l'Italie. La moisson d'un séjour de six mois fut un « journal de bord » : ces Notes sur l'Italie demeurées à ce jour inédites.
Leur odyssée fut d'abord un voyage initiatique aux moeurs et aux paysages d'une péninsule parcourue de Milan à Naples en passant par Venise, Parme, Bologne, Florence, Pise, Rome. «Curieux de tout, très flâneurs, capables d'abandonner un vieux monument pour une jeune femme qui passe », les deux frères prennent tour à tour la plume pour noter leurs sensations et leurs impressions en une suite d'instantanés mêlant en harmonie réel et fantaisie. Dans un style inspiré, ils évoquent aussi bien les délires carnavalesques ou les pestilences de l'hôpital que la recette du parmesan ou les fastes désuets de la cour de Toscane.
Initiation, ce voyage le fut aussi à l'art. Déçus par les grands classiques de la Renaissance, nos découvreurs inventent, au long de leur cheminement, l'art primitif italien, de Giotto à Andrea del Sarto - constituant ce faisant le futur « goût Goncourt ». Critiques partiaux - et donc justes, comme l'eût dit Baudelaire -, ils sont sans cesse en quête d'un art d'observation, de description et de dissection, bref d'un art d'intelligence à la recherche d'une vérité idéale.
Rehaussées de leurs croquis et de leurs aquarelles, leurs notes, de touche en touche, ressuscitent à nos yeux le monde qu'ils découvrirent. Pour le voyage d'Italie, on connaissait le président de Brosses et Stendhal. Il faudra désormais ajouter les Goncourt.
Cette oeuvre fait partie de la série TREDITION CLASSICS. La maison d'édition tredition, basée à Hambourg, a publié dans la série TREDITION CLASSICS des ouvrages anciens de plus de deux millénaires. Ils étaient pour la plupart épuisés ou unique-ment disponible chez les bouquinistes. La série est destinée à préserver la littérature et à promouvoir la culture. Avec sa série TREDITION CLASSICS, tredition à comme but de mettre à disposition des milliers de classiques de la littérature mondiale dans différentes langues et de les diffuser dans le monde entier.