Volume I.
« C'est une jeune personne infidèle comme il y en a tant (mais ici fidèle signifie chrétienne, et infidèle le contraire). C'est un jeune homme très chrétien, autrefois très perverti, qui convertit la jeune personne ; le diable s'en mêle, et tout le monde finit par être rôti par les bons philosophes du siècle de Dioclétien, toujours pleins d'humanité. » (Lettre de Chateaubriand à Delphine de Custine du 18 juin 1804).
« Mal publiés, mal lus, mal jugés », la formule de P.-J. Hetzel à propos des Mémoires d'Outre-Tombe de 1848 s'applique davantage encore aux Martyrs de 1809. Honnêtement mais aigrement, Chateaubriand a relayé les critiques faites à son chef-d'oeuvre dans son Examen liminaire et ainsi orienté vers une lecture à charge. Les travaux de Béatrix d'Andlau après guerre tentèrent de renverser le jugement, mais en déclassant l'épopée des Martyrs au profit d'un état antérieur du texte, le roman des Martyrs de Dioclétien. Ne pourrait-on prendre l'oeuvre telle qu'elle est ? dans sa totalité cohérente et non seulement dans ses épisodes les plus flatteurs et les plus réussis (les Francs, Velléda) : moissons, tigres et colombes, hymne de mort et sommeil de vie parcourent en une ligne continue sous le regard d'un Dieu caché ce théâtre de gloire qu'un obscur voyageur peut parcourir en quelques jours. Nous voilà invités, obscurs voyageurs, à relire Les Martyrs comme une oeuvre neuve.
Volume II.
« Alors, tu ne me reconnais pas ? Voyons, rappelle-toi...ce bon Ségenax... hein ! tu te souviens ?... le père de Velléda ?... ce bon Ségenax, magistrat vénéré chez les Rhédons, de qui Chateaubriand parle au tome premier de ses Martyrs ? Dégoûté par la conduite scandaleuse de Velléda, qui avait ''fauté'' avec le sinistre Eudore, je suis entré, comme qui dirait aujourd'hui, à la Trappe, c'est-à-dire que j'ai passé brillamment mon bachot ès Druides... gardien de la Pierre-Dieu... un poste d'embusqué, quoi ! » (Maurice Leblanc, L'Île aux trente cercueils).
« ...une histoire parfaitement belle parce qu'il y a mis la fleur du désert, la grâce de la cabane et une simplicité à conter la douleur que je ne me flatte pas d'avoir conservées. Certes je n'essayerai pas de traduire avec ma plume la volupté si triste qui s'exhale de ce verdoyant exil » écrit Baudelaire en 1859 à propos du « ton mélancolique du poëte des Martyrs ».
Ce deuxième volume comprend les variantes, les manuscrits et les épreuves des Martyrs de Dioclétien qui permettent de reconstituer les différents états du texte de Chateaubriand. Il comprend également toute l'annotation rédigée pour cette édition par Nicolas Perot. Le premier volume comportant sur une même page le texte des Martyrs et le texte des Remarques rédigées par Chateaubriand, on pourra garder ouvert ce deuxième volume pour y lire en parallèle toutes les notes afférentes sans avoir besoin de passer d'une page à l'autre d'un même volume.
Volume III.
« Je donnerai donc hardiment, pour mon compte, le nom de poëme à un ouvrage essentiellement poétique, à la quantité et à la rime près. » (Fontanes) « Deux choses inconciliables de leur nature. ou que l'on ne concilie du moins qu'aux dépens l'une de l'autre, l'allure fiere, libre et indépendante du génie qui invente, et la contrainte toujours pénible du talent qui imite ; cette lutte presque continuelle de deux principes évidemment opposés, me semblerait assez bien caractériser la maniere habituelle de M. de Châteaubriant. Il perd habituellement en beautés, ce qu'il s'efforce de gagner en correction. » (Amar) « Les inventions de M. de Châteaubriand sont bien supérieures à ses imitations. » (Guizot) « On avoit depuis longtemps oublié mes critiques sur les Martyrs ; l'auteur les a fait revivre ; si elles nuisent à son ouvrage, ce sera sa faute. » (Hoffman) Ce troisième volume est surtout consacré à la réception de l'oeuvre. L'accueil fut bien plus divers que ne le laissent supposer les dossiers déjà réunis par Chateaubriand et ses premiers éditeurs. Les comptes-rendus qu'on trouve dans la presse à l'occasion de la première ou la troisième édition constituent l'étude la plus importante jamais consacrée au chef d'oeuvre de Chateaubriand, avec de grandes plumes : Auger, Guizot, Hoffmann, Bonald, B. Constant, Irving Washington.
La parution de l'Itinéraire de Paris à Jérusalem, en 1811, marque une étape capitale dans l'histoire des Voyages. Ce périple méditerranéen est entrepris dans le but d'aller " chercher des images " pour composer Les Martyrs. C'est donc en professionnel de l'écriture que Chateaubriand parcourt l'Orient. Son journal de route deviendra une oeuvre, dont les qualités littéraires seront unanimement appréciées. Pour autant, ce texte aux multiples facettes ne saurait se lire en fonction seulement d'une visée esthétique que les voyageurs récusaient volontiers en dénonçant les mensonges du style. L'auteur ne renonce pas totalement à la composante encyclopédique qui définit pour partie le genre en ce début de siècle, il se fait porteur d'un message consistant à accorder christianisme et liberté politique, il ouvre enfin la voie à cette veine du voyage personnel qui connaîtra une belle fortune dans la première moitié du siècle. Dans ce livre se superposent des temporalités multiples. On y peut découvrir l'histoire du sujet et celle des civilisations, en visitant concomitamment un musée et une bibliothèque constitués des plus belles productions du génie humain.
En 1827, Chateaubriand fait paraître dans les tomes VI et VII de l'édition de ses oeuvres complètes des récits de voyage qui ne sont que partiellement connus du public. Ces textes, auxquels il faut adjoindre l'Itinéraire de Paris à Jérusalem, forment, au dire de leur auteur, la « collection de [ses] voyages ». Dans le présent volume, on verra l'écrivain adopter des tours et aborder des matières fort différents. Poète, historien, polémiste... et quelquefois savant, Chateaubriand sait à merveille tirer parti des possibilités que lui offre un genre qui mêle volontiers des discours divers. En publiant des ouvrages qui embrassent chacun une partie de sa vie, il a conscience également, comme il l'écrit dans la « Préface générale » de ses oeuvres, de dire ce qu'il a été, avant de livrer le récit complet de son histoire et de celle de son époque dans des Mémoires qui sont alors en gestation. L'expédition américaine et le séjour italien revêtent à ce titre un intérêt particulier : c'est dans les forêts du Nouveau Monde que Chateaubriand découvre une Muse inconnue, c'est à Rome qu'il prend conscience que le véritable voyage se fait aussi dans le temps.
L'Essai historique sur les révolutions (1797) est le premier livre de Chateaubriand et, de l'aveu même de l'écrivain, la véritable matrice de sa production ultérieure. Écrit durant l'exil en Angleterre, entre le début de la Terreur et la première campagne de Bonaparte en Italie, il comporte une méditation inquiète et douloureuse sur le cours pris par les événements révolutionnaires après l'exécution de Louis XVI, que l'auteur cherche à expliquer à la lumière de l'histoire ancienne et moderne. Pour se défendre des attaques dirigées contre lui, notamment sous l'Empire, Chateaubriand l'a republié en l'accompagnant d'importantes notes critiques, qui permettent de mesurer l'écart entre la formation de sa pensée, influencée par les Lumières et notamment par Rousseau, et son retour à la carrière littéraire, à l'issue de son éviction politique à la fin de la Restauration.
En 1801, Chateaubriand publiait avec Atala une oeuvre née de son aventure américaine qui allait faire sensation dans le monde des lettres en inaugurant une écriture poétique apte à faire retentir toutes les harmoniques du désir. Les préfaces ici rassemblées, ainsi que le dossier critique sur Atala constitué par Chateaubriand lui-même, permettent de mesurer la déconcertante nouveauté d'un récit que les contemporains hésitaient à classer « parmi les monstruosités ou parmi les beautés », et qui, deux siècles après, n'a rien perdu de sa fascinante étrangeté.
Le court récit-confession de René, aux allures autobiographiques, est à la fois une manifestation de la crise de confiance envers le siècle des Lumières et du désarroi post-révolutionnaire. Promenades extatiques, passion incestueuse, malaise indéfinissable, tout concourt pour faire de René une icône du premier romantisme français.
Dans Les Aventures du dernier Abencérage, ce récit qui déroute souvent les lecteurs, Chateaubriand tente de répondre aux angoisses et aux fièvres de René par une image héroïque de l'amour. Celui-ci est aux yeux du conteur un absolu qui passe toute règle sociale ou même religieuse : dans sa redoutable pureté il conduit à la solitude et trouve sa joie à travers le désespoir.
Le congrès de Vérone est un ouvrage oublié de Chateaubriand. Paru en 1838 pour servir de plaidoyer en faveur de la Restauration et de son action comme ministre des affaires étrangères au moment de la guerre d'Espagne de 1823, il n'eut aucun succès. Objet des critiques de la gauche, qui lui reprochait d'avoir mené en Espagne une guerre visant à renverser un régime constitutionnel, et de la droite qui l'accusait d'avoir, par son hostilité à Villèle, affaibli la monarchie, Chateaubriand n'a pas convaincu ses contemporains.
Nous sommes aujourd'hui en face d'un chef-d'oeuvre, de la veine des Mémoires d'Outre-tombe. On y retrouve le style éblouissant de l'écrivain, la verve du polémiste, l'imagination du poète. L'ouvrage contient de nombreux passages des Mémoires, Chateaubriand n'ayant pu, comme il le souhaitait, l'intégrer en entier dans son oeuvre majeure. Publié pour la première depuis 1922 avec l'intégralité de la correspondance diplomatique que Chateaubriand a voulu joindre à son texte, il enchantera tous ceux pour qui les Mémoires sont un des chefs-d'oeuvre de la littérature française.
D'octobre 1818 à mars 1820 Chateaubriand devient journaliste politique dans le Conservateur, revue hebdomadaire ultraroyaliste, où il fait figure de proue et fournit plus d'une cinquantaine d'articles. Quelquefois commentant la politique au jour le jour, à d'autres moments tacticien électoral, à d'autres encore exploitant sa réputation de docteur-ès-sciences constitutionnelles dans des articles de fond, il ne cesse de varier le ton. C'est surtout un grand homme d'opposition, critiquant, parfois avec une ironie cinglante, la conduite du gouvernement dominé par Decazes. On y voit un homme d'État en formation tâchant de rassembler et d'encourager les royalistes de la Restauration à tenir bon. Défenseur chevaleresque de la monarchie, il reste cependant convaincu de la nécessité de faire jouer le système de gouvernement représentatif mis en place par la Charte de 1814 et reste ouvert à une évolution organique de la société, tout en foudroyant l'opportunisme des girouettes politiques qui ont servi tous les régimes. Après la chute de la Restauration, il écrira dans De la Restauration et de la monarchie élective : « J'étais l'homme de la Restauration possible, de la Restauration avec toutes sortes de libertés ».
On sait que mon premier plan avait été de faire des Discours historiques depuis l'établissement du christianisme jusqu'au règne de Philippe VI dit de Valois. À ce règne, je me proposais d'écrire l'histoire de France proprement dite, et de la conduire jusqu'à la Révolution. » Chateaubriand n'écrira pas cette grande Histoire de France longtemps projetée, mais s'est décidé à rassembler ses écrits sur l'histoire. Ceux-ci se composent de deux ensembles distincts : les six Discours sur l'avènement du christianisme dans l'Empire romain et l'Analyse raisonnée de l'histoire de France. À ces pages, il a ajouté une longue Préface, souvent citée, parfois rééditée : cette ample réflexion sur la façon dont l'histoire a été écrite d'Hérodote aux années 1820 est l'une des toutes premières histoires de l'histoire. Voici la première édition critique de l'intégralité des Études historiques depuis leur parution, en 1831, dans l'édition Ladvocat des oeuvres complètes. Elle offre les éclairages indispensables sur cet ouvrage aussi célèbre que méconnu.