"L'Egypte écrit, le Liban imprime et l'Irak lit", disait-on il n'y a pas très longtemps pour résumer en une boutade la situation du livre et de la lecture dans le monde arabe.
Les choses étaient déjà bien plus complexes et elles le sont davantage de nos jours. A partir d'une étude, la première jusqu'à présent, du rôle de Beyrouth en tant que capitale de l'édition arabe, rôle qu'elle partage avec Le Caire, Franck Mermier dresse un tableau du paysage éditorial en montrant notamment l'émergence dans ce domaine des pays du Maghreb et de la péninsule Arabique. Une analyse du marché du livre fait ressortir les difficultés que rencontrent les éditeurs à tous les niveaux et insiste sur les efforts déployés par eux pour s'adapter aux nouveaux moyens de production et de circulation.
Efforts qui tendent à une recomposition du champ éditorial et à une approche plus moderne du métier d'éditeur.
Le Liban se singularise dans l'espace arabe par un système politique confessionnel, un Etat faible et la dévolution de la présidence de la République à un chrétien.
Il apparaît donc souvent comme un cas à part, pouvant être même perçu en creux comme la scène de conflits régionaux dont les habitants ne seraient que des figurants. Le cas libanais nous incite ainsi à questionner la formation d'une "communauté imaginée" par l'Etat-nation, alors même qu'au Liban le système étatique entretient des patriotismes communautaires qui engendrent des altérités internes et des "intimités collectives à défendre".
La nation libanaise ne se situe pas, en effet, dans le supposé lieu commun d'une "coexistence" (ta'âyuch) inscrite dans le préambule de la nouvelle Constitution de l'après-Taëf, mais bien dans les actualisations de ces multiples libanités produites par les appareils communautaires. Leurs systèmes éducatifs, leurs récits historiques avec leur part d'héroïsme et de culte des martyrs, ainsi que leurs modes de socialisation politique contribuent à entretenir ces petits Liban et la hiérarchisation des communautés.
L'étude des processus organisationnels, notamment ceux des institutions et des sociétés partisanes, apparaît donc comme le maillon indispensable pour cerner plus précisément, à travers l'analyse des rituels et de la mise en scène des pouvoirs, le lien entre les transformations du leadership et celles du communautarisme libanais. Si l'on se dégage d'une vision surplombante du communautarisme politique pour s'immerger dans les "sociétés partisanes" où il se projette, s'élabore et se réinvente, on peut en mesurer les effets systémiques à partir de ses actualisations diffractées et singulières.
C'est l'un des objectifs de cet ouvrage qui explore la question du leadership au Liban et les liens qu'entretiennent les leaders politiques, mais aussi religieux, avec ces groupes de partisans qui forment comme des micro-sociétés. Les modes de formation ou de transmission de ces leaderships sont analysés ici en relation avec les contextes politiques et sociaux qui ont provoqué leur émergence, leur pérennisation ou leur déclin, tandis que leurs conditions de réception ont été explorées en relation avec les interactions entre partisans et leaders.
L´ouvrage inaugure la nouvelle collection de l´Institut, Les Cahiers de l´Ifpo. Cette première édition des Cahiers de l´IFPO est consacrée aux espaces partagés et pratiques de rencontre au Liban, sans que prédomine, à nos yeux, dans les notions de partage et de rencontre, le caractère positif ou neutre de l´un, la valeur de mise en commun ou de division pour l´autre. À travers ce recours à une métaphore idéelle qui relie espace et pratique, ce sont différentes formes de relations et de liens sociaux qui sont ici présentées, selon des échelles variées mais au plus près des situations de sociabilité, depuis l´usage du téléphone portable et les visites de condoléances jusqu´aux relations « inter-communautaires » au sein d´une entreprise ou dans la Montagne libanaise.
La territorialisation des appartenances combine un registre complexe où se mêlent la symbolique des lieux, leurs liens à l´histoire communautaire et nationale, leurs formes d´appropriation, parfois violentes, et les réalités sociologiques par essence fluctuantes. Tel quartier de la capitale qualifié de « sunnite » ou de « chrétien » est en proie à des enjeux d´autant plus redoublés que le « socle » communautaire sur lequel se sont construites ses affiliations politiques et ses représentations symboliques s´est largement effrité depuis ces trente dernières années. Le système électoral en vigueur, qui maintient le lien politique et symbolique à la localité d´« origine », entretient cette fixation « communautaire » tout en lui faisant subir des distorsions du fait des évolutions démographiques qui concourent à rendre plus homogènes ou hétérogènes les populations de ces lieux.
Les études et témoignages rassemblés dans cet ouvrage permettent de saisir un état du communautarisme libanais qui ne peut être dissocié de la crise politique qui a secoué le pays entre l´assassinat de Rafic Hariri, le 14 février 2005, et l´élection d´un nouveau président de la République le 25 mai 2008. La recherche sur les différents avatars de ce communautarisme, depuis la fin de la guerre civile en 1990, a tenté de scruter ses actualisations dans les différents domaines du politique, sans vraiment prendre en compte ses conséquences au niveau des relations sociales, si ce n´est par le recours aux notions générales de « polarisations », « crispations » ou « replis » communautaires. L´apport de cet ouvrage est précisément de déplacer la réflexion sur le terrain des pratiques sociales à travers des situations précises et localisées, loin des stéréotypes et des amalgames.
Cet ouvrage s'appuie sur des enquêtes de terrain réalisées durant des séjours prolongés de l'auteur au Yémen et au Liban. Alliant coups de sonde historiques et expériences du quotidien, il retrace, à travers certains lieux et moments emblématiques et signifiants, les contours changeants de la puissance de la ville dans le monde arabe.
Les villes divisées, en proie à de multiples formes de fragmentation sociale, religieuse, ethnique et politique, sont une réalité prégnante du monde contemporain qui traverse les oeuvres de fiction. Les représentations littéraires et cinématographiques des frontières et démarcations urbaines étaient restées un thème peu abordé par les sciences sociales. Elles sont ici explorées dans une approche résolument pluridisciplinaire.
De Belfast à Beyrouth en passant par Londres, Paris, Berlin, Ramallah, Jérusalem, Le Caire, New York ou Bogota, les auteurs s'emparent, à partir de matériaux originaux, de quatre thématiques distinctes mais liées entre elles : les tensions afférentes aux ségrégations sociales et ethniques ("Franchir la ligne") ; les disséminations sociales et spatiales des communautés urbaines ("La ville disséminée") ; les mémoires, les démarcations et les pratiques de violence urbaine ("Espaces urbains et violence") ; les rapports complexes entre centralités et marges ("Réfractions urbaines").
Contributeurs :
Sadia Agsous - Frédérique Amselle - Sobhi Boustani - Élise Brault-Dreux - Michel Brunet Caroline Fischer - Mariangela Gasparotto - Franck Mermier - Françoise Palleau - Elisa Paolicelli - Bertrand Pleven - Anne Raulin - Gregor Schuhen - Stephanie Schwerter - Gina Paola Sierra - Christian vonTschilschke.
Rentré au pays après dix-sept ans d'absence, l'homme évoque sa stupeur lorsqu'il découvre qu'il n'a jamais cessé de ressembler à ses compagnons d'enfance, à son père et ses frères.Incapable de se départir d'un sentiment persistant de décalage, il doit affronter l'impossibilité de combler le vide qui le sépare du monde.
Seule république de la péninsule Arabique, le Yémen, avec ses seize millions d'habitants, en est aujourd'hui le pays le plus peuplé.
Son unification en 1990, parachevée quatre ans plus tard à l'issue de la guerre inter-yéménite de 1994 (5 mai-7 juillet), a accru son importance politique et stratégique dans la région. Il se singularise, dans ce contexte, par une expérience démocratique mise en place depuis l'Unité, qui coexiste avec une structure sociale restée très traditionnelle et marquée notamment par l'empreinte du tribalisme.
Il se différencie aussi des autres pays de la péninsule du fait que ses revenus pétroliers restent modestes et ne permettent pas de compenser son état de sous-développement.
La nation yéménite, héritière de l'antique civilisation sud-arabique, n'est pas le résultat d'un découpage colonial, comme les Etats du Golfe, ou d'un expansionnisme idéologique et dynastique comme l'Etat wahhabite d'Arabie Saoudite.
Elle s'est réalisée dans sa lutte contre la domination ottomane au Nord (1870-1918) et le colonialisme britannique au Sud (1839-1967).
En dépit du soutien populaire à l'Unité, le processus d'intégration nationale est encore loin d'être abouti. L'importance du facteur tribal, les particularismes locaux hérités d'une histoire morcelée concourent, entre autres facteurs, à freiner la dynamique unitaire.
C'est ainsi que les particularités de l'islam politique au Yémen doivent être rapportées aussi bien au poids du système tribal et des différenciations régionales qu'à l'héritage politique des deux régimes antérieurs à l'Unité, celui d'Aden (1967-1990) s'étant caractérisé par la mise en oeuvre d'un programme politique à orientation marxiste, unique dans le monde arabe.
Cet ouvrage collectif, fruit d'un programme de recherche franco-allemand ouvert à des chercheurs de différentes nationalités, permet de situer l'originalité du Yémen dans la péninsule Arabique.
Il offre à la fois une synthèse des données les plus récentes et de nouveaux cadres d'analyse pour l'étude des principales lignes de force du changement social, économique et politique depuis la réunification du pays.
Depuis la révolution de 2011, un désir de connaissance s'est emparé de la société syrienne. Composé de témoignages et d'études traduits de l'arabe, cet ouvrage forme une chronique de l'intérieur de la révolution et de la guerre en Syrie rédigée par des auteurs syriens, intellectuels engagés, ou simples témoins.
Cette publication propose un tour d'horizon inédit de la presse (en) arabe hors de l'aire arabophone en rassemblant, depuis ses origines au XIXe siècle, des études sur l'Europe, l'Amérique centrale, l'Afrique et le Moyen-Orient.
La presse (en) arabe publiée hors de l'aire arabophone regroupe l'ensemble des publications (quotidiens et périodiques) éditées et publiées en langue arabe au sein de pays où cette langue n'est pas une langue dominante. Si l'expression « la presse (en) arabe » est au singulier, cette dernière ne constitue pas pour autant un ensemble homogène. Sa pluralité résulte de l'hétérogénéité des contextes historiques et politiques de sa naissance, de ses contenus, des trajectoires de ses instigateurs et de leurs motivations. Cette diversité est aussi liée aux publics visés et aux rapports qu'ils entretiennent avec les différents espaces arabes dont ils sont originaires. La presse (en) arabe a fortement subi les contrecoups des événements politiques et des transformations technologiques. Le passage au numérique de nombreux journaux, pour ceux qui n'ont pas disparu a bouleversé le paysage de la presse dans la plupart des pays. Les soulèvements de 2011, puis les guerres qui ont ravagé plusieurs pays de la région, avec leur lot de dispersion et de migrations forcées, ont aussi eu des conséquences profondes, mais différenciées selon les contextes, sur la reconfiguration des espaces médiatiques. Les parallèles que l'on pourrait tracer entre la presse arabe émigrée antérieure à la diffusion des nouvelles technologies de l'information et de la communication et les sites d'information à l'âge d'internet, suggèrent cependant, qu'au-delà des différences évidentes relevant de la rapidité et de la densité des connexions et des flux, des constantes peuvent s'observer notamment au niveau des effets de contexte. Ce dossier, construit selon une perspective diachronique depuis les débuts de cette presse imprimée en France au XIXe siècle, vise à décloisonner les regards disciplinaires. Il a aussi pour objectif de mettre au centre de l'analyse les conséquences des interactions que cette presse allophone entretient avec les configurations sociales, politiques et culturelles dans lesquelles elle se déploie.
Des souks aux malls, des boutiques au marché de rue, du moussem au supermarché, les textes réunis ici explorent ces lieux urbains de l'échange dans cet espace euro-méditerranéen où le commerce s'est érigé depuis l'Antiquité en "art de faire" et jusqu'à se confondre avec toute forme économique lorsque ces leixu, de Constantinople à Tanger, furent l'échelle du monde. Loin cependant d'y voir un archaïsme, ces textes témoignent d'abord de la permanence de la "place du marché" dans les mondes méditerranéens, sous toutes ses modalités, des plus banales et fragiles aux plus stables, mais plus encore de la vitalité des méthodes d'échange commercial que la place met en scène : celle des commerces vernaculaires, celle du marché de rue et des boutiques, de la logique du khan sous les apparences du mall, et plus généralement de la capacité des mondes sociaux les plus fragiles à prendre part au concert moderne des convoitises.
S'il est question ici surtout d'ethnographie de ces univers commerciaux, il est aussi question d'économie politique.
Après la fin de la guerre au Liban (1975-1990), la loi d'amnistie de 1991 a imposé une forme d'amnésie officielle dont l'objectif était de protéger de toute poursuite judiciaire les principaux chefs communautaires, ralliés à l'époque à la Pax syriana.
Le sort des centaines de milliers de victimes et de disparus était ainsi porté au passif d'une politique pariant sur le baume de l'oubli et sur la "reconstruction". Les traumatismes engendrés par ce long conflit dévastateur se sont cependant infiltrés dans le corps collectif pour entretenir les lignes de fracture de la guerre. Et cette fragmentation confessionnelle et territoriale de la mémoire ne pouvait qu'être avivée par la violence politique récurrente qui s'est accrue après l'assassinat de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri, en février 2005.
Les études rassemblées dans cet ouvrage apportent des informations inédites sur les pratiques mémorielles dans le Liban d'aujourd'hui et, plus généralement, enrichissent la réflexion sur leurs enjeux. Y sont abordés des sujets occultés, ignorés, voire tabous, qui sont autant de noeuds à défaire pour éclairer l'histoire du Liban de 1975 à 1990, ruais surtout pour contribuer au travail de mémoire que beaucoup de Libanais appellent de leurs voeux.