Pour Georges Bataille, Michel Leiris et Carl Einstein, le « moment » de la revue Documents représente un véritable tournant. C'est le plus grand moment dans leur vie d'écrivain. Pilotée par le trio Bataille Leiris Einstein, la revue Documents surgit à Paris en avril 1929, tel un surgeon inavoué du surréalisme. Deux années durant paraîtront quinze livraisons de ce magazine illustré affichant comme objets : « Doctrines » « Archéologie », « Beaux-Arts », « Ethnographie » et « Variétés ». La revue se veut le recueil actuel et actualisé des documents les plus caractéristiques et les plus authentiques, en somme l'Encyclopédie du XXe siècle. Ce formidable projet se démarque des revues concurrentes comme La Révolution surréaliste de Breton, Cahiers d'art de Zervos, Variétés de Van Hecke ou Bifur de Ribemont-Dessaignes. Les trois principaux animateurs de la revue Documents, financée par Georges Wildenstein, directeur de La Gazette des Beaux-Arts, sont Georges Bataille qui vient de publier Histoire de l'oeil sous le manteau, le poète Michel Leiris qui s'est éloigné du groupe surréaliste, et leur aîné l'Allemand Carl Einstein qui a publié en 1913 Bébuquin ou les dilettantes du miracle (un récit qui annonce Dada) et en 1915 un ouvrage pionnier sur l'art africain. La revue Documents se veut un fait documentaire total, se rêve même une revue de variétés de music-hall. Loin de juxtaposer des documents provenant de disciplines cloisonnées, loin de s'en tenir à l'habituelle subordination de l'image au texte, la revue du trio Bataille-Leiris-Einstein accorde à la photo, au dessin, à l'image ou à la reproduction, le privilège d'être la matière la plus originelle ou le résidu le plus original des manifestations humaines. La revue la plus déshabillée du monde nous parle et nous aguiche dans l'enchaînement et le fou rire de ses matériaux et de ses travaux documentaires.
G. Sebbag propose, dans son essai Gombrowicz mentaliste, un nouvel éclairage sur l'une des figures littéraires majeures du XXe siècle. L'écrivain polonais Witold Gombrowicz (1904-1969) a énoncé quelques intuitions fortes : mon moi est irréductible ; je parle en mon nom propre ; chaque moi est un cosmos qui exprime l'univers ; l'individu est menacé quand l'horizon humain est encombré par le grand nombre ; plus c'est intelligent, plus c'est savant, plus c'est bête ; à l'issue du duel à la grimace entre l'idéaliste et le matérialiste, ou du duel au pistolet entre l'analyste et le synthétiste, rien n'est tranché ; la patrie polonaise n'a pas su reconnaître le génie de sa partie juive. Ce livre, où sont dépeintes les nombreuses facettes du romancier polonais, n'est pas un essai sur mais avec Gombrowicz. Sebbag a passé au crible les voyances et les fulgurances de l'artiste Gombrowicz. Des visions et des idées, des plans et des séquences, des récits et des dialogues, plus actuels que jamais.
Les surréalistes ont été de grands explorateurs du sommeil et du rêve. En 1919, une phrase de pré-sommeil entendue par André Breton déclenche l'aventure de l'écriture automatique. Au cours de la période dite des sommeils, Robert Desnos et René Crevel révèlent leur pouvoir médiumnique. En fait, dès 1922, les surréalistes n'auront de cesse de noter et de publier leurs rêves. Il y a une avalanche de rêves dans La Révolution surréaliste (Breton, Aragon, Leiris, Artaud, Éluard, Desnos, Morise, Queneau, mais aussi Max Ernst et Giorgio De Chirico). Mais contrairement à Freud, les poètes et peintres surréalistes relatent le contenu manifeste de leurs songes sans s'égarer dans le hors-piste de l'interprétation. Car pour eux, il n'y a pas de différence de nature entre un récit de rêve et l'enregistrement instantané de la dictée magique de la pensée.
Avec ce volume sur les « Sommeils et rêves surréalistes », nous sommes loin d'un onirisme de pacotille. Nous plongeons dans un monde réinventé, où l'on éprouve l'étrangeté du réel.
Un printemps 1916, à Nantes, l'infirmier militaire André Breton et son ami Jacques Vaché, le dandy des tranchées, enchaînent les séances de cinéma, d'une salle à l'autre, sans se soucier des programmes. À 20 ans - ils ont alors l'âge du cinéma -, ils inventent une cinéphilie joyeuse et désinvolte. Breton le signale dans le Manifeste du surréalisme : « Le cinéma ? Bravo pour les salles obscures. » Au moment où il proclame la « toute-puissance » du rêve, il prend conscience que les gags, les courses-poursuites, les images saccadées des films burlesques reproduisent les métamorphoses mêmes de la peinture animée du rêve. Tandis que le cinéaste concasse le temps pour produire des durées filmiques, André Breton, guetteur de hasard objectif, est à la recherche de durées automatiques au gré d'un temps sans fil. La première génération surréaliste, désireuse de donner la réplique au découpage et au montage cinématographique, ne pouvait pas manquer son rendez-vous avec le cinéma, qui offre au public universel une expérience temporelle teintée de surréalité. André Breton a bien précisé que c'était dans l'obscurité d'une salle de cinéma que se célébrait « le seul mystère absolument moderne ».
Les surréalistes lancent des revues et montent à l'occasion des expositions retentissantes. Ces activités intenses et fébriles sont liées à des recherches expérimentales menées au sein du groupe. À l'automne 1922, le sommeil hypnotique est testé. Deux ans plus tard, André Breton et ses amis ouvrent un Bureau de Recherches surréalistes dont la direction est confiée à Antonin Artaud. La plus provocante de leurs investigations portera sur les pratiques sexuelles de chacun, les participants n'étant d'ailleurs pas dupes de l'objectivité de ce jeu de la vérité. Mais c'est pour éprouver concrètement l'esprit du surréalisme et explorer à fond son imaginaire, que les poètes et les artistes décideront de se prononcer aussi bien sur une boule de cristal, un morceau de velours rose, un tableau de Chirico, l'an 409, que sur l'embellissement irrationnel d'une ville. Le surréalisme invente et expérimente afin de s'emparer des clés du désir et de la connaissance.
Par la grâce du texte et de l'image, on peut se familiariser avec une collection originale forte de 200 oeuvres réalisées par 90 artistes surréalistes, Dada ou apparentés. Cette collection, qui abonde en aperçus insolites et merveilleux, en visions mémorables et durables, est appelée Memorabilia, en référence à Swedenborg et Nerval. Georges Sebbag s'est attaché à décrire chacun des tableaux, chacune des photographies. En les reliant à un certain nombre d'autres, il a dessiné des figures ou des constellations inaperçues jusqu'à ce jour dans le ciel dada et surréaliste.
Les surréalistes, qui hissent au plus haut le drapeau de l'imagination, ont la vertu de l'invention et donc du jeu. Surtout, ils conduisent leurs aventures spirituelles en expérimentateurs et non en mystiques comme leurs cadets René Daumal ou Roger Gilbert-Lecomte de la revue Le Grand Jeu. Alchimistes du verbe, ils explorent le foyer du langage. Et il arrive que fusent des mots incandescents dans un vaste éclat de rire. Cela survient lors de phases de recherche ou dans des moments de détente, justement occupés par une variété de jeux. Il est d'ailleurs impossible de savoir où commence et où finit le jeu, comme on peut le voir avec Robert Desnos lorsqu'il multiplie les jeux de mots à la manière de Marcel Duchamp signant Rrose Sélavy.
En dépit du tragique de l'histoire, du pathos de la passion, les dada-surréalistes ont joué ensemble, avec la spontanéité de l'enfant et l'humour différé de l'adulte. Leur collagisme est une pratique ludique par excellence : recoller des morceaux, jouer une partie avec des parties, sans prétendre atteindre le tout de la réalité.
Propose et présente un choix thématique de grands textes parus dans les revues surréalistes de 1919 à 1969. Il s'agira ici de présenter les différentes philosophies surréalistes.
André Breton est né, comme Diderot, en l'an de grâce 1713. Lors de sa traversée des siècles boules de neige, il aurait disparu en 1966, mais rien n'est moins sûr. C'est au prisme du hasard objectif, découverte majeure du surréalisme, qu'apparaissent sur l'écran sa vie et son oeuvre. Une multitude de plans et de séquences répartis au gré du temps sans fil relate ses aventures épiques et poétiques, érotiques et philosophiques. Breton s'incorpore Jacques Vaché, mort par overdose d'opium le jour de l'Épiphanie de 1919. Il reconnaît par-dessus tout le génie d'Isidore Ducasse, comte de Lautréamont. Fort de son duo avec Aragon, il bâtit le groupe surréaliste et conduit avec ses amis Artaud, Desnos et Crevel une révolution de l'esprit. André aime à la folie des femmes réelles ou imaginaires - Manon, Musidora, Cyprian Giles, Simone, Lise, Nadja, Suzanne, Jacqueline, Gradiva, Elisa, Nelly. Ce livre battant comme une porte propose une vision inédite du collagiste et de l'artiste, un parcours déroutant du chevalier et de l'amant, une lecture différente du poète et du penseur, un film haletant des mille existences d'André Breton.
" André Breton 1713-1966 ; Les siècles boules " de neige offre 26 entrées dans la vie de Breton - 26 dates associées à des personnages, des événements, des personnes, ou des lieux à partir desquelles, en descendant et remontant le temps, une vie de Breton est racontée. 26 micro-biographies qui sont autant de manière de voir l'auteur de L'Amour fou et son oeuvre qui est son existence. 26 fragments en mouvements qui racontent une vie inscrite dans l'histoire.
On connaît les ouvrages d'André Breton tels que le Manifeste du surréalisme (1924), fondant l'existence du groupe surréaliste, ou bien le Second Manifeste (1930), où les querelles au sein du groupe éclatent au grand jour. On connaît beaucoup moins les déclarations virulentes et intempestives, individuelles ou collectives qui jalonnent l'histoire du mouvement et s'inscrivent dans les revues surréalistes. Ainsi, en mai 1920, sont publiés dans Littérature vingt-trois manifestes Dada, tous aussi absurdes et insolents les uns que les autres. En avril 1925, c'est au tour de La Révolution surréaliste de se déchaîner avec une « Adresse au Pape », une « Adresse au Dalaï-Lama », une « Lettre aux Recteurs des Universités Européennes », une « Lettre aux écoles du Bouddha », une « Lettre aux Médecins-Chefs des Asiles de Fous ». La réunion de ces manifestes qui courent de 1919 à 1963 et qui ont pour auteurs Louis Aragon, Antonin Artaud, André Breton, Robert Desnos, Max Ernst, Benjamin Péret, Georges Ribemont-Dessaignes ou Tristan Tzara, témoigne du mélange détonnant du verbe poétique et de l'idée non-conformiste. Ces manifestes, qu'il ne faut pas confondre avec les tracts surréalistes proprement dits, ont de quoi réjouir le lecteur d'aujourd'hui, si peu habitué à autant d'audace et de liberté.
Dès 1963, Foucault & Deleuze forment un couple tacite sur le plan de la pensée. Ils ont recours au procédé de Raymond Roussel, au métagramme b/p (billard/pillard), pour écrire et forger de nouveaux concepts. La doublure, concept roussellien et foucaldien, peut être convertie en termes deleuziens : la doublure affirme la différence dans la répétition. Aragon et Breton avaient élaboré un projet philosophique et inventé le temps sans fil. Foucault et Deleuze rejouent cette séquence. Tels Brisset, Roussel et Wolfson, ils vont fendre les mots et fracturer les choses. Conscients que l'histoire est sortie de ses gonds, ils cassent eux-mêmes les âges. Ils sont à la recherche de l'événement pur, de l'inactuel, de l'éternel retour du différent. Le duo rédige à l'encre sympathique de Nouvelles Impressions du Surréalisme. On y lira que Foucault est la doublure de l'auteur de La Doublure et que Jarry est le précurseur sombre de Deleuze.
Georges Sebbag, dans cet ouvrage plein d'inédits, déroule les séquences les plus inattendues de l'éros surréaliste.
Pour André Breton, avant de rencontrer Jacqueline Lamba et l'amour fou, il y a eu l'amour-folie : son mariage en 1921 avec Simone Kahn, croisée au jardin du Luxembourg ; son obsession pour Lise Deharme, apparue un jour au Bureau de recherches surréalistes ; sa rencontre avec Nadja Delcourt, « l'âme errante » rue La Fayette en octobre 1926 et en novembre 1927 le coup de foudre pour Suzanne Muzard, qui lui est présentée par Emmanuel Berl au Café Cyrano.
Même s'il vouait à sa femme une adoration mystique, André Breton a fait des rencontres sa raison de vivre. Happé par les tourbillons de l'amour-folie, il a connu avec Suzanne les extases de la « beauté convulsive ». Ce qui n'était pas sans risques : l'arrivée de cette jeune Aubervillienne, que Berl avait découverte dans un bordel, provoque déchirements, divorces et même une scission au sein du groupe surréaliste.
Pour la première fois, on peut écouter Simone, imaginer Lise, entendre le souffle de Nadja et lire les vives répliques de Suzanne.
Avec des inédits :
Confidences de Suzanne Muzard Entretien avec Suzanne Muzard, etc.
Sommaire :
11 - De la purification éthique BRIS 31 - Bris de temps, débris de ville 37 - L'élision de l'élite ABRIS 57 - L'écrit sans crainte 61 - La durée selon duras 65 - Robert Bresson, orfèvre en la matière 69 -Les durées automatiques PÉNOMBRE 79 - Six mules âcres 87 - L'hiver du golfe SURNOMBRE 105 - L'école au long cours 115 - Nombres 135 - Chroniques démographiques 151 - Notes de synthèse 159 - Qu'est-ce que le grand nombre?
173 - Le calvaire de l'illettré 189 - La scène du direct
André Breton est-il né le 18 ou le 19 février 1896 ? Est-il Verseau ou Poisson ? Désorienté du 7 au 10 janvier 1925, pourquoi se donne-t-il rendez-vous le 19 février 1936, jour de ses quarante ans ? A-t-on assassiné Jacques Vaché, le 6 janvier 1919 ? Y a-t-il une relation entre le déraillement de La Ferté Saint-Aubin de 1953 et la retenue d'un train en gare de Lyon, fin décembre 1927 ? Les vases communient, mais quand ? Que trament Sade, Sadoul et Breton, le dimanche de Pâques ?
Ces questions, parmi d'autres encore, courent à travers les textes de Breton. Elles montrent qu'à l'écart de l'inconscient, les phrases de pré-sommeil ou de réveil, le hasard objectif, le magique-circonstanciel aiguillent automatiquement le poète sur la voie des durées parallèles.
Breton ne triche pas avec le temps. Il le convoque, le malmène pour sonder le hasard, éprouver l'événement, susciter une durée brève, infléchir un instant, chiffrer l'impossible. A l'histoire qui réclame qu'on l'honore en entrant par la grande porte, Breton répond qu'il préfère la porte piétonne ou dérobée, la porte qui bat la mesure des durées.
L'imagination sans fil atterre le dragon sans faille.
Georges Sebbag
Au sein du groupe surréaliste, le duo Aragon-Breton et les francs-tireurs Artaud et Crevel ont élaboré un véritable projet philosophique au cours des années vingt.
En particulier, ils ont engagé une bataille de l'esprit avec leurs jeunes rivaux de la revue Philosophies. Le Culte du moi de Barrès a beaucoup compté pour Aragon et Breton. La lecture des Déracinés les a mis dans les pas de Kant. Les Poésies d'Isidore Ducasse, détournant les maximes des moralistes et repeignant Les Chants de Maldoror sous les couleurs du bien, les a initiés à l'axiomatique morale comme à l'emprunt collagiste et leur a signalé le point d'indifférence.
La peinture métaphysique et énigmatique de Chirico, réinvention du séjour de Nietzsche à Turin, les a rangés pour longtemps dans le camp des métaphysiciens. "Le Manifeste du surréalisme", "Une vague de rêves", "Introduction au Discours sur le peu de réalité", "Le Paysan de Paris", "L'Esprit contre la Raison" abondent en analyses et en intuitions philosophiques. A l'instar de Descartes et Fichte, Aragon et Breton ont mis le monde extérieur à l'épreuve du doute.
Leur idéalisme absolu oscille alors entre l'immatérialisme de Berkeley, l'idéalisme magique de Novalis et l'idéalisme transcendantal de Schelling. Le 6 octobre 1926, vers minuit, Nadja, " l'âme errante ", voit dans le jet d'eau du bassin des Tuileries le jaillissement puis la retombée de ses pensées mêlées à celles de Breton. Celui-ci lui fait aussitôt remarquer qu'elle emploie la même image médiatrice du jet d'eau par laquelle se concluent les Dialogues entre Hylas et Philonous de Berkeley.
En lançant périodiquement dans leurs revues une enquête, les surréalistes ont été les premiers à se servir d'un tremplin médiatique pour aborder des questions existentielles. Pourquoi écrivez-vous ? : cette question qui se solde par des dizaines de réponses souvent sottes et suffisantes, permet à André Breton et ses amis de disqualifier le petit monde des lettres et de lancer le dada-surréalisme (Littérature, 1919).Le suicide est-il une solution ? : placée sous le signe du « suicide » de Jacques Vaché ou de L'Invitation au suicide de Philippe Soupault, l'enquête martèle une évidence, le surréaliste est « un homme coupé en deux par la fenêtre ». (La Révolution Surréaliste, 1924)Quelle sorte d'espoir mettez-vous dans l'amour ? : complément aux recherches sur la sexualité, l'enquête ne prône pas le libertinage mais le collage passionnel ou l'union libre (La Révolution surréaliste, 1929).Quelle a été la rencontre capitale de votre vie ? : cette question met à l'épreuve l'idée surréaliste de « hasard objectif ». Le très large éventail de réponses nous renseigne indirectement sur divers cercles et milieux, en particulier celui des psychanalystes (Minotaure, 1933).Tandis que les recherches et les jeux menés au sein du groupe révèlent l'identité polycéphale du groupe surréaliste, les enquêtes surréalistes qui sont tournées vers l'extérieur peuvent être considérées tout à la fois comme une provocation et une confrontation, une bouteille à la mer et une belle affiche publicitaire.
En décembre 1929, André Breton définissait le surréalisme comme la recherche d' un certain point de l'esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas cessent d'être perçus contradictoirement. Peu de temps après, il localisait ce point de l'esprit dans un site des gorges du Verdon, appelé Le Point Sublime. Mais pourquoi cette merveille de la nature a-t-elle incarné aux yeux de Breton le surréalisme même ? L'ouvrage de Georges Sebbag, intitulé justement Le Point Sublime, répond à la question de façon vivante et surprenante. Véritable guide touristique des hauts lieux du surréalisme, il explore les gorges du Verdon et donne figure, à travers le torrent Baou, à Léonie Aubois d'Ashby, la mystérieuse passante des Illuminations de Rimbaud. De même, pointant la flèche de la Mole Antonelliana, monument imposant de Turin, il découvre le sens du mot de passe Astu, figurant dans la dernière lettre de Nietzsche, datée du 6 janvier 1889. Le surréalisme qui surgit dans ces hauts lieux mais aussi à diverses dates marquantes défie le haut et le bas, le passé et le futur.
« La lettre-collage de Breton à Vaché postée à Paris le 13 janvier 1919 contient autant de message sur le siècle que le traité de Versailles signé le 28 juin 1919. André Breton qui a apposé ses initiales dans un des replis du document, attend de son homologue dont il ignore la mort survenue la semaine précédente à Nantes, qu'il perçoive à travers un pêle-mêle de coupures imprimées, d'images tronquées, d'étiquettes sélectionnées, de papiers pliés, de lignes recopiées, le bruit de fond des durées.La mort de l'inventeur de l'umour agite Breton toute sa vie, bouleverse la famille Vaché encore aujourd'hui. La lettre-collage montre qu'André ne peut se défaire de Jacques ou plutôt qu'entre eux s'ébauche une communauté impossible. Recueil exceptionnel de durées, superbe impasse de seuils, la lettre du 13 janvier annonce Littérature, La Révolution surréaliste ou l'Anthologie de l'humour noir. Mais par delà Vaché et Breton, elle s'adresse spécialement aux esprits encombrés d'aujourd'hui. Elle offre à nos regards désolés, les pliures, les découpures qui affectent nos pensées. »G. SebbagCet ouvrage, qui reproduit intégralement, en couleur et avec tous les pliages, la lettre-collage de Breton à Vaché du 13 janvier 1919 analyse l'importance de l'amitié qui liait Vaché et Breton, et souligne l'importance de ce document dans la genèse du mouvement surréaliste.
Par une suite de petites touches en court paragraphe, l'auteur montre comment par des petits riens on crée le Génie des alpages, le crétin supérieur. Tout y participerait. « La boussole de l'opinion » comme « les individus du grand nombre » ou le « retour sur l'autoroute A 10 » « Sans doute, sous d'autres cieux, en une paisible Arcadie, paissait le troupeau humain, conduit par quelque divin pasteur. On peut en rêver, ou plus exactement, nul besoin de rêver, nous y sommes de plein-pied. Le bonheur de la multitude est assuré puisque les individus du grand nombre sont sans exception des génies » conclut, en substance, Georges Sebbag qui là, après Le Gâtisme volontaire et De l'indifférence (parus chez Sens&Tonka), donne une version radicale et provocante des hypothèses qu'il poursuit depuis longtemps ce qui prouve que le temps est favo-rable au génie.
nouvelle présentation
association libre d'individualités fortes, le mouvement de louis aragon, antonin artaud, andré breton ou salvador dali symbolise la révolte de l'esprit et l'accomplissement de la modernité. cet ouvrage tente une réévaluation du surréalisme à partir d'une analyse serrée de l'écriture automatique et d'un inventaire des pratiques collectives. en particulier, il repère et décrypte le message automatique, schizophrénique et fondateur qui accompagne toute l'histoire du surréalisme : "il y a un homme coupé en deux par la fenêtre".
pratiques d'une association libre. l'écriture automatique : singulière et plurielle. l'or du temps et les objets surréalistes. l'échec d'une jonction : poésie et révolution. dynamique d'un groupe : exclusions et adhésions. l'éthique surréaliste.
À une certaine puissance d'affirmation se reconnaît l'artiste Aurèle (né en 1963). Un mot pourrait sans doute définir son rapport au monde qui anime aussi bien son travail que sa vie : l'action. L'oeuvre d'Aurèle revêt l'apparence d'une lutte : autant une lutte pour l'art qu'une lutte pour la vie.
Artiste engagé enragé, Aurèle a créé une oeuvre qui véhicule un message d'urgence et de résistance face aux fléaux d'une époque et dont le chien perdu est le symbole. Aurèle développe, depuis plus de vingt-cinq ans, le même projet radical de transmettre les errances modernes.
Son but : mobiliser les générations présentes et les générations à venir face aux guerres, aux épidémies, aux catastrophes écologiques, aux excès politiques et médiatiques, à la précarité et l'exclusion, aux inégalités, au problème de la surconsommation. Dans le monde d'Aurèle, l'art affronte le réel et devient par là même un véritable « miroir de la modernité ».