Ces deux récits d'une fibre toute rabelaisienne, qui comptent parmi les oeuvres de jeunesse de Gustave Flaubert (1821-1880), contiennent déjà une charge contre la bourgeoisie. Dans Ivre et Mort, deux amis se lancent un défi pour savoir celui qui boira le plus. Mais si derrière la farce truculente perce la tragédie de la fin violente, ce conte bacchique aux accents philosophiques est également un traité faisant l'éloge du vin. Les Funérailles du Docteur Mathurin est d'une veine plus cocasse, qui met en scène trois hommes inutiles, heureux et inactifs vivant dans un oubli total du monde, d'où se dégage une gaie sagesse.
Réunie pour la première fois, la correspondance entre Gustave Flaubert et sa soeur Caroline s'échelonne de 1839 à 1846, jusqu'à la mort brutale de cette dernière après avoir donné le jour à sa fille unique. La complicité entre frère et soeur est communicative. Leurs cibles sont les mêmes : les conventions, la bourgeoisie provinciale. Et pour la vivacité de ses lettres, le ton libre, affranchi et farceur, Caroline n'est pas en reste sur ce frère qu'elle chérit, et réciproquement. Car Gustave, c'est le grand amuseur de la famille. Elle raffole de ses histoires, de ses anecdotes, où sa férocité s'exerce au détriment des petits ridicules des grands hommes comme des petites gens. Tous deux baignent dans une ambiance familiale protectrice et libérale, dont ils tirent sans doute leur liberté de ton. Il la guide dans ses lectures, dans ses goûts ;
Caroline prend plaisir à le taquiner et le console quand il traverse des périodes de découragement ou d'ennui. Pour Flaubert, la disparition prématurée de cette soeur adorée, qui compta sans doute autant qu'un Louis Bouilhet, aura été une sorte de drame fondateur. Il en perpétuera le souvenir à travers sa nièce, dont il sera très proche toute sa vie durant, et conservera précieusement dans une pochette grise les « Lettres de ma soeur ».
" toi, je t'aime comme je n'ai jamais aimé et comme je n'aimerai pas.
Tu es, et resteras seule, et sans comparaison avec nulle autre. c'est quelque chose de mélangé et de profond, quelque chose qui me tient par tous les bouts, qui flatte tous mes appétits et caresse toutes mes vanités. ta réalité y disparaît presque. pourquoi est-ce que, quand je pense à toi, je te vois souvent avec d'autres costumes que les tiens ? l'idée que tu es ma maîtresse me vient rarement, ou du moins tu ne te formules pas devant moi par cela.
Je contemple (comme si je la voyais) ta figure toute éclairée de joie, quand je lis tes vers en t'admirant. - alors qu'elle prend une expression radieuse d'idéal, d'orgueil, et d'attendrissement. si je pense à toi au lit, c'est étendue, un bras replié, toute nue, une bouche plus haute que l'autre, et regardant le plafond. " à louise colet, 21 août 1853.
De leur rencontre en 1846 dans l'atelier du sculpteur James Pradier, jusqu'à leur rupture brutale en 1854, Gustave Flaubert écrivit plus de 250 lettres à Louise Colet...
" j'aurais pu t'aimer d'une façon plus agréable pour toi.
- me prendre à ta surface et y rester. - c'est longtemps [ce] que tu as voulu. eh bien non. j'ai été au fond. - je n'ai pas admiré ce que tu montrais, ce que tout le monde pouvait voir, ce qui ébahissait le public. j'ai été au-delà et j'y ai découvert des trésors. un homme que tu aurais séduit et dominé ne savourerait pas comme moi ton coeur aimant jusqu'en ses plus petits angles. " à louise colet, 6 juillet 1852.
C'est lors d'un des célèbres dîners littéraires chez Magny, auxquels participaient les frères Goncourt, Sainte-Beuve, Théophile Gautier, que Gustave Flaubert rencontre George Sand.
Une formidable amitié, sans doute unique par la verdeur et la vigueur de leurs nombreux échanges épistolaires, s'établit entre l'auteur de Consuelo et celui de Madame Bovary. Cette correspondance, considérée comme la plus belle et la plus intense de Flaubert, sans doute aussi l'une des plus extraordinaires qui soient, était depuis longtemps introuvable. Cette réédition sous une présentation nouvelle se propose de faire (re)découvrir au lecteur deux monstres de la littérature française, qui avaient l'un pour l'autre une estime et une tendresse sans demi-mesure.
Ils s'y parlent de tout, des amis écrivains, de littérature, des affres de la création, des êtres qui leur sont chers, de politique. L'humour mordant y côtoie les confidences les plus émues. On a l'impression à lire ces lettres, de surprendre deux vieux amis discutant à coeur ouvert au coin de l'âtre.
Avant de partir pour un voyage en Bretagne qui, à cette époque, reste encore une terra incognita, Gustave Flaubert et Maxime Du Camp se plongèrent dans de nombreux ouvrages traitant de l'histoire de la Bretagne, d'archéologie et de la culture celte.
C'est donc fort de ce bagage savant qu'ils se mirent en route, et le récit qu'ils composèrent porte la trace de ces précieuses lectures. Au terme du voyage, Flaubert écrit à son ami Ernest Chevalier : Sac au dos et souliers, ferrés aux pieds nous avons fait sur les côtes environ 160 lieues à pied, couchant quelquefois tout habillés faute de draps et de lit et ne mangeant guère que des oeufs et du pain faute de viande.
Tu vois, vieux, qu'il y a aussi du sauvage sur le continent ", en concluant : " Et puis la mer ! la mer ! le grand air ; les champs, la liberté, j 'entends la vraie liberté, celle qui consiste à dire ce qu'on veut, à penser tout haut à deux, et à marcher à l'aventure en laissant derrière vous le temps passer sans plus s'en soucier que de la fumée de votre pipe qui s 'envole ". En proposant le texte complet de Par les champs et par les grèves, non seulement les Editions La Part Commune offrent la possibilité d'en lire une version non expurgée, dont la valeur littéraire s'en trouve comme rehaussée, mais elles permettent surtout au lecteur de retrouver tout l'esprit de ce livre d'amitié vagabonde.