Quand Hanna découvre, parmi les effets de sa mère récemment décédée, des carnets, photographies et coupures de journaux, elle décide de descendre le cours du fleuve jusqu'à Kamouraska pour tenter de trouver le fil qui rattachera son histoire à celle de cette femme silencieuse, absente de sa propre vie. Remontant le siècle, le long du Saint- Laurent, de Montréal à Pointe-au-Père, Hanna retrouve la trace du premier amour de sa mère et retourne jusqu'en 1914, au moment du naufrage de l'Empress of Ireland. Elle apprend que les femmes de la famille sont unies par une même tragédie et que les survivants sont parfois les vrais naufragés. Sur cette route qui la conduit vers elle-même, elle devra composer avec le poids des secrets et des douleurs enfouies que même le fleuve n'a su emporter.
Son nom la relie à une constellation, mais sa présence au monde la rend indissociable des paysages qu'elle traverse : Hélène Dorion vit environnée de lacs et de forêts, de fleuves et de rivages, de brumes de mémoire et de vastes estuaires où la pensée s'évase.
Dans ce recueil voué aux forêts, elle fait entendre le chant de l'arbre, comme il existe un chant d'amour et des voix de plain-chant. « Mes forêts... », dit-elle dans un souffle qui se densifie de poème en poème. Et l'on entre à pas de loup dans une forêt de signes où l'on déchiffre la partition de la vie sur fond de ciel, sur fond de terre, sur fond de neige, de feuillages persistants et de flammes qu'emporte le vent, de bourgeons sertis dans l'écorce et de renouvellement. Un chemin « qui donne sens à ce qu'on appelle humanité. »
Il y a chez elle comme une clarté inquiète. Des mots de givre et de grands vents.
De vastes espaces et des anfractuosités où la pensée s'engouffre. Des sentes qui partent de soi et mènent aux autres. Des brumes de mémoire et cette lumière étrange que l'inachèvement dépose sur les choses de la vie. Plus encore peut-être, un vacillement. Un trépignement. Une interrogation tenace sur les raisons de notre présence au monde. Car Hélène Dorion approche « le mystère qui nous hante » sans lâcher le fil qui lui permet d'habiter en poète « le labyrinthe des jours ». Fidèle à l'enfant qu'elle était, à l'écoute de la femme qu'elle devient, elle cherche le passage « vers l'autre saison ». Lisez-la, écoutez-la :
Vous sortirez fortifié de cette fragilité consentie. Vous sentirez « comme résonne la vie
Ni un poème, ni un récit, mais une méditation. Après une rupture amoureuse, l'auteur se recueille sur une île pour écrire sur ce qui nous constitue : « Je trouvais dans l'île l'image même de ce que nous sommes, des êtres de liens, tantôt lieurs et tantôt liés, toujours liables. » À partir de cette île, métaphore de ce que nous sommes, Hélène Dorion entreprend de pousser aussi loin que possible les correspondances entre ce morceau de terre entouré des bleus de la mer, soumis aux vents, aux marées et aux tempêtes avec notre être traversé, lui aussi, par des sentiments - amours et désamours - qui dessinent en nous des figures mobiles qui s'ouvrent ou se ferment sur le monde. Très beau texte sous forme de réflexion métaphysique. Une langue française pure et claire. Dans la grande tradition des essais, de Giordano Bruno à, plus récemment, Nietzsche ou Rilke.