Victime d'une naissance irrégulière, enfermée dans une situation de famille extraordinairement compliquée, Julie de Lespinasse fut remarquée par sa tante naturelle, la marquise du Deffand, qui l'emmena à Paris comme lectrice. Quelques années plus tard, elle dirigeait un des plus grands salons littéraires de tout le XVIIIe siècle et devenait l'égérie des Encyclopédistes. Pourtant, c'est comme l'une des plus grandes amoureuses de tous les temps que Julie de Lespinasse est passée à la postérité. Ses lettres au comte de Guibert, un brillant officier de l'armée royale, la classent au premier rang de la littérature amoureuse, aux côtés de la religieuse portugaise et, plus près de nous, de Mireille Sorgue. Elles eurent une influence considérable sur la génération qui précéda l'explosion romantique (Benjamin Constant, Madame de Staël, Sainte-Beuve).
En s'appuyant sur cette correspondance capitale, le duc de Castries retrace pour nous la destinée singulière de Julie de Lespinasse, sa vie amoureuse passionnante et riche en épisodes mystérieux. Fin connaisseur du XVIIIe siècle, il nous donne là une grande biographie très émouvante et qui restitue à merveille l'atmosphère de l'époque.
Parmi les étonnantes destinées du XVIIIe, celle de Mme du Barry, par les légendes dont elle fut enveloppée, vient au premier rang. Ces légendes, souvent calomnieuses, ont dénaturé la personnalité contrastée d'une femme qui, en dépit de ses défauts, valait mieux que sa mauvaise réputation ; elle fut plus assoiffée de plaisir que de puissance et, au plus haut de sa fortune, elle conserva des sentiments humains, restant bienveillante et bonne là où tant d'autres auraient abusé d'une situation exceptionnelle.
Partie de très bas, elle fut cinq années l'égale d'une reine; après une chute brutale causée par le duc de Choiseul, elle se montra capable de rebâtir sa vie et suscita de profondes amitiés. Sa fin tragique attira de nouveau l'attention mais créa pour la postérité une nouvelle image, à peine plus exacte que les précédentes.
Il n'est pas étonnant qu'une pareille existence ait séduit un historien comme le duc de Castries, l'un des meilleurs connaisseurs du XVIIIe siècle. Son portrait de Mme du Barry est aussi précis que vivant et prouve que l'histoire l'emporte toujours sur le roman le mieux imaginé.