"Car un laque décoré à la poudre d'or n'est pas fait pour être embrassé d'un seul coup d'oeil dans un endroit illuminé, mais pour être deviné dans un lieu obscur, dans une lueur diffuse qui, par instants, en révèle l'un ou l'autre détail, de telle sorte que, la majeure partie de son décor somptueux constamment caché dans l'ombre, il suscite des résonances inexprimables.
De plus, la brillance de sa surface étincelante reflète, quand il est placé dans un lieu obscur, l'agitation de la flamme du luminaire, décelant ainsi le moindre courant d'air qui traverse de temps à autre la pièce la plus calme, et discrètement incite l'homme à la rêverie. N'étaient les objets de laque dans l'espace ombreux, ce monde de rêve à l'incertaine clarté que sécrètent chandelles ou lampes à huile, ce battement du pouls de la nuit que sont les clignotements de la flamme, perdraient à coup sûr une bonne part de leur fascination.
Ainsi que de minces filets d'eau courant sur les nattes pour se rassembler en nappes stagnantes, les rayons de lumière sont captés, l'un ici, l'autre là, puis se propagent ténus, incertains et scintillants, tissant sur la trame de la nuit comme un damas fait de ces dessins à la poudre d'or." Publié pour la première fois en 1978 dans l'admirable traduction de René Sieffert, ce livre culte est une réflexion sur la conception japonaise du beau.
Un écrivain reçoit un matin l'appel d'un ami, riche oisif animé d'une passion coupable pour le cinéma et les romans policiers, qui lui propose de venir assister à un meurtre.
Nous voilà entraînés avec lui dans le labyrinthe des bas-fonds de Tokyo et, furtivement glissés dans l'intervalle entre deux masures, l'oeil collé au noeud évidé d'un volet, découvrant en voyeurs... Mais devons-nous croire ce que voient nos yeux ?
Jeux de miroirs et d'apparences trompeuses, messages secrets à déchiffrer et, au coeur de l'énigme, la beauté indéchiffrable d'une femme dont l'amour peut s'avérer fatal. Dans ce roman inédit où plane l'ombre d'Edgar Allan Poe, Tanizaki compose un brillant théâtre des illusions qui joue avec nos nerfs et jongle avec l'étrange.
Un vieillard qui a gardé le goût de l'amour s'éprend de sa belle-fille, ancienne danseuse de music-hall à la morale assez libre. Avec beaucoup d'intelligence, elle profite de son beau-père pour lui arracher des libéralités extravagantes et mener une vie de luxe. En compensation, elle lui accorde des privautés savamment limitées et le maintient dans une excitation qui s'exaspère d'autant plus qu'elle ne peut aboutir qu'à de lamentables démonstrations...
Mizuno, romancier, s'inspire d'un nommé Kojima, rédacteur dans une maison d'édition, pour former le personnage de son nouveau roman et lui donne par erreur le même nom. A la fin du roman, le personnage est assassiné par un tueur démoniaque qui ne laisse aucune trace. Le vrai Kojima meurt bientôt dans d'étranges circonstances, pendant que Mizuno vit une passion intense avec une femme mystérieuse dont il ne connaît ni le nom ni l'adresse. Quand les soupçons se referment sur l'écrivain, il est bien incapable de prouver son innocence ... On retrouve dans ce roman inédit les secrets de fabrication des grands romans de Tanizaki :
Des situations équivoques et perverses où la fiction rattrape le réel, une atmosphère d'inquiétante étrangeté fondée sur le sexe et la mort.
Seikichi, un jeune tatoueur, est en passe de devenir l artiste le plus réputé de Tokyo. Des plus fameuses courtisanes jusqu à l amateur éclairé, tous se disputent l honneur de lui confier la décoration de leur épiderme. Insensible au succès, Seikichi est rongé par l envie ardente de réaliser son chef-d oeuvre. Il lui faut pour cela trouver une femme très jeune et d une beauté incomparable. Les années passent, et le hasard met sur son chemin celle qu il attendait...
C'est un texte qui exprime, pour le public occidental, cette esthétique du clair-obscur et du presque rien, du subtil et de l'ambigu, opposée au tout blanc ou noir, au facial écrasé de lumière rationaliste de l'Occident. La traduction des années 1970 toute au louable projet de légitimer le goût de l'esthétique japonaise, avait un peu laissé dans l'ombre sa face scintillante et ironique. Tout comme il n'y a pas d'ombre sans lumière, il n'y a pas de vérité sérieuse sans humour.
Et vous pouvez faire confiance à Tanizaki quand il s'agit de marcher sur le fil de la vulgarité sans tomber dedans, comme de scruter l'ombre sans se cogner la tête. Les idées défendues dans cet essai rejoignent des préoccupations contemporaines de recherche d'une vie plus frugale et parcimonieuse en énergie.
Un respectable professeur d'université, à l'âge du démon de midi, ne parvient plus à satisfaire sa jeune femme dotée d'un tempérament excessif. Après avoir essayé divers excitants, il s'aperçoit que la jalousie est un incomparable stimulant. Chacun des deux époux tient un journal, sachant très bien que l'autre le lit en cachette...Un roman audacieux sur un sujet délicat.
Dans le Japon des années vingt, un ingénieur de trente ans, Jôji Kawai, modèle du «type bien», s'éprend d'une jeune serveuse de quinze ans, Naomi, qui rêve de devenir «terriblement moderne». L'occidentalisation, cette plaie du Japon moderne, thème majeur de l'oeuvre de Tanizaki, fait de Naomi un être irréductiblement cynique, vulgaire, inconstant, dont les roueries et l'érotisme, cependant, fascinent Jôji Kawai. Amoureux, il l'épouse. Un amour insensé est la chronique douloureuse et ironique de leur vie conjugale.
Dans ce brillant divertissement, que l'on peut aussi lire comme une variation sur l'obsession, la jolie petite chatte lily sert d'otage à une relation triangulaire traitée avec humour, dérision et ironie, sans exclure quelques précieux instants de gravité ou d'émotion.
Trois nouvelles antérieures et plus courtes, où l'on voit se construire, pierre par pierre, la cohérence de l'oeuvre de tanizaki, complètent ce volume : le petit royaume, le professeur radô et le professeur radô revisité.
Tsukakoshi, un vieux marchand fortuné, ne vit plus que pour Fumiko, une geisha d'une beauté exceptionnelle. Son obsession pour une partie spécifique de l'anatomie de Fumiko - ses pieds - atteindra une intensité qui le conduira au bord de la folie. «La blancheur du pied s'irisait de rose aux extrémités des orteils bordés de rouge pâle. Cela me rappelait les desserts de l'été, les fraises au lait, la couleur du fruit fondant dans le liquide blanc ; c'est cette couleur-là qui coulait le long de la courbure des pieds d'O-Fumi-san.» Dans ces deux nouvelles, Tanizaki explore en virtuose les eaux troubles de la passion amoureuse.
Lors d'une promenade autour d'un ancien palais impérial, le sanctuaire de Minase, le narrateur rencontre un homme étrange. Est-ce un fantôme, un esprit qui hante les lieux ? Celui-ci lui offre du saké et lui raconte l'histoire de la belle O-Yû, perverse et inacessible...
Un court roman, librement inspiré d'un vieux conte, pour découvrir un immense écrivain japonais.
Le premier tome voudrait révéler l'oeuvre dans son évolution et la rendre à sa cohérence. Il contient trente-quatre récits, nouvelles, romans ou pièces de théâtre, composés de 1910 à 1936 ; seize de ces textes étaient inédits en français. Jamais sans doute on n'aura mieux perçu que dans ce livre la tension entre la modernité souvent conventionnelle que son occidentalisation rapide a laissée en héritage au Japon, et une tradition vidée de son contenu, vestige d'un raffinement devenu sans objet. C'est dans cette tension que s'inscrit la thématique privilégiée de l'oeuvre : les relations entre hommes et femmes, ou, pour le dire autrement, la relation que la chair entretient avec l'idéal.
Le second tome contient notamment Bruine de neige (Quatre soeurs), qui fut écrit pendant la guerre. C'est un livre serein. Les pétales de fleurs de cerisier tombent en virevoltant ; on savoure le doux sentiment de regret provoqué par l'impermanence de la beauté. Tanizaki, serein ? L'âge, pourtant, ne guérit pas toutes les passions. Plus que jamais dominante, la femme se trouve face à un homme dont la virilité défaille - drame personnel qui rejoint la tragédie collective quand l'impuissance du héros est due à l'irradiation subie à Hiroshima (Chronique inhumaine) ; Tokusuke à bout de forces (Journal d'un vieux fou) est tenu en haleine par le désir que lui inspire sa belle-fille. Mais il sait, tous savent, Tanizaki le premier, que la vie doit finir. Alors, de la conscience claire de ce qu'est la condition humaine, s'élève une lumière salutaire - comme une jubilation.
Le personnage central de ce roman écrit en 1928 est un Japonais occidentalisé, déraciné, ayant rompu avec la tradition culturelle et religieuse de son pays. À la fin du roman, nous devinons que Kaname, tiraillé entre le passé et l'avenir, opte pour le passé.
«Du premier texte jusqu'aux derniers, l'auteur fait preuve d'une admirable persévérance fantasmatique, mettant en scène des héros mus par leurs pulsions sadomasochistes ou leur fétichisme. Ou encore des personnages hantés par la figure d'une mère disparue et dont le deuil paraît impossible.» Anne Bayard-Sakai.
Le seigneur de Musashi passe pour vertueux.
Tanizaki, transformé en historien, s'attache à rétablir la vérité qui est tout autre. Dans son enfance, le héros a assisté à une scène bouleversante : dans la salle obscure d'un château, où il est retenu comme "otage d'honneur", il surprend de jolies femmes, en train de maquiller et de classer des têtes coupées de guerriers ennemis. L'enfant remarque alors une tête particulièrement saisissante, que l'on surnomme « tête de femme », c'est-à-dire une tête dont on a arraché le nez pendant le combat.
C'est le point de départ d'une hantise et d'un fantasme. Le roman raconte une vie tout entière employée à reconstruire cette image de l'enfance, et le Roman de Genji sert de toile de fond à ce récit d'une extraordinaire violence.
Tadasu a grandi, mais il reste toujours un petit enfant lorsqu'il pense à sa mère, la merveilleuse Chinu, si bien réincarnée dans la seconde femme de son père, avec qui il entretient une relation trouble mêlant amour filial et désir... Un magnifique éloge de la maternité et une réflexion sur l'image de la Femme.
Poursuivant le thème de l'anti-naturalisme qui a fait sa renommée et l'a démarqué singulièrement, Tanizaki met en scène des héros doués d'une certaine perversion dans un climat onirique. L'image de la femme fatale dont la beauté et la volupté soumettent les hommes est centrale dans la nouvelle Le Kilin à la tonalité fortement exotique. La nouvelle Les Jeunes Garçons est marqué par une liberté de ton et peut être perçue comme une illustration ludique de perversions majeures, tels le sadisme, le masochisme, le fétichisme, etc.
Il poursuit cette exploration d'une sexualité en marge dans la nouvelle Le Secret où il confirme sa volonté de rupture avec le climat social et littéraire des dernières années de l'ère du Meiji.
Le premier tome voudrait révéler l'oeuvre dans son évolution et la rendre à sa cohérence. Il contient trente-quatre récits, nouvelles, romans ou pièces de théâtre, composés de 1910 à 1936 ; seize de ces textes étaient inédits en français. Jamais sans doute on n'aura mieux perçu que dans ce livre la tension entre la modernité souvent conventionnelle que son occidentalisation rapide a laissée en héritage au Japon, et une tradition vidée de son contenu, vestige d'un raffinement devenu sans objet. C'est dans cette tension que s'inscrit la thématique privilégiée de l'oeuvre : les relations entre hommes et femmes, ou, pour le dire autrement, la relation que la chair entretient avec l'idéal.
Le second tome contient notamment Bruine de neige (Quatre soeurs), qui fut écrit pendant la guerre. C'est un livre serein. Les pétales de fleurs de cerisier tombent en virevoltant ; on savoure le doux sentiment de regret provoqué par l'impermanence de la beauté. Tanizaki, serein ? L'âge, pourtant, ne guérit pas toutes les passions. Plus que jamais dominante, la femme se trouve face à un homme dont la virilité défaille - drame personnel qui rejoint la tragédie collective quand l'impuissance du héros est due à l'irradiation subie à Hiroshima (Chronique inhumaine) ; Tokusuke à bout de forces (Journal d'un vieux fou) est tenu en haleine par le désir que lui inspire sa belle-fille. Mais il sait, tous savent, Tanizaki le premier, que la vie doit finir. Alors, de la conscience claire de ce qu'est la condition humaine, s'élève une lumière salutaire - comme une jubilation.
A l'image du svastika - une croix qui tourne - les quatre protagonistes de cette histoire tirent tour à tour les ficelles d'une véritable machination amoureuse et diabolique. Sonoko est follement éprise de Mitsuko, jeune bourgeoise ravissante, et entraîne dans cette passion son mari, Mister Husband, et Watanuki, pâle prétendant de Mitsuko. Sonoko rapporte ici tous les détails du complot à un grand écrivain, dans un immense monologue qui constitue le roman lui-même. Svastika, d'une extraordinaire perfection formelle, a paru la première fois au Japon en 1928.
Femme-enfant ingénue, la belle O-Tsuya apprend vite à user de ses charmes et devient une courtisane accomplie qui excelle à corrompre et manipuler les hommes. Jeune et naïf, Shinsuke est une proie facile. Mais qui sait jusqu'à quelles folies peut conduire la passion oe
Avec un talent incomparable, Tanizaki met en scène une dramatique histoire d'amour dans le Japon du XIXe siècle.
Les deux brefs romans historiques ici réunis ont été écrits en 1931 et 1932. Ils expriment, avec un raffinement et une culture exceptionnels, l'obsession de la perversion sous différentes formes. Il s'agit, dans le premier récit, d'une chronique consacrée à un guerrier imaginaire du XVIe siècle, et, dans le second, d'un journal de voyage dans la région de Yoshino, zone reculée de montagnes, vestige de la civilisation médiévale. Le seigneur de Musashi passe pour vertueux. Tanizaki, transformé en historien, s'attache à rétablir la vérité qui est tout autre. Dans son enfance, le héros a assisté à une scène bouleversante:dans la salle obscure d'un château, où il est retenu comme «otage d'honneur», il surprend de jolies femmes en train de maquiller et de classer des têtes coupées de guerriers ennemis. L'enfant remarque alors une tête particulièrement saisissante, que l'on surnomme «tête de femme», c'est-à-dire une tête dont on a arraché le nez pendant le combat. C'est le point de départ d'une hantise et d'un fantasme. Le roman raconte une vie tout entière employée à reconstruire cette image de l'enfance, et le Roman de Genji sert de toile de fond à ce récit d'une extraordinaire violence. Le lierre de Yoshino se présente sous la forme de simples notes de voyage. L'auteur se souvient d'un séjour qu'il avait effectué dans la région de Yoshino alors qu'il préparait un roman, vingt ans auparavant. Il était accompagné d'un vieil ami, avec lequel il s'était livré à ces «divagations» historiques, littéraires, musicales, culinaires que suscitent les lieux traversés. Mais ces digressions, qui révèlent la profonde connaissance que l'auteur de l'Éloge de l'ombre avait de la civilisation classique, cachent un mystère, celui de la mère du vieil ami. On lit alors l'un des plus beaux textes que Tanizaki ait jamais écrits:son intérêt réside moins dans l'anecdote proprement dite que dans l'évocation poétique d'un monde perdu et d'une des régions les plus belles du Japon.
Étranges, ces récits le sont assurément, et à ce point chargés de mystère et de suspense que la librairie Kaizôsha n'hésita pas en 1926 à les regrouper (avec deux autres nouvelles) en un volume de sa collection «Romans policiers japonais». L'un de ces récits peut en effet apparaître comme une sorte d'épure de roman policier. Mais partout ailleurs l'enquête et la découverte s'enracinent dans un fertile terreau d'imagination, de sensibilité et de poésie. Les six premiers récits ont été publiés entre 1917 et 1920, le dernier en 1926. C'est dire que tous sont l'oeuvre d'un écrivain en pleine jeunesse, sûr de sa force et de son talent au point de ne reculer devant aucune exubérance, provocation ou jeu. Mais il n'est pas exclu que ces jeux jettent quelque lumière sur le Tanizaki des grandes oeuvres ultérieures et sur certains aspects de sa personnalité.
This is an enchanting essay on aesthetics by one of the greatest Japanese novelists. Tanizaki's eye ranges over architecture, jade, food, toilets, and combines an acute sense of the use of space in buildings, as well as perfect descriptions of lacquerware under candlelight and women in the darkness of the house of pleasure. The result is a classic description of the collision between the shadows of traditional Japanese interiors and the dazzling light of the modern age.