Cette oeuvre, qui est à la fois roman, histoire, poésie, a été saluée par la critique française et mondiale comme un événement littéraire.
En imaginant les Mémoires d'un grand empereur romain, l'auteur a voulu «refaire du dedans ce que les archéologues du XIXe siècle ont fait du dehors». Jugeant sans complaisance sa vie d'homme et son oeuvre politique, Hadrien n'ignore pas que Rome, malgré sa grandeur, finira un jour par périr, mais son réalisme romain et son humanisme hérité des Grecs lui font sentir l'importance de penser et de servir jusqu'au bout.«... Je me sentais responsable de la beauté du monde», dit ce héros dont les problèmes sont ceux de l'homme de tous les temps : les dangers mortels qui du dedans et du dehors confrontent les civilisations, la quête d'un accord harmonieux entre le bonheur et la «discipline auguste», entre l'intelligence et la volonté.
« Les barrages de la mère dans la plaine, c'était le grand malheur et la grande rigolade à la fois, ça dépendait des jours. C'était la grande rigolade du grand malheur. C'était terrible et c'était marrant. Ça dépendait de quel côté on se plaçait, du côté de la mer qui les avait fichus en l'air, ces barrages, d'un seul coup d'un seul, du côté des crabes qui en avaient fait des passoires, ou au contraire, du côté de ceux qui avaient mis six mois à les construire dans l'oubli total des méfaits pourtant certains de la mer et des crabes. Ce qui était étonnant c'était qu'ils avaient été deux cents à oublier ça en se mettant au travail. »
« Dans L'Amant, Marguerite Duras reprend sur le ton de la confidence les images et les thèmes qui hantent toute son oeuvre. Ses lecteurs vont pouvoir ensuite descendre ce grand fleuve aux lenteurs asiatiques et suivre la romancière danstous les méandres du delta, dans la moiteur des rizières, dans les secrets ombreux où elle a développé l'incantation répétitive et obsédante de ses livres, de ses films, de son théâtre. Au sens propre, Duras est ici remontée à ses sources, à sa « scène fondamentale » : ce moment où, vers 1930, sur un bac traversant un bras du Mékong, un Chinois richissime s'approche d'une petite Blanche de quinze ans qu'il va aimer. Il faut lire les plus beaux morceaux de L'Amant à haute voix. On percevra mieux ainsi le rythme, la scansion, la respiration intime de la prose, qui sont les subtils secrets de l'écrivain. Dès les premières lignes du récit éclatent l'art et le savoir-faire de Duras, ses libertés, ses défis, les conquêtes de trente années pour parvenir à écrire cette langue allégée, neutre, rapide et lancinante à la fois capable de saisir toutes les nuances, d'aller à la vitesse exacte de la pensée et des images. Un extrême réalisme (on voit le fleuve, on entend les cris de Cholon derrière les persiennes dans la garçonnière du Chinois), et en même temps une sorte de rêve éveillé, de vie rêvée, un cauchemar de vie : cette prose à nulle autre pareille est d'une formidable efficacité. À la fois la modernité, la vraie, et des singularités qui sont hors du temps, des styles, de la mode. » François Nourissier (Le Figaro Magazine, 20 octobre 1984).
" Qu'est-ce que ça veut dire, moderato cantabile ? Je ne sais pas. " Une leçon de piano, un enfant obstiné, une mère aimante, pas de plus simple expression de la vie tranquille d'une ville de province. Mais un cri soudain vient déchirer la trame, révélant sous la retenue de ce récit d'apparence classique une tension qui va croissant dans le silence jusqu'au paroxysme final. " Quand même, dit Anne Desbarèdes, tu pourrais t'en souvenir une fois pour toutes. Moderato, ça veut dire modéré, et cantabile, ça veut dire chantant, c'est facile. "
En créant le personnage de Zénon, alchimiste et médecin du XVIe siècle, Marguerite Yourcenar, l'auteur de Mémoires d'Hadrien, ne raconte pas seulement le destin tragique d'un homme extraordinaire. C'est toute une époque qui revit dans son infinie richesse, comme aussi dans son âcre et brutale réalité ; un monde contrasté où s'affrontent le Moyen Âge et la Renaissance, et où pointent déjà les temps modernes, monde dont Zénon est issu, mais dont peu à peu cet homme libre se dégage, et qui pour cette raison même finira par le broyer.
« J'ai retrouvé ce journal dans deux cahiers des armoires bleues de Neauphle-le-Château.
Je n'ai aucun souvenir de l'avoir écrit.
Je sais que je l'ai fait, que c'est moi qui l'ai écrit, je reconnais mon écriture et le détail de ce que je raconte, je revois l'endroit, la gare d'Orsay, les trajets, mais je ne me vois pas écrivant ce Journal. Quand l'aurais-je écrit, en quelle année, à quelles heures du jour, dans quelles maisons ? Je ne sais plus rien. [...] Comment ai-je pu écrire cette chose que je ne sais pas encore nommer et qui m'épouvante quand je la relis. Comment ai-je pu de même abandonner ce texte pendant des années dans cette maison de campagne régulièrement inondée en hiver.
La douleur est une des choses les plus importantes de ma vie. Le mot « écrit » ne conviendrait pas. Je me suis trouvée devant des pages régulièrement pleines d'une petite écriture extraordinairement régulière et calme. Je me suis trouvée devant un désordre phénoménal de la pensée et du sentiment auquel je n'ai pas osé toucher et au regard de quoi la littérature m'a fait honte. » Marguerite Duras.
L'histoire de Lol Valérie Stein commence au moment précis ou les dernicres venues franchissent la porte de la salle de bal du casino municipal de T. Beach. Elle se poursuit jusqu'´r l'aurore qui trouve Lol V. Stein profondément changée. Une fois le bal terminé, la nuit finie, une fois rassurés les proches de Lol V. Stein sur son état, cette histoire s'éteint, sommeille, semblerait-il durant dix ans.
Lol Stein se marie, quitte sa ville natale, S. Tahla, a des enfants, paraît confiante dans le déroulement de sa vie et se montre heureuse, gaie. Aprcs la période de dix ans la séparant maintenant de la nuit du bal, Lol V. Stein revient habiter ´r S. Tahla ou une situation est offerte ´r son mari. Elle y retrouve une amie d'enfance qu'elle avait oubliée, Tatiana Karl, celle qui tout au long de la nuit du bal de T. Beach était restée auprcs d'elle, ce qu'elle avait également oublié. L'histoire de Lol V. Stein reprend alors pour durer quelques semaines.
« Légendes saisies en vol, fables ou apologues, ces Nouvelles Orientales forment un édifice à part dans l'oeuvre de Marguerite Yourcenar, précieux comme une chapelle dans un vaste palais. Le réel s'y fait changeant, le rêve et le mythe y parlent un langage à chaque fois nouveau, et si le désir, la passion y brûlent souvent d'une ardeur brutale, presque inattendue, c'est peut-être qu'ils trouvent dans l'admirable économie de ces brefs récits le contraste idéal et nécessaire à leur soudain flamboiement ».
Matthieu Galey
Lui : Tu n'as rien vu à Hiroshima. Rien.
Elle : J'ai tout vu. Tout... Ainsi l'hôpital je l'ai vu. J'en suis sûre. L'hôpital existe à Hiroshima. Comment aurais-je pu éviter de le voir ?
Lui : Tu n'as pas vu d'hôpital à Hiroshima. Tu n'as rien vu à Hiroshima...
Elle : Je n'ai rien inventé.
Lui : Tu as tout inventé.
Elle : Rien. De même que dans l'amour cette illusion existe, cette illusion de pouvoir ne jamais oublier, de même j'ai eu l'illusion devant Hiroshima que jamais je n'oublierai. De même que dans l'amour.
« - Il n'y a pas de vacances à l'amour, dit-il, ça n'existe pas. L'amour, il faut le vivre complètement avec son ennui et tout, il n'y a pas de vacances possibles à ça.
Il parlait sans la regarder, face au fleuve.
- Et c'est ça l'amour. S'y soustraire, on ne peut pas. »
Cinéma et littérature forment pour Marguerite Duras un tout, un vaste espace de liberté, qu'elle inclut dans un même geste artistique. Elle développe une écriture qui brouille volontairement les frontières entre cinéma et littérature, entre la voix et l'écrit. Plus que jamais, cette correspondance en témoigne. On le sait trop peu:Duras a réalisé 19 films. Michelle Porte fut son assistante sur plusieurs d'entre eux (La Musica, 1966; Détruire, dit-elle, 1969; Baxter, Vera Baxter, 1976). Elle a elle-même réalisé deux importants films documentaires:Les Lieux de Marguerite Duras (1976) et Savannah Bay c'est toi (1984).Ce recueil de lettres et d'archives inédites met dans la lumière trois figures de femmes créatrices:une écrivaine et cinéaste, Marguerite Duras; une cinéaste et documentariste, Michelle Porte; une sculptrice, Marie-Pierre Thiébaud (sa compagne), qu'appréciait beaucoup Duras. Joëlle Pagès-Pindon, spécialiste de l'auteure, a rédigé la préface et l'annotation du volume, et a mené des entretiens avec Michelle Porte, comme autant de souvenirs de Duras.
« J'ai appris qu'il était mort depuis des années. C'était en mai 90 (...). Je n'avais jamais pensé à sa mort. On m'a dit aussi qu'il était enterré à Sadec, que la maison bleue était toujours là, habitée par sa famille et des enfants. Qu'il avait été aimé à Sadec pour sa bonté, sa simplicité et qu'aussi il était devenu très religieux à la fin de sa vie.
J'ai abandonné le travail que j'étais en train de faire. J'ai écrit l'histoire de l'amant de la Chine du Nord et de l'enfant : elle n'était pas encore là dans L'Amant, le temps manquait autour d'eux. J'ai écrit ce livre dans le bonheur fou de l'écrire. Je suis restée un an dans ce roman, enfermée dans cette année-là de l'amour entre le Chinois et l'enfant.
Je ne suis pas allée au-delà du départ du paquebot de ligne, c'est-à-dire le départ de l'enfant. »
Voici l'histoire d'un vieux peintre chinois du nom de Wang-Fô. Il peignait si bien que ses tableaux étaient magiques. Malgré cela, Wang-Fô était très pauvre, car il donnait ses peintures en cadeau ou les échangeait contre un bol de riz. Un jour, cependant, l'empereur le convoqua en son palais, pour le menacer, lui, le vieux maître qu'il admirait tant, d'un terrible châtiment...
Un conte merveilleux mêlant la poésie de Marguerite Yourcenar et l'art de Georges Lemoine.
Saint-Tropez l'hiver. Dans la mélancolie d'une villa inhabitée, Suzanna Andler hésite entre son mari et son amant. Transcendant les codes du théâtre de Boulevard, Marguerite Duras offre le portrait bouleversant d'une femme en quête d'une impossible émancipation. « C'est une femme cachée, cachée derrière sa classe, cachée derrière sa fortune, derrière tout le convenu des sentiments et des idées reçues... Elle ne pense rien, Suzanna Andler. Mais j'ai essayé de la lâcher, de lui redonner une liberté. » Marguerite Duras Avec quatre photographies en couleurs du film Suzanna Andler de Benoit Jacquot.
Pauvre Akissi ! Les chats du quartier la poursuivent pour lui prendre son poisson, son petit singe Boubou manque de finir à la casserole avec une bonne sauce graine, et elle n'est qu'un misérable margouillat aux yeux de son grand frère Fofana... Mais il en faudrait beaucoup plus pour décourager Akissi. Car cette petite fille-là est survitaminée, une aventurière, une championne du monde de la bêtise, un piment.
Marguerite Duras ne fut pas uniquement l'écrivain que l'on sait mais aussi une cinéaste audacieuse dont les films appartiennent au corps tout entier de son oeuvre. Cet ouvrage rassemble pour la première fois les écrits de Marguerite Duras concernant ses propres films (dix-neuf, réalisés de 1966 à 1985), son activité de cinéaste, ainsi que les entretiens les plus significatifs qu'elle a pu donner à ce propos. Jamais un tel recueil n'avait été entrepris, même pour India Song, son film le plus célèbre. Depuis La Musica (1966) jusqu'aux Enfants (1985), en passant par Détruire dit-elle, Le Camion, Le Navire Night, le livre est organisé par films dont Duras signe la réalisation (excluant les adaptations de ses livres et les films qu'elle a scénarisés comme Hiroshima mon amour).
Pour chaque film, sont reproduits la plupart des textes qu'elle a rédigés dans le but de présenter et d'expliquer son travail au public, aux critiques, parfois aux acteurs eux-mêmes. Il lui arrive ainsi de raconter son film et son travail. On retrouve la parole vive et évocatrice de Duras, qui projette le lecteur dans son univers filmique radical et épuré, rejouant les liens dans son oeuvre entre littérature et cinéma. Duras parle de sa démarche, de ses principes d'écriture cinématographique, et surtout du paradoxe d'un cinéma qui cherche « à détruire le cinéma ». On assiste à sa tentative de dire le dépassement du cinéma, sa négation, comme celle du politique. Mais au-delà, ces textes parlent à chacun de l'existence, du monde, de l'écriture. Ici encore il s'agit de détruire, renverser, mais aussi d'aimer, d'oser. D'où l'intérêt de donner à lire ces écrits et entretiens comme des textes d'auteur à part entière.
De nombreux textes sont inédits, d'autres demeuraient très difficiles d'accès. Certains ont fait l'objet de publication dans des dossiers de presse, des journaux, et des revues spécialisées au moment de la sortie des films. Quelques-uns ont été réédités dans des ouvrages collectifs.
Depuis sa loge ou avec son unique ami, Gaston, le balayeur du quartier, Madame Dodin, la concierge du numéro 5 de la rue Sainte-Eulalie, ne cesse de maugréer et de manifester son mécontentement aux locataires : «¹Pourquoi faut-il qu'il y en ait qu'une seule qui vide les chiures de cinquante autres ? » Dans ce texte féroce, portrait intime et social, Marguerite Duras déplie un aspect méconnu de son écriture et dévoile une plume toute mordante et caustique.
Un homme qui veut changer sa vie s'engage sur un bateau. Sur ce bateau il y a une femme qui court le monde à la recherche du marin de Gibraltar qu'elle a aimé et qui a disparu. L'amour naît entre l'homme qui veut changer sa vie et la femme qui cherche le marin de Gibraltar. Ensemble, ils vont rechercher avec scrupule ce marin disparu. S'ils le trouvent ce sera la fin de leur amour. Étrange contradiction.
De Sète à Tanger, de Tanger à Abidjan, et d'Abidjan à Léopoldville, leur recherche se poursuit.
« Il faut toujours une séparation d'avec les autres gens autour de la personne qui écrit les livres. C'est une solitude essentielle. C'est la solitude de l'auteur, celle de l'écrit. Pour débuter la chose, on se demande ce que c'était ce silence autour de soi. Et pratiquemment à chaque pas que l'on fait dans une maison et à toutes les heures de la journée, dans toutes les lumières, qu'elles soient du dehors ou des lampes allumées dans le jour. Cette solitude réelle du corps devient celle, inviolable, de l'écrit. »
Véritable poil à gratter pour sa famille, Akissi est une petite fille effrontée et dégourdie, pas toujours animée des meilleures intentions. Avec son meilleur copain Edmond, elle songe à jeter un sort à leur maître d'école pour les venger d'une punition ; la voilà ensuite prête à tout pour que sa mère cesse de la coiffer, y compris à attraper des poux ! Mais quand Edmond se prend pour le super-héros Spectreman, Akissi se fait pour une fois la voix de la raison...
Marguerite de Valois, c'est la reine Margot d'Alexandre Dumas. Mais cette légende a recouvert celle qui fut Marguerite de France et dont la vie épousa les soubresauts de la fin du XVIe siècle. Marguerite de Valois fut tout autant femme politique, autrice, mécène et eut une influence immense sur son époque. On ne le sait pas, mais elle fut la première femme à écrire ses Mémoires au sens du genre romanesque qui a connu par la suite un développement remarquable. Celles-ci rencontrèrent en leur temps un succès posthume considérable.
En les rééditant aujourd'hui, Eliane Viennot, l'une des plus grandes exégètes de l'oeuvre de Marguerite de Valois, entend redonner toute sa place de pionnière à Marguerite de Valois dans les histoires de la littérature et du féminisme. Autrement dit, il s'agit bien de la faire revenir parmi nous pour qu'elle vienne enrichir et épaissir nos récits pour l'avenir et par là même participe à la déconstruction du monopole masculin sur les fonctions de pouvoir. Bref que Margot redevienne vraiment reine en notre royaume.
Scénario de Marguerite Abouet. Dessin de Mathieu Sapin. D'après l'univers graphique de Clément Oubrerie
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