Ce livre interroge les discours sur l'écoute musicale à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, moment où l'on remarque une inquiétude croissante au sujet des risques qu'elle encourt. L'oeuvre peut alors s'affranchir d'un ensemble de codes qui garantissaient une communication immédiate, par référence à la rhétorique, pour inventer à chaque fois des règles ou des organismes nouveaux, que saisira une écoute répétée. S'adressant au XVIIIe siècle aussi bien à l'amateur qu'au connaisseur, à partir de Beethoven, l'oeuvre pourra constituer à chaque fois sa propre communauté d'écoute. L'écoute musicale, comprise comme l'appréhension d'une oeuvre, est en même temps étroitement liée aux théories portant sur la perception, qui peuvent même prendre le pas sur elles à certaines époques. Ces théories sont influencées de leur côté par des textes théologiques ou philosophiques assurant la suprématie de l'oeil sur l'oreille, ou l'inverse. Quant à l'écoute musicale, elle revêtira différentes figures dont on suit ici le développement : une écoute par association d'images, une écoute structurelle, une écoute sublime ou une écoute de l'ineffable. Le notion de discours est entendue au sens fort, comme producteur d'effets concrets : aménagement de lieux favorisant telle ou telle écoute, construction sociale d'attitudes, se taire, fermer les yeux, n'applaudir qu'à la fin d'un morceau. , mais aussi marque imprimée sur les oeuvres elles-mêmes, qui visent un certain type d'écoute : un compositeur ne crée pas seulement à partir de techniques d'écriture ou d'une vision poétique, mais aussi à partir de discours, dont la trace se repère dans ses partitions.
Alors qu'on ne cesse d'étudier les bouleversements politiques, sociaux, ou philosophiques qu'ont entraînés la révolution française et l'épopée napoléonienne, s'est-on jamais interrogé sur les transformations auxquelles s'est trouvée soumise la musique sous le choix des événements qui ne sont alors soudainement précipités à travers toute l'europe ?
Certes plus d'un a remarqué l'écho des musiques militaires dans les symphonies de beethoven et jusque chez rossini, dont la musique bruyante témoigne encore de ce qu'il est le "fils d'un siècle de fracas". on a vu également, dans cette veine guerrière, fleurir moult pièces de circonstance - représentations musicales de batailles ou cantates - illustrant sur le monde pittoresque une actualité fertile en épisodes mouvementés. mais, au-delà de ces musiques de circonstance, on est frappé par le souci de simplification du discours qui anime soudain nombre de compositeurs, que ce soit les expérimentations menées avec les masses sonores par gossec et méhul écrivant pour les fêtes de la révolution, ou celles développées avec la force que l'on sait par beethoven, dont la musique est ressentie alors comme "colossale". apparaît alors un penchant général pour les effets sonores puissants, le goût d'instrumenter de façon épaisse, de grossir le trait, de privilégier des tempos rapides, de jouer fort.
Ainsi donc, en ce tournant du xviiie au xixe siècle qu'accompagne la rumeur des batailles révolutionnaires et napoléoniennes naît un nouveau ton, fait de registres divers : hiératisme sublime chez gluck, lenteur réfléchie chez beethoven, fascination pour la vitesse et goût de l'élan chez weber, effets de masse et de spatialisation sonore chez berlioz, ivresse rythmique chez rossini.
C'est l'unité de ce champ stylistique, réplique du grand tremblement de terre de l'histoire, qu'analyse cet ouvrage nourri de la pensée des grands écrivains de l'époque où le sentiment du sublime se trouve porté à son comble.
Martin kaltenecker, producteur à france musiques, a été l'un des fondateurs de la revue entretemps. auteur de nombreux articles sur la musique du xixe et du xxe siècle, il a traduit des ouvrages de luciano berio, carl dahlhaus ainsi que la correspondance mahler-strauss.
Ingénieur, écrivain, compositeur, acteur et théoricien visionnaire des médias, Pierre Schaeffer (1910- 1995) a révolutionné la musique contemporaine, introduisant en son coeur les expérimentations les plus audacieuses, pour aboutir à la remise en question de notions a priori évidentes comme l'écoute, le timbre, le son... Des premières expériences théâtrales au sein des associations scouts dans l'entredeux guerres au long compagnonnage avec Gurdjieff, des recherches de formes nouvelles pour la Radio ou la Télévision jusqu'aux défis de l'homme d'institution à la tête du Service de la Recherche de l'ORTF, cet album richement illustré fait revivre l'oeuvre et les engagements de l'auteur du Traité des objets musicaux. La somptueuse iconographie reproduite dans l'ouvrage provient des archives privées de Pierre Schaeffer, conservées à l'IMEC : partitions, manuscrits, catalogues, photographies, dessins...
Un beau livre en forme d'hommage au polytechnicien-musicien, qui a marqué de son empreinte le XXe siècle intellectuel et artistique.
Les textes rassemblés dans ce volume procèdent de communications présentées dans le cadre de deux séminaires : l'un, tenu par Gilles Dulong et François Nicolas à l'École normale supérieure (2003-2004), s'intitulait Penser la musique contemporaine avec/sans/contre l'Histoire ? ; l'autre, placé sous la direction de Martin Kaltenecker, s'est déroulé la même année au Centre de documentation de la musique contemporaine, proposant comme sujet de réflexion La Musique du XXe siècle : l'hypothèse de la continuité.
Un certain nombre de références ou de problématiques communes nous ont amenés à regrouper ces communications. Sans vouloir accentuer artificiellement des traits convergents, on peut souligner que la notion d'autonomie de la musique (ou de l'oeuvre d'art) semble parcourir la plupart de ces réflexions, notion par rapport à laquelle se situent les méthodes d'approche elles-mêmes très différentes - esthétiques, historiques, sociologiques.
Ce premier volume des publications de l'Institut Théodore Gouvy, fruit du colloque tenu en 2019, rassemble des contributions cherchant à éclairer les multiples facettes de Théodore Gouvy dont la vie et la carrière furent partagées entre la France et l'Allemagne.
Les recherches récentes, qui s'appuient sur la sociologie, la génétique et l'analyse musicales, permettent d'entrer dans le détail de l'utilisation singulière des formes musicales par Gouvy, des particularités de son style harmonique, de ses réadaptations de mouvements antérieurs et de sa réécriture des poètes de la Pléiade, dont la mise en musique constitue un important épisode de leur redécouverte au xixe siècle. L'exploration des fonds d'archives et de la correspondance donne plus de relief à la réalité quotidienne d'un compositeur aux prises avec ses éditeurs, ses critiques et ses collègues et aussi à une reconnaissance progressive (élection à l'Académie des Beaux-Arts de Berlin, intégration dans les dictionnaires de musique).