" La liberté de chaque individu majeur, homme et femme doit être absolue et complète, liberté d'aller et de venir, de professer hautement toutes les opinions possibles, d'être fainéant ou actif, immoral ou moral, de disposer en un mot de sa personne. "
Ces 90 lettres écrites - en allemand, en français, en russe - par Bakounine pendant ses douze années de captivité et de déportation n'avaient jamais été imprimées intégralement. Nous en ajoutons dix autres, rédigées immédiatement après son évasion et sa fuite vers le Japon et l'Amérique. Arrêté après l'insurrection de Dresde de mai 1849, condamné à mort, le révolutionnaire russe séjournera dans six prisons différentes (de Konigstein, en Allemagne, à Schlüsselburg, près de Pétersbourg, en passant par le château de Prague, Olmütz et la forteresse Pierre-et-Paul), avant d'être exilé en Sibérie. Le volume que nous présentons montre l'homme - qui n'est encore qu'un démocrate révolutionnaire, d'ailleurs assez naïf parfois - plus que le politique ou le théoricien. On le découvre tour à tour confiant, sûr de lui, prêt à affronter la mort, sans regrets ; puis affaibli, accablé par la maladie, près du suicide, attristé par de mauvaises nouvelles, partageant la joie de son frère qui va se marier et lui prodiguant des conseils, humble avec ses geôliers, ou lorsqu'il écrit au tsar Alexandre II pour demander sa grâce. Il réclame du thé, des livres, ne se plaint pas ou peu, remercie ceux qui viennent le voir ou font des démarches pour lui. Il fait le dos rond en attendant son heure où il pourra à nouveau sacrifier à sa seule vraie passion : la révolution.
Quelle est donc cette curiosité impérieuse qui pousse l'homme à reconnaître le monde qui l'entoure, à poursuivre avec une infatigable passion les secrets de cette nature dont il est lui-même, sur cette terre, la dernière et la plus parfaite création ? Je n'hésite pas à dire que, de toutes les nécessités qui constituent la nature de l'homme, c'est la plus humaine, et que l'homme ne se distingue effectivement des animaux de toutes les autres espèces que par ce besoin inextinguible de savoir, qu'il ne devient réellement et complètement homme que par l'éveil et par la satisfaction progressive de cet immense besoin de savoir. [...] Être éphémère et imperceptible, perdu au milieu de l'océan sans rivages de la transformation universelle, avec une éternité ignorée derrière lui, et une éternité immense devant lui, l'homme pensant, l'homme actif, l'homme conscient de son humaine destinée, reste calme et fier dans le sentiment de sa liberté, qu'il conquiert en s'émancipant lui-même par le travail, par la science, et en émancipant, en révoltant au besoin, autour de lui tous les hommes, ses semblables, ses frères. Si vous lui demandez après cela son intime pensée, son dernier mot sur l'unité réelle de l'Univers, il vous dira que c'est l'éternelle transformation, un mouvement infiniment détaillé, diversifié, et, à cause de cela même, ordonné en lui-même, mais n'ayant néanmoins ni commencement, ni limite, ni fin. C'est donc le contraire absolu de la Providence : la négation de Dieu.
Bakounine a un avantage : il n'a jamais été canonisé. Pourtant, sa vie et son oeuvre sont indissociables du mouvement révolutionnaire européen. Premier grand théoricien du courant anti-autoritaire, son intransigeance lui valut l'initmitié de Marx et de ses épigones.
"Dieu et l'Etat" représente une excellente synthèse de la pensée de Bakounine. Le temps est peut-être venu de lire ou de relire ce "penseur agissant".
Ce texte a mauvaise réputation. En 1851, du fond de son cachot de la forteresse Pierre-et-Paul de Saint-Pétersbourg, Bakounine y " confesse " au Tsar Nicolas Ier sa participation active au mouvement révolutionnaire qui balaya l'Europe trois ans plus tôt, dans l'espoir qu'il adoucira ses conditions de détention.
La Confession, un des rares écrits autobiographiques de Bakounine, n'est pourtant pas l'entreprise de reniement qu'on a voulu y voir.
Texte alerte et parfaitement maîtrisé, il s'agit d'un extraordinaire témoignage sur le " printemps des peuples " européens et, plus largement, sur la complexité du rapport des révolutionnaires au pouvoir qu'ils combattaient.
Il fut aussi, pour son auteur, un retour sur soi décisif avant de reprendre la lutte.
Ce texte permet de comprendre ce que peuvent être le parcours et le processus de construction d'une identité révolutionnaire, et de méditer sur les relations parfois ambigües entre l'homme révolté et le pouvoir politique.
Il est enfin le plus beau texte littéraire de Bakounine.
Un texte à relire au lendemain des révolutions arabes et à l'heure où les tentations autoritaires se font à nouveau jour en Europe !
Pour cette édition, Jean-Christophe Angaut a effectué un travail de recherche et d'annotation qui permettra au lecteur de découvrir l'identité des nombreux protagonistes évoqués par Bakounine au fil de son récit. Ce livre est ainsi un document de première main pour tous ceux qui s'intéressent à ce moment de l'histoire européenne.
Ce texte de 1857 met en scène un homme traqué, obligé d'écrire à l'intention du tzar une autobiographie édulcorée, sorte de plaidoyer destiné à attirer sur soi la clémence de sa Majesté Impériale. Rien à voir donc avec le théoricien de l'Etat et l'Anarchie, figure décisive des revendications libertaires ; s'élabore plutôt devant nous le portrait complexe d'un politicien déchu, flattant l'ennemi tout en s'efforçant de respecter la vérité.
Le socialisme libertaire opposé au socialisme d'état. Nous nous déclarons ennemis de tout pouvoir d'État, de tout gouvernement, ennemis du système étatique en général ; et nous pensons que le peuple ne pourra être heureux et libre que lorsque, s'organisant de bas en haut, au moyen d'associations autonomes et entièrement libres [...], il créera lui-même sa vie.
Le conflit Marx/Bakounine au sein de la Première Internationale n'est pas seulement un conflit politique, mais aussi un conflit sur le statut même du politique. Aux accusations d'apolitisme, Bakounine répond en revendiquant son antiétatisme, tout en se méprenant sur le projet politique marxien. Au sein de l'Internationale, la position qu'il défend préfigure l'anarcho-syndicalisme, et permet d'éclairer en retour la conception marxienne des organisations ouvrières. Bakounine analyse les risques de bureaucratisation qui pèsent sur ces organisations, tandis Marx cherche à penser une action politique propre au prolétariat.
Les lettres, discours, articles...
Rassemblés ici sont devenus introuvables en librairie et assez difficilement accessibles en bibliothèques. Paradoxalement, leurs titres sont connus, mais seulement pour une phrase fameuse tirée de son contexte. Ainsi, la Réaction en Allemagne (1842), premier écrit politique de Bakounine, qui célèbre la destruction comme un " plaisir créateur ". Pourtant, ces textes n'ont été que rarement publiés et certains sont même inédits en version papier.
Pris à toutes les époques de sa vie, ils dessinent l'itinéraire intellectuel de Bakounine, successivement cadet patriote, démocrate révolutionnaire, prisonnier stoïque, socialiste internationaliste, enfin anarchiste, adversaire absolu de toute forme d'Etat. Ils nous montrent cet homme éminemment sympathique aux prises avec ses contradictions, entre nationalisme russe et internationalisme, entre refus de l'argent et souci des revenus familiaux ; tour à tour lucide et natif, découragé et enthousiaste, mais toujours animé par ce que lui-même appelle " le sentiment sacré de la révolte ".
Cette publication rassemble en un seul volume l'ensemble des textes écrits par les deux rivaux de la Ire Internationale l'un contre l'autre.?On découvrira que si certains éléments de leur longue polémique sont excessifs, versant dans des accusations calomnieuses pour Marx ou antijuives pour Bakounine, d'autres illustrent utilement les deux tendances fondamentales (libertaire et autoritaire) qui divisèrent longtemps, jusqu'à aujourd'hui, le mouvement ouvrier socialiste. On verra aussi que s'ils se combattirent implacablement, les deux hommes ne laissaient pas de nourrir une admiration réciproque, quoique à éclipses, l'un pour l'autre. Ce sera un beau et gros volume (avec des rabats) qu'il fera bon avoir dans sa bibliothèque, et même lire...
Pour le cent cinquantième anniversaire de la Commune de Paris il convenait de redonner la parole à deux grandes figures du mouvement ouvriers liés à cet événement qui marqua à jamais l'histoire populaire : Louise Michel et Michel Bakounine. La première ayant participé à la révolte parisienne, le second à la Commune de Lyon, les deux ayant écrit sur cet épisode qui consacra la chute de l'Empire et la naissance de la troisième République. Outre des textes des deux auteurs, à la fois de témoignages et de réflexions sur la Commune de Paris, le livre contient des documents iconographiques (lettres et photos) inédits, avec une préface du plasticien Jean-Jacques Lebel.
PLa compilation réalisée en anglais par l'anarchiste russe G. P. Maximov après-guerre (The Political Philosophy of Bakunin - Scientific Anarchism) est à l'origine de ce livre dont la première édition a paru en 2001, puis en 2008 aux Nuits rouges. Etienne Lesourd a soigneusement élagué ce gros volume des répétitions nombreuses qu'il contenait et retrouvé les sources originales des écrits de Bakounine. La plupart sont en français, langue dans laquelle il écrivait le plus souvent, en plus du russe, de l'italien et de l'allemand. C'est donc la version originale des écrits de Bakounine que l'on lira dans cette édition.