Cet ouvrage rassemble des travaux qui analysent et décrivent ce qui arrive aujourd'hui aux frontières physiques de ces pays dont la proximité aux centres mondiaux du capitalisme réinvente le statut. De bords oubliés du monde, ces frontières désormais plantées sous les projecteurs des médias sont régulièrement montrées du doigt pour leur caractère crucial par les discours politiques.
Mexique-USA, Maroc-Europe, ces lieux frontières sont devenus centraux, par la conjonction d'un double processus à bien des égards paradoxal. Car d'un côté, avec le renforcement d'un ensemble de dispositifs de fermeture et de contrôle du passage et du franchissement, ces frontières se veulent mises en scène d'un processus de dramatisation et de criminalisation des parcours migratoires « subalternes », tandis que d'un autre côté, l'installation de lieux de production fait de la frontière l'un de ces « ateliers » industriels où se réinvente silencieusement une part cachée des cadres économiques et sociaux du capitalisme mondialisé. Confrontation qui se résume en un paradoxe, lorsque la frontière est « zone franche » infranchissable.
L'exil forcé de plusieurs millions de Syriens, qui ont fui les zones de combats et les répressions des différentes factions impliquées dans la guerre, a mis à l'épreuve le droit international des réfugiés dans son application concrète.
La plupart des pays ont réactivé les frontières comme opposition à l'accueil de ces « indésirables », et certains ont même criminalisé la condition de réfugié en la qualifiant « d'invasion massive de migrants » clandestins pendant que d'autres, se pensant plus « modérés », préféraient parler de « crise des migrants », faisant fi eux aussi du statut de réfugié, des conventions et autres traités internationaux qui garantissent la protection à ceux dont la vie est menacée.
Les pays européens ont fait le choix de sous-traiter l'accueil de ces exilés et le contrôle de leur mobilité aux pays voisins de la Syrie, le Liban, la Jordanie et la Turquie donnant naissance à une nouvelle géopolitique migratoire dont l'instrumentalisation dans les rapports de force internationaux s'est confirmée dans les contentieux entre l'Europe et la Turquie, l'Europe et la Biélorussie ou encore entre l'Espagne et le Maroc.
C'est à un véritable aggiornamento des idées reçues que les auteurs nous invitent. Et d'abord sur la crise : selon eux, la dette des Etats ne sera jamais remboursée... L'avenir est ouvert aux règlements de comptes financiers entre nations. Nous apparaîtront aux yeux du monde non occidental (que nous considérons besogneux, peuplé d'irresponsables de la concurrence ou de la pollution) comme d'incroyables malhonnêtes. N'est-ce pas le moment de faire le bilan de notre domination séculaire sur le monde ? Et d'étudier les classes sociales, les alliances et les adaptations incroyablement rapides des bourgeoisies à l'échelle continentale, ainsi que les désaccords entre ouvriers au sujet des délocalisés ou des transfuges de l'immigration, les classes moyennes étant entre les deux, en arbitre... Les effets du non-remboursement et l'interprétation que les autres peuples en donneront aggraveront probablement une incompréhension réciproque. Les occasions de s'expliquer se sont réduites : la mondialisation ajoute à l'engourdissement des jugements, un cloisonnement figeant l'échange des idées au profit de la libre circulation financière et de celle des marchandises. Le refus de connaître nos voisins, proches ou lointains, nous incite à leur donner des recommandations confondantes : "Privez-vous", "Economisez, épargnez"! Comment peuvent-ils prendre ça ? Une plaisanterie ? Une insulte ? Un forfait supplémentaire de notre part ?