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Dans le deuxième tome de son Autobiographie, Niki raconte les années passées avec Harry Mathews, l'écrivain américain qu'elle épouse à l'âge de dix-neuf ans, et dont elle a deux enfants, Laura et Philip. Années de bonheur, de découverte du monde, de sa vocation artistique. Années de fragilité aussi, d'expériences amoureuses qui la mènent au bord du gouffre, en hôpital psychiatrique, avant que les liens ne se resserrent avec Harry. De New York à Paris, de Deyá à Majorque, Niki se découvre elle-même en découvrant les artistes (Tinguely, Brancusi), les écrivains proches de Harry et les cinéastes (Robert Bresson...). Comme dans Traces, dessins, collages, passages manuscrits confèrent un caractère très singulier à ces Mémoires où elle donne aussi la parole à Harry dont le point de vue n'est pas toujours le même que le sien.
« J'ai écrit ce livre d'abord pour moi-même, pour tenter de me délivrer enfin de ce viol qui a joué un rôle si déterminant dans ma vie. Je suis une rescapée de la mort, j'avais besoin de laisser la petite fille en moi parler enfin... J'ai longtemps pensé que j'étais une exception, ce qui m'isolait encore plus ; aujourd'hui j'ai pu parler à d'autres victimes d'un viol : les effets calamiteux sont tous les mêmes : désespoir, honte, humiliation, angoisse, suicide, maladie, folie, etc. Le scandale a enfin éclaté ; tous les jours des révélations jaillissent sur ce secret si jalousement gardé pendant des siècles : le viol d'une multitude d'enfants, filles ou garçons, par un père, un grand-père, un voisin, un professeur, un prêtre, etc. Après le Secret j'ai l'intention d'écrire un autre livre adressé aux enfants, afin de leur apprendre à se protéger : parce que l'éducation qu'on leur donne les laisse sans défense contre l'adulte... » Niki de Saint Phalle.
Reparaît à l'identique Mon Secret, ce court récit écrit d'une main d'enfant que l'artiste emblématique des « Nouveaux Réalistes » con?a à La Différence en 1994. Niki de Saint Phalle y raconte le viol commis sur elle par son père, banquier digne et honorable, quand elle avait onze ans. Elle le raconte avec des mots simples, parce que le crime doit être dit, parce que le silence cautionne, parce que l'horreur est d'autant plus répandue quand elle est d'une manière ou d'une autre tolérée.
Traces est le premier tome de l'autobiographie de Niki de Saint Phalle. Elle s'étend de l'année de sa naissance (1930) à 1949. Écrite en partie à la main, en partie à la machine, entrecoupée de dessins, de poèmes, de photographies rehaussées ou enluminées, elle participe autant d'une oeuvre d'art, d'un journal intime que d'un travail de mémoire. La forme y est indissociable du fond et en fait, comme le récit Mon secret, un objet singulier et inclassable.
À travers l'histoire de sa famille dont le côté français du père et le côté américain de la mère lui impriment dès sa naissance une double identité, Niki raconte ses souvenirs d'enfance en Amérique, ses relations avec ses frères et sa soeur, ses rêves, ses peurs, ses cauchemars, ses premières amours, sa découverte de la France. Elle dresse les portraits de sa mère et de son père comme les pièces à conviction de l'origine de sa rébellion et de sa soif d'exister à travers son art. Insolence suprême pour une femme dont la condition est, à l'instar de sa mère, de régner sur son foyer et sur ses enfants. Née au lendemain du krach boursier dans une famille fortunée qui essuie les soubresauts de la crise qui secoue le pays, elle donne un tableau extraordinairement vivant, drôle et cruel d'une société américaine conformiste et prête à tout pour sauver les apparences. Exister en créant ou mourir en étant taxée de folie, tel était l'enjeu de son destin.