Dans le Japon médiéval, deux enfants, le fils et la fille d'un gouverneur exilé, sont séparés de leur mère et vendus comme esclaves à un seigneur cruel et corrompu, l'Intendant Sanshô.
Quelques années plus tard, le jeune homme s'évade avec l'aide de sa soeur. Ayant accédé à son tour au rang de gouverneur, il abolit l'esclavage, confisque les biens de Sanshô et retrouve sa mère.
Un étudiant en médecine passe chaque jour devant une maison dont les fenêtres voilent le visage, énigmatique et nostalgique, d'une jeune femme contrainte de devenir la maîtresse d'un riche usurier pour subvenir à ses besoins et à ceux de son père. Regards croisés, rencontres furtives au détour d'une promenade : au fil des occasions manquées se tisse entre les deux jeunes gens une passion qui n'en a que le nom, discrète et silencieuse. Toujours ils se cherchent des yeux, s'attendent et se dérobent, mais ils n'arriveront jamais à briser le silence imposé par leur condition et leurs obligations, et le tendre souvenir de cet amour rêvé restera aussi majestueux, aussi mélancolique qu'un envol d'oies sauvages. Mori Ôgaï, qui signe, avec ce texte, adapté deux fois au cinéma, l'oeuvre la plus significative du roman psychologique au Japon parvient à charger de poésie et de grâce ces quelques instants a priori insignifiants, cette poussière d'événement qui aurait pu ne rester qu'anecdote, et évoque avec une justesse troublante la place du hasard dans le cours de nos vies.
Cinq textes, écrits en 1910 :
Tsuina (Exorcisme), Hebi (Le serpent), Môsô (Chimères), Hyaku monogatari (Cent contes), Hanako (Hanako).
Aussitôt Riyo recula d'un pas et, de son sabre court dont elle serrait fermement la poignée, elle frappa instantanément Torazô. La lame s'enfonça du sommet de l'épaule droite jusqu'à la poitrine. Torazô chancela. Riyo le frappa une deuxième, puis une troisième fois. Torazô s'écroula.
Riyo, la fille qui venge son père à la place de son frère ; O-Sayo-san, toute jeune, mais qui choisit elle-même son époux ; Run, la vieille femme qui attent patiemment plus de trente ans le retour de son mari exilé ; Ichi, la gamine qui va défier les autorités pour sauver son père condamné à mort, sans oublier Yu Xuanji, la poétesse des Tang qui essaie de mener librement une vie d'artiste et de femme : ces cinq récits historiques de Mori Ôgai, composés entre 1913 et 1915, constituent autant de portraits de « nouvelles femmes » du Japon d'Edo et de la Chine ancienne.
Quand Vita sexualis parut au Japon, en 1909, Mori Ogai occupait une place exceptionnelle dans la médecine de son pays. Né en 1862, sa précocité l'avait fait médecin à dix-neuf ans ! On l'envoya donc se perfectionner en Europe ; il y apprit l'allemand, l'anglais et le français, dont il truffe souvent son récit. Quand il revint au pays natal, les écrivains, marqués par le naturalisme, exposaient sans complaisance la vraie vie. D'où maint et maint scandale : en 1906 avec La rupture de l'interdit, de Shimazaki Tôson ; en 1907 avec Le matelas, de Tayama Katai ; en 1909, avec cette Vita sexualis. Dans le mois qui en suivit la publication, l'ouvrage fut interdit : ni vente ni même distribution gratuite ! Or, si le titre est provocant, avec son allure médicale, ce récit d'un apprentissage amoureux, entre six et vingt et un ans, frappe aujourd'hui par sa pudeur. Il dit tout : sans outrance ni complaisance. Mais sans faiblesse pour l'idéologie dominante. D'où l'éclatante disgrâce du savant qui avait osé proférer ces paroles impies : ce n'est guère «que parmi les individus vêtus de vestes d'ouvrier» qu'on trouve l'homme idéal, du point de vue physique et charnel.Par chance, la traductrice de ce roman correspond au traducteur idéal, tel que je l'avais naguère défini. Égyptienne, aussi habile en arabe qu'en français, elle étudia le japonais, devint japonaise par son mariage. Vita sexualis, cette chimère, ce beau monstre de la vie intérieure, nous est restitué ici de façon exemplaire. Avec ses mines de ne pas y toucher, il nous atteint d'autant plus vivement, grâce à Amina Okada.