La journée d´étude « Façons d´Endormis. Le Sommeil entre inspiration et création » s´est penchée sur la représentation des dormeurs dans l´art. Le Sommeil, naturel mais pour autant mystérieux, échappe à la pensée consciente et laisse le corps aller et l´esprit divaguer selon une des étymologies du terme rêver. Les façons d´endormis saisies par les peintres et les sculpteurs révèlent dès l´Antiquité une gestuelle du corps signifiante. Si le corps peint à la Renaissance traduit selon Léonard de Vinci « i moti dell´animo », les mouvements de l´âme, tombé dans le sommeil, pétri d´immobilité, il n´en est pas moins éloquent. En effet, selon la conception néoplatonicienne du sommeil, le dormeur voit son âme se libérer du corps et de la raison. Marsile Ficin désigne le sommeil comme l´un des sept états de vacatio, propice à recevoir les connaissances ou encore, comme Platon l´écrit déjà dans le Timée (71 E, 187), l´inspiration divine. L´art dévoile des corps sous l´emprise d´Hypnos, qu´il est possible d´interpréter, dans le contexte humaniste, comme des expressions métaphoriques de l´inspiration et de la création artistique. Cette intention persiste-telle dans l´art moderne ? Quel sens revêt le Sommeil au XVIIème, XVIIIème ou encore au XIXème siècle ? Sa représentation agit-t-elle toujours comme une révélation de l´invention créatrice du peintre ?
Regards sur le sommeil. Titre inattendu, si regarder c'est ouvrir les yeux tandis que le sommeil les clôt. Ce paradoxe a priori intègre l'idée d'une double vision, celle, intérieure, du dormeur, et celle, extérieure, de l'observateur. Le principe de regards pluriels guide l'écriture de cet ouvrage : seize regards d'artistes sur le sommeil et sa représentation, de la Renaissance à nos jours, sont analysés dans une perspective contemporaine par deux historiennes de l'art qui détaillent les interrogations soulevées par les oeuvres. Leurs correspondances et leurs résonances étonnent et incitent à renouveler une réflexion qui se nourrit de connaissances transversales : historiques, sociales, physiologiques voire psychanalytiques.
Tomber en syncope, telle est l'invitation de l'ouvrage Vertige de l'art. Syncopes et extases (XVIe-XXIe siècles). Ces états de vacatio propices à la création artistique à la Renaissance perdurent et entraînent les auteures à mettre en regard des oeuvres modernes et contemporaines. Une syncope insaisissable et cependant présente dans le domaine scientifique, la littérature, la philosophie et la musique. Le concept de syncope-extase permet de déconstruire les perceptions de faiblesse ou de non-action apparentes et d'affirmer une échappée paradoxale, un contre-pouvoir.Hiatus, faille ou encore disjonction que l'artiste des différentes époques de l'art provoque et dont il s'agit d'interpréter la portée sociale et anthropologique. L'ouvrage donne ainsi à voir ou à éprouver ce moment syncopal, un hors-temps de l'histoire.
La présente publication s'attache à saisir la diversité de la syncope dans les arts contemporains. Elle assemble des écrits, en langue française et anglaise, de théoriciens et d'artistes venant rythmer et élargir la réflexion lancée lors de la journée d'études, La Syncope, expériences du ravissement qui s'est tenue à l'Université d'Amiens le 17 mars 2016. Cette dernière était associée à une exposition éponyme au fracpicardie composée également d'oeuvres de la fondation Francès de Senlis.
Outre l'équivalence de son et de sens en français et en anglais, la syncope, du grec sún « avec » et de koptô « je coupe », contient une tension antithétique qui a retenu notre attention. Ses trois expressions, physiologique, linguistique et rythmique se superposent et se mêlent parfois au sein d'une même oeuvre. Nous avons pensé l'articulation de la publication comme une confrontation entre expériences et allégories de la syncope.
Déplacée en dehors du simple acte de sa représentation vers d'autres enjeux esthétiques et politiques, la syncope devient méthode qui interroge le hors-soi, hors-lieu, hors-temps. Echappées et volte-face qu'il est possible d'interpréter en termes de dé-production et d'utopie, de basculement vers une syncopolitique.
Dormir est un besoin essentiel auquel l'homme se soumet en partageant le temps vécu entre éveils et endormissements. S'endormir conduit ainsi la vigilance à sa suspension, guide le repos du corps et concède à la conscience des pertes. Dormir est alors le moment où l'inactivité physique s'exprime. Le sommeil semble s'opposer à la vivacité des façons de l'art. Cependant, ses représentations soulignent une métaphore de la création artistique forgée depuis la vacatio de Marcile Ficin, issue de la pensée néoplatonicienne de la Renaissance. L'esprit se libère de ses affairements journaliers pour un état susceptible de recevoir l'inspiration, l'imagination ou l'énergie nécessaires aux gestes de la création artistique. Le sommeil fait osciller les paupières mais concerte-il des attitudes opposées ? Peut-il être dynamique et créateur ? Comment dès lors faire façons d'endormis ? La journée d'étude Façons d'Endormis , articulée avec deux expositions, a exploré les différentes formes que revêt la représentation des sommeils dans l'art contemporain. Avec les contributions de Sabine Cazenave, Véronique Dalmasso, John Didier, Stéphanie Jamet Chavigny, Jean-François Robic, Géraldine Sfez, Stéphanie Smalbeen, Stéphane Vérité et Caroline Zéau.