Généralement considéré comme un auteur des grands espaces et de la vie sauvage - que les Américains appellent le Wild - Jack London est aussi un écrivain engagé personnellement dans les combats sociaux et politiques de son temps. Ce texte est celui d'une conférence donnée par l'auteur de L'appel de la forêt à Harvard, directement inspirée par la première révolution russe, ce qui fera dire à Leon Trotsky, trente ans plus tard, dans une lettre à la fille aînée de London que ce dernier « a su traduire en vrai créateur l'impulsion donnée par la première révolution russe [et] aussi repenser dans son entier le destin de la société capitaliste à la lumière de cette révolution ». Cette prise de conscience remonte chez London à sa propre expérience ouvrière, qui lui a permis de côtoyer de près les exclus de la croissance et trouvera à s'exprimer magistralement dans sa magistrale dystopie, Le Talon de fer, dans laquelle il décrit une révolution socialiste aux États-Unis, réprimée pendant trois siècles par une dictature capitaliste ayant atteint son paroxysme. Véritable brûlot, Révolution va bien au-delà des appels à l'indignation, que Dario Fo définit avec truculence comme « l'arme suprême du couillon », pour annoncer une insurrection, un soulèvement populaire inéluctable. La violence de certains de ses propos répond elle-même à la violence de la misère qui frappe ceux dont le travail est surexploité pour générer des profits qui ne bénéficient qu'à une oligarchie dont il fustige le cynisme. La résonance de ce texte avec la crise que nous connaissons ne laisse pas de frapper. On peut le lire comme un cri de ralliement ou une implacable et sinistre répétition de l'histoire et de ses errements.
En avril 1842, Ralph Waldo Emerson avait demandé à son jeune ami Henry David Thoreau de rendre compte des Rapports d'observations scientifiques qu'il avait consultés à Boston. Ce dernier rédigea alors « The Natural History of Massachusetts », premier de ces textes en prose de cette veine qui caractérise l'auteur de Walden. Mais en partant de ces ouvrages sur la flore et la faune du Massachusetts dont il était censé faire la recension, Thoreau va aller plus loin pour se livrer à une réflexion intuitive, poétique et panthéiste sur la science. Ainsi, comparant le naturaliste suédois Linné à Napoléon, Thoreau voyait le scientifique accompli comme celui qui aa su retrouver ses instincts : « L'homme le plus scientifique sera le plus sain et le plus chaleureux, et détiendra une sagesse indienne parfaite ». Dans ce véritable plaidoyer pro domo, qui sonne comme une profession de foi appréhendant « la beauté sauvage de l'ensemble du paysage », Thoreau exposait rien moins que la méthode avec laquelle il entend approcher et explorer la Nature, démarche instinctive qui devait lui permettre d'accéder aux « Lois supérieures » qui la régissent. Ainsi, l'histoire naturelle est avant tout, pour lui, un instrument de réforme morale et spirituelle, en proposant à son lecteur, qu'il soit son contemporain ou le nôtre, de trouver dans cette porosité aux éléments naturels un remède à l'influence corruptrice de la société. Il faut lire ce texte méconnu qui contient en germe toute son oeuvre à venir, comme un petit traité de contemplation et d'émancipation.