Publié en Espagne en 2004, Cecilia est une parenthèse heureuse dans l'oeuvre sombre et visionnaire d'Antonio Gamoneda : une sorte d'art d'être grand-père qui nous vaut trente poèmes d'une clarté et d'une transparence qui n'excluent ni le mystère ni l'angoisse. Chant à la vie à travers le sentiment aigu de sa perte, chant d'amour à ce qui nous abandonne irrémédiablement, ce livre - traduit par Jacques Ancet et publié en édition bilingue -, est le parfait contrepoint au désespoir éblouissant de Clarté sans repos qui paraît simultanément aux Éditions Arfuyen.
Dis-moi, que vois-tu dans l'armoire horrible et dans la vaisselle des pleurs : c'est quoi ? Quand tu contemples la mélancolie dans les pharmacies et que, sur les murs, les accusations déjà sont écrites, qui es-tu à la fin, pourquoi te taire ? Face aux animaux et face au silence, plonge tes mains dans l'eau, tes mains griffées d'aubépines. Ne pleure pas ; dis-moi quels sont ces noms qui vivent dans ton coeur.
Chaque poème a quelque chose de l'éclair.
Je ne dirais pas que le poème " est " un éclair, mais qu'il y a en lui un éclair. Tel est le point de départ, il implique une exigence, mais il est très difficile d'être fidèle à un éclair, de faire en sorte que le poème s'organise, croisse comme un organisme autour de cet éclair, cette petite illumination initiale. Très difficile qu'ensuite ne vienne pas s'y ajouter tout ce qui relève du caprice, de la virtuosité de celui qui connaît le langage.
Non : il faut que les choses naissent comme naît un organisme, comme elles naissent dans un organisme ; que chaque cellule en laisse passer une autre, que chaque mot, chaque silence soient à l'origine d'un autre mot, d'un autre silence, qu'ils engendrent ce cycle, cette unité qu'est aussi un poème. R. J.