« Au dehors, sous la pluie, une bande de jeunes gens se rendait je ne sais où, riant du brouillard, de la vie et de la mort, de toutes leurs féroces dents de jeunes insulaires ; ils trouvèrent plaisant, sous les fenêtres du fameux juge sir James Claris, de donner une aubade.
Ils lui sonnèrent le réveil matinal par la ballade du pendu :
His blackened corpse swings in the air ! »
Il n'y avait que les téméraires, les sympathisants d'une autre vie qui osaient venir rue Félix-Faure. Il était difficile de distinguer un homme d'une femme, un vieux d'un jeune, tant les costumes donnaient à chacun une autre allure, un autre air, une autre attitude. Ils étaient comme invités à un bal.
Un bal où Dieu les aurait conviés, et vice versa. Ils marchaient doucement, s'arrêtaient, se miraient entre eux, s'appréciaient, s'embrassaient, s'aimaient.
Le Promeneur d'Alep est le récit d'un homme, l'auteur, qui a choisi de rester dans sa ville alors même que les diverses factions en armes se déchirent Alep, quartier par quartier. Depuis son appartement, il regarde les morts traverser précautionneusement les rues, il vole quelques instants au-dessus des barrages et des soldats avant de regagner sa chambre pour y écrire, à la lueur d'une bougie, sur les jardins d'enfants mués en cimetières. Niroz Malik est, dans l'enfer de cette guerre dite civile, le chroniqueur poète des innocents martyrisés.
« Assis à ma table j'ai entendu le bruit des balles provenant du barrage proche. Puis tous les barrages du quartier se sont mis à tirer. J'ai lâché, ce que j'avais en main - un stylo, car j'écrivais. Je me suis précipité vers le couloir pour me mettre à l'abri. J'ai entendu le bruit des roquettes et d'autres armes, des balles et des projectiles qu'on lançait vers le ciel comme pour chasser les étoiles de leur page noire.
J'ai commencé à perdre espoir de voir la fin des tirs.
Je me suis servi un verre d'eau et j'ai bu une gorgée ».
Issu de la communauté yézidie, Niroz Malek est syrien, de parents kurdes. Il vit à Alep qu'il n'a jamais quittée.