L'essor de la Chine ne date pas d'hier. Les inquiétudes qu'il soulève non plus, surtout dans le camp occidental.
Mais l'histoire s'accélère depuis une dizaine d'années.
Aujourd'hui, les États-Unis n'hésitent plus à faire de la Chine leur principal adversaire stratégique.
Ailleurs, et en particulier dans les pays du Sud, les réactions sont plus contrastées. En effet, la Chine a beau être devenue une puissance capitaliste de premier plan, elle joue selon des règles qui diffèrent de celles que suivent les Occidentaux. Pour le meilleur...
Comme pour le pire.
Analyser l'essor international de la Chine sous le seul angle de la « menace » se révèle donc doublement trompeur.
D'abord, parce que celle-ci porte sur un ordre mondial dont les bénéfices historiques sont loin d'avoir été équitablement répartis.
Ensuite parce que ce faisant, on sous-estime la pluralité des intérêts et des contradictions qui existe entre la Chine et les autres régions du monde, mais aussi au sein même de la société chinoise.
Une nouvelle et terrible « révolution verte » gagne le monde, l'agrobusiness.
Dopée par une demande alimentaire croissante, elle gagne du terrain au Sud et dévaste tout sur son passage.
Son modèle commercial et productiviste colonise de nouveaux territoires, du bassin amazonien aux confins de la Papouasie-Occidentale en passant par le continent africain, l'« ultime frontière ».
Avec l'appui de gouvernements, d'institutions inter na tio nales, d'agences de coopération et d'une poignée de fondations philanthropiques, ce nouveau mode de production et de commercialisation agricole s'impose peu à peu sur la planète.
Pointées du doigt pour leur responsabilité dans la crise alimentaire de 2008 et dans le mouvement d'ac- caparement des terres qui a suivi, les grandes firmes de ce secteur ont renouvelé leur discours et remodelé leurs stratégies. Comble ! Elles se veulent désormais actrices « incontournables » de la lutte contre la faim.
Épousant le langage onusien de la sécurité alimen- taire et nutritionnelle, elles se positionnent comme les garantes d'une transition durable et inclusive, axée sur la modernisation des agricultures familiales.
Séduits par leurs promesses financières et techno- logiques, les pays en développement leur déroulent le tapis rouge et scellent avec elles des alliances décisives.
Tandis que les organisations paysannes dénoncent l'imposture, les recettes proposées, prétendument « ga- gnant-gagnant » risquent d'aggraver le morcellement des communautés rurales, d'accentuer la dépendance des petits producteurs et d'accélérer le processus de privatisation des ressources au profit des acteurs do- minants.
Fort de la contribution de plusieurs spécialistes de différents pays du Sud, l'ouvrage offre toutes les don- nées factuelles et éclaircit les enjeux actuels et futurs de cette folie agricole et écologique.
TTIP, CETA, NAFTA, TPP, RCEP... Autant de sigles qui soulèvent une opposition grandissante, y compris depuis peu en Europe.
Ce rejet vise ce que l'Union européenne met en place, depuis des années, dans le Sud.
Au vu des limites et de l'impasse des négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), les accords de libre-échange se sont, en effet, multipliés. Ils permettent de faire progressser le libé- ralisme en contournant les oppositions, en divisant les blocs régionaux et en accentuant les rapports de force inégalitaires.
Cette multiplication s'est doublée d'une reconfi- guration : sont ainsi apparus les méga-accords, qui couvrent une surface géographique plus étendue et un champ qui va bien au-delà de celui de l'économie.
Ces accords soulèvent nombre de questionne- ments. Les tribunaux privés d'arbitrage constituent ainsi la partie la plus évidemment contestable d'un montage politico-économique. Ils sont les lieux et les instruments d'une néolibéralisation du monde.
C'est à la fois le processus même de ces ac- cords - négociés dans le secret, sous la forte pres- sion combinée d'États et de lobbies privés -, leurs impacts - l'accès aux ressources naturelles, aux ser- vices sociaux de base, aux médicaments et aux se- mences - et leur logique - la subordination de l'es- pace public et de la souveraineté politique -, qui sont contestés.
Certains acteurs sociaux - les paysans, les indi- gènes, les femmes et les travailleurs en général -, frap- pés de plein fouet, sont aussi celles et ceux qui portent la résistance et l'espoir d'une alternative.
Cinquante ans d'hégémonie de l'idéologie de la croissance en matière de développement ont abouti sur des échecs sociaux et des impasses environnementales manifestes. Portée d'abord par les rhétoriques nationalistes conférant un rôle majeur aux Etats et aux territoires nationaux, puis par les rhétoriques globalistes visant l'intégration à l'espace « sans frontières » du marché mondial, la « modernisation » du Sud n'a pas tenu ses promesses. Si elle s'appuie ces quinze dernières années sur une revalorisation de la dimension locale, parallèle à l'affaiblissement des Etats, c'est pour y promouvoir les normes d'une « bonne gouvernance », fonctionnelle à la marchandisation et aux intérêts des acteurs globaux.
Dans la réalité concrète de la vie quotidienne, les dynamiques locales de développement prennent des formes multiples, complexes et contradictoires. Le global n'homogénéise pas tous les espaces, il s'ajoute à l'imbrication des échelles spatiales héritées du passé. L'approche des stratégies adaptatives des acteurs populaires ruraux et urbains, en rupture avec l'image des « victimes passives » du mal-développement, invite à redécouvrir les rapports entre satisfaction des besoins vitaux et production du territoire, de l'identité et du lien social. Au-delà, elle s'interroge sur les dimensions d'une « reterritorialisation » des conditions du développement des peuples et de leur bien-être.
L'imbrication des crises et des guerres, les faux-semblants du développement et la poussée des inégalités témoignent de l'illusion d'une société démocratique fondée sur les artifices d'une croissance « inclusive » et du « libre » échange.
Des résistances et des critiques mettent à nu et dénoncent - plus que jamais - un modèle inique et insoutenable.
Ce faisant, elles se nourrissent, en creux, d'une soif utopique et d'une volonté de construire un autre monde de possibles.
Au Sud, de nombreuses pistes pour un changement de paradigme ont émergé ces dernières années.
Elles se cristallisent autour de concepts clés comme le buen vivir - c'est-à-dire, pour paraphraser le programme du Conseil national de la résistance, les « jours heureux » -, l'économie solidaire, le féminisme décolonial ou les biens communs (l'eau, les ressouces naturelles, etc.).
Que recouvrent ces conceptions ?
Comment se conjuguent-elles et se déclinent-elles selon les lieux et les acteurs ?
Au-delà des spécificités, des lignes communes se dessinent.
Les luttes sont appréhendées de manière plurielle, en fonction de leur nécessaire interconnexion, et non plus à partir de l'alignement sur la classe révolutionnaire.
La transformation est pensée de pair avec la transition, pour ne pas reporter les changements et pour souligner le potentiel créatif de pratiques actuelles.
La recherche d'une harmonie - entre les personnes, avec la nature - est aux premières loges.
'imbrication des crises et des guerres, les faux-semblants du développement et la poussée des inégalités témoignent de l'illusion d'une société démocratique fondée sur les artifices d'une croissance « inclusive » et du « libre » échange.
Des résistances et des critiques mettent à nu et dénoncent - plus que jamais - un modèle inique et insoutenable.
Ce faisant, elles se nourrissent, en creux, d'une soif utopique et d'une volonté de construire un autre monde de possibles.
Au Sud, de nombreuses pistes pour un changement de paradigme ont émergé ces dernières années.
Elles se cristallisent autour de concepts clés comme le buen vivir - c'est-à-dire, pour paraphraser le programme du Conseil national de la résistance, les « jours heureux » -, l'économie solidaire, le féminisme décolonial ou les biens communs (l'eau, les ressouces naturelles, etc.).
Que recouvrent ces conceptions ?
Comment se conjuguent-elles et se déclinent-elles selon les lieux et les acteurs ?
Au-delà des spécificités, des lignes communes se dessinent.
Les luttes sont appréhendées de manière plurielle, en fonction de leur nécessaire interconnexion, et non plus à partir de l'alignement sur la classe révolutionnaire.
La transformation est pensée de pair avec la transition, pour ne pas reporter les changements et pour souligner le potentiel créatif de pratiques actuelles.
La recherche d'une harmonie - entre les personnes, avec la nature - est aux premières loges.