« Nous avons dit aux puissants "Nous voici" et à notre pays et au monde nous avons crié "Nous voici"... et pour être vus, nous avons caché nos visages, et pour être nommés, nous avons nié notre nom. » Le 1er janvier 1994, un claquement de fusils a retenti dans les montagnes du Chiapas pour annoncer une tempête et une prophétie. De Zapata à Porto Alegre, de Che Guevara à Pancho Villa, de Santiago du Chili à Caracas, la révolte ouvre la voie à l'émancipation. Une longue histoire qui enchante nos mémoires.
Toujours rebelle, l'Amérique latine ?
L'analyse pays par pays donne des clés pour ré- pondre à cette question.
Pour comprendre aussi, avec une distance critique, les ressorts de la contestation, les logiques des mobili- sations, le renouvellement des revendications.
Leurs formes oscillent entre singularités nationales et tendances continentales.
La couleur des pouvoirs - conservateurs ou pro- gressistes - et l'orientation des politiques - libérales ou souverainistes - surdéterminent le ton des mou- vements sociaux.
Face à la poussée « extractiviste » qui a boosté les économies nationales, de droite comme de gauche, en période d'enchérissement des matières premières, la protestation ne s'est pas unifiée.
Elle s'est manifestée tantôt pour la redistribution des gains, contre la pauvreté et les écarts sociaux ; tan- tôt pour le buen vivir (vivre bien) et le respect de l'en- vironnement, contre l'accaparement des territoires et des ressources.
L'enjeu qui s'impose est de surmonter les princi- paux facteurs de division des « gauches sociales » lati- no-américaines, sur fond de crise du « socialisme du 21 e siècle » et de retour des oligarchies à la tête de plusieurs États. Luttes contre l'ordre établi, mises en cause syndicales du néolibéralisme, voire du capita- lisme, résistances indigènes au saccage des forêts, ex- pressions citoyennes antiracistes, alternatives pratiques au modèle de développement dominant, affirmations féministes, dynamiques sociales et politiques émanci- patrices, actions en faveur de la démocratisation des institutions et des sociétés...
L'agitation rebelle n'a pas fini de hanter le conti- nent des inégalités extrêmes.