Quelque 500?000 personnes - dont de plus en plus de femmes et d'enfants - tenteraient d'atteindre les États-Unis chaque année. Pour pouvoir de là-bas, aider financièrement leur famille restée au pays. Les sommes envoyées représenteraient un huitième à un quart du PIB de leur contrée d'origine.
Le phénomène, en croissance depuis les conflits politico-militaires qui ont déchiré l'isthme et les «ajustements» néolibéraux qui ont suivi, dévoile d'abord le bilan d'un modèle de développement inique.
Guatemala, Honduras, Nicaragua, Salvador... Autant d'États de non-droit où la concentration des pouvoirs le dispute à la corruption et à l'impunité. L'exportation dérégulée de matières premières et la sous-traitance dans les zones franches restent la colonne vertébrale de ces économies.
L'insécurité alimentaire, la précarité sociale et la vulnérabilité climatique qui en résultent sont à l'origine de l'envie de fuir. La violence sans frein des gangs - l'ONU qualifie l'Amérique centrale de «région la plus dangereuse au monde» - précipite cet exode. Et ce alors que, sur les routes de l'exil, les écueils se multiplient au gré des politiques migratoires des pays à franchir ou à atteindre.
Les États-Unis accueillent les migrant·es au compte-gouttes, expulsent ou refoulent à tour de bras. Et externalisent leur frontière en contraignant le Mexique et l'Amérique centrale à fermer les leurs. À rebours des droits des migrant·es et sans égard pour l'indispensable démocratisation des sociétés centro-américaines.
Dans l'imaginaire collectif, les violences de genre - au même titre que la pauvreté - sont souvent considérées avec fatalisme. Phénomène social banalisé, elles renvoient à l'ordre « naturel » des choses, réduites au seul fait d'«hommes violents». De la sorte, on oublie l'essentiel. Féminicides, viols, harcèlements ne résultent pas seulement de comportements isolés ou «déviants», ils témoignent de ressorts patriarcaux profonds et indiquent une même représentation de l'infériorité des femmes.
Ces agissements s'inscrivent dans un continuum de violences qui se déploie à toutes les étapes de la vie, dans les espaces privés ou publics et sous de multiples formes - physiques, symboliques, institutionnelles... -, afin de conforter l'emprise masculine.
La violence patriarcale a ses propres spécificités, mais pour l'aborder dans sa complexité, elle doit être articulée à d'autres structures de domination telles que le mode de production capitaliste - particulièrement abusif pour les femmes - et la matrice coloniale, qui exerce des effets concrets et durables sur les territoires et les corps - principalement ceux des travailleuses pauvres racisées.
Dans un climat délétère pour les droits des femmes - crise sanitaire et économique, campagnes antigenre, offensives réactionnaires -, un renouveau féministe s'est affirmé ces dernières années, à partir de l'Amérique latine, autour de l'enjeu central de la violence. Et s'est amplifié, en Asie et en Afrique, par son articulation avec d'autres luttes sociales et politiques.
La crise du covid a mis en lumière les profondes inégalités mondiales en la matière. Et si l'on suit l'OMS en définissant la santé non pas uniquement comme l'absence de maladie, mais comme un état de complet bien-être physique, mental et social, alors les fractures entre pays, mais aussi entre classes, genres et identités ethnoraciales apparaissent encore plus abyssales.
Au-delà de l'accès à la santé, c'est aussi dans sa production même que s'observent les déséquilibres et les relations de pouvoir entre et au sein des pays. La lutte autour des brevets, par exemple, montre à quel point les savoirs médicaux sont encore trop souvent produits et appropriés par une poignée de sociétés privées du Nord pour répondre aux besoins de santé...
Du Nord.
Face à ces injustices, les appels à une « décolonisation de la santé mondiale » se multiplient, non sans soulever leur propre lot de débats et de luttes de pouvoir.
Reste un enjeu fondamental : comment élaborer d'authentiques « politiques publiques sanitaires mondiales » permettant de réduire les inégalités, de démocratiser les savoirs et de sortir la santé des logiques marchandes dans lesquelles elle est enfermée aujourd'hui.
Les méfaits de la gestion néolibérale de la question du 4e âge, viennent d'être mis sous les feux des projecteurs avec la parution du livre de Victor Castanet, Les fossoyeurs.
L'ampleur du désastre écologique, chiffrée à l'envi, sidère. Scientifiques et acteurs de la société civile auront mis cinquante ans à agiter les consciences, avant que l'évidence s'impose.
Ses causes sont connues, enfin admises. Ou presque.
Principaux responsables du gâchis environnemental, le productivisme et le consumérisme des grands producteurs et des gros consommateurs. Un mode d'exploitation séculaire de la nature, irresponsable, sans limites, mû par l'appât du gain et la logique de l'accumulation.
Et dont les effets délétères s'accélèrent et réactualisent la sentence de Victor Hugo - « c'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches » -, la vulnérabilité des premiers étant sans commune mesure avec celle des seconds.
Les pollueurs majeurs tardent à passer à la caisse, tandis que les secteurs populaires et les pays non industrialisés en font les frais.
Comment les États du Sud, « émergents » ou « moins avancés », se positionnent-ils dans les négociations climatiques internationales ?
Quelles politiques mener en vertu du principe des « responsabilités communes mais différenciées » ? Green Deal velléitaire ou System Change assumé ?
Les concepts d'éco-impérialisme, de justice verte, d'écologie décoloniale convoqués par les mouvements qui, en Afrique, en Amérique latine et en Asie, à rebours des opinions publiques, se mobilisent sur des enjeux environnementaux, apportent des réponses.
Au carrefour des luttes sociales, des combats indigènes, du féminisme et des luttes multiples des peuples du Sud, la question écologique est devenue un prisme indispensable pour qui veut comprendre l'avenir et les possibles de l'humanité.
Affirmons-le d'emblée, le genre n'est pas un concept éthéré, délié des contextes de son émergence ou de son importation.
Il est ouvertement politique, pour le meilleur et quelques fois pour le pire. Conçu comme un outil d'analyse critique, il a dénaturalisé et révélé le ca- ractère socialement construit de l'ordre traditionnel des sexes, ouvrant de nouvelles voies aux luttes des femmes.
Le succès de la notion a néanmoins un prix, celui de sa reprise par des acteurs dominants, dont beau- coup l'ont réduite à un outil technocratique de ges- tion et plus encore, de contrôle social et de pouvoir.
Le recours aux droits des femmes, devenu emblème de la modernité démocratique, a ainsi servi de caution morale à l'entreprise coloniale, aux guerres « humani- taires » et au racisme institutionnel.
Il est un des discours légitimateurs de la mondiali- sation néolibérale. Les usages « impérialistes » du genre, tout comme son instrumentalisation pour masquer d'autres enjeux, ou encore sa politisation réactionnaire témoignent de l'ambiguïté de l'expression.
Tantôt au service d'un « communautarisme majo- ritaire », tantôt d'une élite soucieuse de ses intérêts et privilèges.
Pour inverser la tendance et rendre au genre sa force politique originale, des espaces de mobilisation se réinventent. L'« intersectionnalité » des luttes, en cherchant à aborder de manière égalitaire et imbri- quée, critique et dynamique, les rapports sociaux de classe, de race et de sexe, offre de nouvelles perspec- tives et rend possible de nouvelles alliances.
« Fait social total », le marché touristique interna- tional s'apparente aussi à un rapport de domination.
Il met en présence - asymétrique - opérateurs, visiteurs et visités. Les premiers se concurrencent ou se conglomèrent, les deuxièmes s'imitent ou se dis- tinguent, les derniers se précipitent ou se retirent.
Si la croissance continue du secteur repose sur sa massification et sa diversification, le droit à la mobi- lité récréative - 1,4 milliard de séjours à l'étranger en 2018 - reste un privilège, dont la démocratisation réelle déborderait les capacités d'absorption écolo- gique du globe.
Pour l'heure, moins d'un humain sur quinze est en position politique, culturelle et économique de visiter les quatorze restants.
Migrations d'agrément et de désagrément se croisent aux frontières, béantes pour les uns, grillagées pour les autres, des régions émettrices et réceptrices.
La mise en tourisme d'une destination induit des recompositions socio-économiques, culturelles et ter- ritoriales.
Participent-elles d'une amélioration ou d'une dé- gradation des conditions de vie des populations lo- cales ?
Le bilan est problématique : les coûts et bénéfices engendrés par les flux de vacanciers se répartissent injustement. Et tendent à creuser les écarts.
L'Organisation mondiale du tourisme et quan- tité d'acteurs conscients des dégâts plaident pour l'adoption de pratiques éthiques et durables. Laissant indemnes toutefois les mécanismes mêmes de l'intru- sion : dérégulation, libéralisation et marchandisation des lieux et des comportements, au service de la « tou- ristification » du monde.
Cet ouvrage propose une critique transversale de la domination touristique (tourisme de masse, éco- tourisme, tourisme solidaire, tourisme et droits des femmes...), ainsi que des focus régionaux (Inde, Maroc, Népal , Mexique, Indonésie, Haïti...) par des analystes du Sud (économistes, sociologues, anthropologues, « touristologues » d'Asie, d'Afrique et d'Amérique la- tine).
Aujourd'hui, le «numérique» est partout.
Du transport à l'alimentation en passant par la santé ou le logement, difficile de trouver une sphère d'activité qui échappe encore à son emprise. Du moins dans les pays du Nord.
Au Sud, les progrès de la numérisation restent plus inégaux. Ils n'en posent pas moins question.
D'abord, parce que les technologies numériques reposent sur une exploitation massive des ressources de la nature - ce qu'on appelle l'«extractivisme» - et une fuite en avant écologique dont le Sud est la première victime à l'échelle mondiale.
Ensuite, parce que leur déploiement profite avant tout à une poignée de multinationales qui concentrent un pouvoir inédit grâce à l'exploitation de quantités toujours croissantes de «?données?».
Enfin, parce que la gouvernance et l'infrastructure globales du numérique sont aujourd'hui dominées par le Nord et le secteur privé, avec à la clé de nouvelles formes de dépendance et d'exploitation. Mais les résistances s'organisent.
Des États cherchent à promouvoir leur «industrialisation numérique» ou plus largement leur «souveraineté technologique».
En parallèle, des mouvements sociaux défendent un usage démocratique, écologique et émancipateur du numérique, face aux instrumentalisations du capitalisme de plateforme, mais aussi de la surveillance étatique.
Les femmes du tiers-monde revendiquent un agenda socio-politique spécifique qui soit sensible aux spécificités de leur contexte social, économique, culturel et historique.
Les femmes luttent pour arracher de nouveaux droits individuels et collectifs, et pour mettre fin à des situations de violence et de discrimination.
Les femmes du Sud, avec leur grande variété de formes et types de contestation, sont des actrices à part entière du changement social.
Le féminisme comme système d'action et de réflexion non seulement pour l'égalité entre femmes et hommes, pour l'élargissement des droits et pour mettre en question tous les systèmes sociaux producteurs de subordination des femmes.
Transformer ses matières premières plutôt que les exporter à des prix vils ou instables. Longtemps consi- dérée comme la « voie royale du développement », l'in- dustrialisation est aujourd'hui un enjeu marginal au sein des discours internationaux sur le développement.
Révolution néolibérale, lutte contre la pauvreté et urgence écologique sont passées par là. Autrefois clé du « nouvel ordre économique international » défendu par les forces se réclamant du « tiers-monde », elle a pris le rôle de « mère de tous les maux » - pollutions, exploitation des travailleurs et des travailleuses, expro- priations... - dans le plaidoyer d'une certaine société civile post-industrielle.
Il existe, dans ce domaine comme dans tant d'autres, un déphasage Nord-Sud indéniable : davantage que ses effets négatifs potentiels, ce sont les ingrédients du décollage industriel qui sont au centre des préoccupa- tions des élites intellectuelles et politiques dans beau- coup de pays pauvres et émergents.
En la matière, bonne gouvernance et libéralisation ne font plus recette, l'exemple est-asiatique démon- trant le rôle décisif des politiques industrielles et des marges de manoeuvre nationales.
Si l'essor de la Chine fascine, il est aussi à l'origine du mouvement inquiétant de « désindustrialisation précoce » qui touche les économies latino-américaines et africaines. L'inversion de cette tendance est possible et ne dépend pas de la seule faculté des États à attirer les investisseurs étrangers en misant sur le moins-di- sant social, environnemental ou fiscal.
Le racisme a la peau dure mais il sait se faire élastique. Il résiste à sa condamnation en sacralisant le clivage entre « eux » et « nous » sur base d'attributs non plus uniquement physiques, mais culturels.
La mondialisation, tout en diluant les particularismes dans le moule de la modernité, alimente les résurgences identitaires et renforce l'hétérogénéité culturelle des groupes sociaux sur fond de flux migratoires et d'accroissement de la mobilité. Comment articuler égalité et différence dans une perspective citoyenne et démocratique ? La question se pose dans les sociétés « accueillant » des populations immigrées, comme dans celles qui abritent des minorités ethniques et nationales. Des modèles « intégrateurs » aux variantes multiples ont vu le jour au Nord comme au Sud. Quels sont les enjeux de ces politiques ? Reconnaître la diversité dans la perspective d'un projet national commun ? Certaines expériences génèrent des liens collectifs nouveaux, certes conflictuels, imparfaits et inachevés, d'autres aboutissent au rejet parfois violent de pans entiers de la population.
Si le racisme plonge ses racines dans les inquiétudes culturelles et les peurs identitaires, il a aussi partie liée avec l'exploitation économique et sociale. Discriminations et inégalités se confondent-elles pour autant ? Tantôt le combat pour le respect de la diversité et la lutte contre les dominations sociales vont de pair, tantôt ils s'ignorent, voire s'opposent, dans les principes, comme dans la pratique.
Un quart de siècle après l'appel de l'Organisation mondiale de la santé visant à garantir " la santé pour tous " en l'an 2000, le bilan est contrasté.
Si d'importants progrès scientifiques ont été réalisés, une large part de la population humaine n'en bénéficie pas. Pire, ses conditions de vie et son état sanitaire se sont détériorés. Les inégalités devant la maladie et la mort n'ont fait que croître. L'accès aux médicaments et au traitement des maladies infectieuses notamment - tuberculose, sida, choléra, paludisme, etc. - reste problématique dans de nombreuses régions du monde.
En cause, le modèle de développement dominant qui contraint les États à réduire ou à privatiser les services sanitaires et fait la part belle à une industrie pharmaceutique prioritairement orientée vers les marchés rentables, jusqu'à y créer de nouveaux besoins... Le processus est toutefois réversible. En témoigne le sursaut provoqué dans l'opinion par l'opposition des laboratoires - au nom de la " propriété intellectuelle " - à la distribution de médicaments génériques antisida en Afrique.
Les pressions des mouvements populaires, des ONG et de certains États ont finalement eu gain de cause. Partiellement. L'idée selon laquelle l'accès aux soins de santé devrait être considéré comme une obligation publique à l'échelle de la planète reste à promouvoir.
- La pauvreté baisse dans le monde mais de fortes inégalités persistent entre territoires.
- La concentration extrême des richesses « menace de priver des centaines de millions de personnes des fruits de leur talent et de leur travail ».
Les néolibéraux répètent, qu'une « marée montante soulève tous les bateaux, mais c'est davantage aux yachts qu'aux barques de pêche qu'ils destinaient la montée des flots », rappelle Serge Halimi, le directeur du Monde diplomatique.
- La face cachée des grands événements sportifs par leurs grands perdants - Coupes du monde, Jeux olympiques : quels coûts sociaux et humains dans les pays du Sud ?
- Les coulisses des grands spectacles planétaires Aux antipodes des valeurs de l'olympisme, le sport est devenu un grand marché et une industrie extrêmement lucrative à l'échelle de la planète :
3 % du commerce mondial, 650 milliards d'euros de chiffre d'affaire, 4 à 5 % de croissance annuelle.
Produit, reflet, voire accélérateur de la mondialisation, le sport-business lui imprime ses logiques marchandes, ses dynamiques clivantes et ses dérives mafieuses : financiarisation à outrance, privatisation et capitulation des pouvoirs publics, affairisme, corruption, concentration des revenus dans les mains d'un nombre limité d'opérateurs, distribution inégale des recettes et des performances sportives qui recoupe les écarts économiques existants, etc.
Forts d'une extraordinaire couverture médiatique, les méga-événements sportifs apparaissent comme le « stade suprême » de cette compétition inégale.
Spectacles globaux par excellence, ils constituent un rite de passage pour les économies émergentes et participent à leur stratégie de valorisation internationale.
Revers de la médaille ?
Expulsions et destruction de quartiers défavorisés, reconfiguration des espaces urbains au profit du secteur privé, mise en place de « juridictions d'exception », délimitation de zones d'exclusion commerciale, explosion des dépenses publiques pour satisfaire les exigences des fédérations.
La dernière coupe du monde au Brésil a montré de façon spectaculaire la violence extrême pour les habitants des quartiers populaires qu'entraîne l'organisation de tels événements. Une fois le rideau tombé, les pays hôtes doivent souvent déchanter.
Çà et là, des mouvements sociaux s'organisent pour dénoncer les coûts sociaux et humains de ce détournement de l'esprit du sport et de ses supposées fonctions d'intégration, pour dénoncer l'instrumentalisation du sport par les classes dominantes des pays du Sud et leurs alliés.