Pour Canguilhem, « l'entrelacement de l'idéologie et de la science doit empêcher de réduire l'histoire d'une science à la platitude d'un historique, c'est-à-dire d'un tableau sans ombres de relief ». Le vivant, en tant qu'objet de la biologie, est lui-même le produit d'une histoire. Or, qui s'intéresse à l'histoire de la biologie par intérêt philosophique ne peut manquer d'être frappé par la permanence d'une tendance à l'anticipation du savoir à venir - une anticipation qu'il faut bien qualifier de présomptueuse, et qui peut se révéler précipitation vers l'impasse. Peut-on tenir pour « idéologie » ce dépassement-déplacement de l'objet scientifique? Dans l'histoire des sciences de la vie, la tentation permanente de l'idéologie est-elle ou non le symptôme d'une aliénation, comparable à celle que les marxistes s'efforcent de dénoncer dans l'ordre de l'économie politique et de la sociologie?
Longtemps la géométrie, science de la quantité continue, fut opposée à l'arithmétique, science de la quantité discrète. L'analyse et l'algèbre ont fonctionné comme outils de communication.
L'analyse a été un mode de raisonnement sur ce qui n'est pas donné, l'algèbre une technique appliquée, grâce à un langage commun, autant à la géométrie qu'à l'arithmétique. Elles se sont transformées par un long processus, dont certaines étapes importantes sont étudiées dans ce livre. Le premier chapitre traite des origines conceptuelles et de l'évolution de l'analyse jusqu'à Descartes. Le second aborde les fondements constructifs de la géométrie euclidienne, qui utilise les diagrammes pour les relations spatiales. Le troisième étudie la réforme cartésienne de cette géométrie, ouvrant la voie à de nouvelles applications de l'algèbre à la théorie des courbes. Le quatrième discute la tentative de Lagrange de faire de l'analyse - dite « algébrique » - la base ultime des mathématiques. Le cinquième explore les prolongements de cette tentative à la mécanique, dite « analytique ».
-De la bombe nucléaire au péril écologique: le temps des catastrophes? -Quelles responsabilités les effets imprévisibles de nos interventions dans la nature engendrent-ils? - Notre société est-elle devenue une société du risque? -La crise écologique est-elle une crise des systèmes de moralité? -Comment guider la décision en matière de politique environnementale?
Le cinéma participe à la construction des normes sexuées - il fabrique le genre.
En France, cependant, l'étude des films en fonction des représentations qu'ils offrent des rapports sociaux de sexe est mal comprise et mal acceptée. On lui préfère l'approche cinéphilique " auteuriste ". Or les films sont des productions, culturelles, par définition ambivalentes, non des discours univoques qu'on pourrait analyser à partir des intentions de l'auteure. Le sens ne préexiste pas aux pratiques sociales qui font exister les films.
Pour le montrer, et pour analyser les représentations filmiques en tant qu'elles légitiment souvent la domination masculine, ce livre s'attache à des objets " communs " comme le cinéma de genre, les magazines populaires ou les stars.
Curieux de l'évolution de sa discipline, les neurosciences de la vision, l'auteur s'est intéressé aux différents moments qui ont jalonné l'émergence des principales théories de la perception visuelle. En remontant cette histoire de l'Antiquité au Moyen Âge, on rencontre de grands savants, philosophes, médecins, mathématiciens. Notamment un génie arabe né à Bassorah (Irak actuel) au tournant du dixième siècle, Al-Hassam ibn al-Haytham (965-1039). Auteur d'une oeuvre scientifique considérable, il compose, à l'ombre de la mosquée al-Azhar du Caire, un ouvrage majeur, le Kitab al-Mana?ir, ou Livre de l'Optique. Inconnu jusqu'à la fin du treizième siècle, ce livre exercera une influence décisive sur les doctrines de la vision au cours des siècles suivants.
L'oeuvre d'Ibn al-Haytham marque une rupture radicale, lumière et vision, indissociables dans l'Antiquité, sont désormais séparées : l'oeil n'illumine plus les objets, il en reçoit la lumière qu'ils réfléchissent. Cette découverte rendit possible les théories modernes initiées par Képler au début du XVIIe siècle.
C'est cette page brillante de la science arabe que cet ouvrage se propose de raconter. Que connaissait Ibn al-Haytham de ses prédécesseurs (Aristote, Euclide, Galien, et Ptolémée notamment)? En quoi sa contribution propre a-t-elle été une véritable révolution scientifique? Quelle en fut la réception dans l'Occident chrétien?
L'article Théorie des fonctions algébriques d'une variable publié en 1882 par les mathématiciens allemands Richard Dedekind et Heinrich Weber est fondateur de la géométrie algébrique moderne. Dedekind et Weber y réécrivent avec des outils algébrico-arithmétiques une large partie des concepts inventés près de vingt ans auparavant par Bernhard Riemann pour l'étude des courbes algébriques. Pour cela, ils transfèrent à la théorie des fonctions de Riemann l'appareil conceptuel développé par Dedekind en théorie des nombres et sa méthodologie ensembliste et arithmétique, élargissant la féconde analogie entre géométrie et arithmétique. Nous en présentons la première traduction française. Accompagnée d'annotations et d'une préface, cette traduction donne aux lecteurs les clefs pour mieux comprendre cet article séminal, et sa place dans notre modernité mathématique, en le replaçant dans son contexte mathématique mais également dans son contexte épistémologique. Cet ouvrage servira autant le philosophe désireux d'ancrer sa réflexion dans l'histoire des mathématiques que l'historien qui souhaiterait comprendre certaines racines épistémologiques de cet épisode du développement des mathématiques, que le mathématicien soucieux d'explorer l'histoire et la philosophie de sa discipline.
La Médecine arabe a commencé à se développer à partir (lu uio siècle après J.-C.
Dans la partie orientale du monde arabomusulman recouvrant l'Iraq, la Syrie, la Palestine, l'Iran et l' Egypte. Cet essor tient probablement à l'importance de l'héritage légué par les premières civilisations de la Mésopotamie, de la Vallée du Nil et de l'Egypte, de l'Inde et de la Grèce, héritage dont les Arabes se sont saisis pour le traduire, l'assimiler, l'enrichir et le transmettre à leur tour.
Le Maghreb et l'Espagne musulmane participèrent à cette avancée de la médecine arabe : à partir du ,Xe siècle, Ibn al-.Jazzâr à Kairouan. AI-Zahrâwî et Ibn Rushd à Cordoue et Ibn Zuhr à Séville vont apporter à cette discipline une contribution occidentale. Les études contemporaines consacrées à ces auteurs sont peu nombreuses, les travaux sur l'histoire de la médecine arabe étant pour la plupart menés en Orient.
Dans la présente étude, l'auteur se penche sur cette médecine arabo-andalouse à travers l'oeuvre d'un de ses plus prestigieux représentants, Abû Marwan ibn Zuhr, que l'Occident latin connaît sous le nom d'Avenzoar. Son Kitâb al-Taysir, dont est ici proposée la traduction, illustre l'état des connaissances médicales au XIIe siècle après J.-C.: les descriptions cliniques, les conceptions pathogéniques, les méthodes thérapeutiques et les moyens techniques disponibles à l'époque se trouvent exposés dans leurs grandes lignes dans cet ouvrage qui servit, durant des siècles, à l'enseignement de la médecine jusque dans les universités européennes.
La popularité évidente ainsi que le succès croissant du principe de précaution trouvent sans doute leur explication dans le fait que l'idée même de précaution se place à l'intersection de nombreuses questions non seulement pratiques, en ce qu'elles relèvent de la mise en oeuvre de certaines techniques de prévision ou d'évaluation, mais aussi essentielles, parce qu'elles touchent au sens même de la vie en société. Les contributions rassemblées dans cet ouvrage discutent de deux aspects essentiels du principe de précaution : d'une part, sa définition, y compris sa délimitation, comme principe d'action ; de l'autre, les conditions de sa mise en oeuvre que ce soit dans le cadre de l'expertise économique mais aussi sous sa forme juridique. L'objectif fondamental de ce travail est de montrer comment le principe de précaution peut, et doit, permettre à l'homme d'agir sur son environnement tout en prenant effectivement la pleine mesure de cette action.
Le réalisme mathématique ou platonisme conçoit les mathématiques comme un corps de vérités décrivant des objets dont l'existence est aussi indépendante du sujet connaissant que celle des objets étudiés par les sciences empiriques.
Après avoir exposé les difficultés qui se posent à cette conception des mathématiques, ce livre présente les principales formes de platonisme en accordant une grande importance à la manière dont elles essaient de résoudre ces difficultés. Une fracture apparaît entre les tenants d'un réalisme qui voit dans les mathématiques une discipline a priori fondée directement sur une intuition d'objets abstraits et de vérités nécessaires et les penseurs qui ne reconnaissent que l'expérience empirique comme source légitime de connaissance.
De cette confrontation émergent peu à peu l'importance des considérations sémantiques sur le langage mathématique, la problématique capitale de l'universalisme logique (l'unicité du discours scientifique et de sa logique) et les notions antagonistes d'ensemble (extension de concept ou combinaison arbitraire d'éléments distincts), autant de thèmes transversaux nuis essentiels pour isoler les formes de réalisme les plus convaincantes et les mieux armées pour répondre aux critiques d'inspiration intuitionniste, constructiviste ou formaliste.
Lorsque paraît, en 1859, L'origine des espèces, une vive opposition s'élève : quand les évolutionnistes voient dans l'état du monde le résultat d'une « sélection naturelle », les créationnistes favorisent l'idée d'une création pensée par Dieu selon un dessein arrêté. Plus d'un siècle et demi plus tard, ce débat fait encore rage, interpellant le Vatican et se présentant comme une nouvelle affaire Galilée : quelle est la part de Dieu et du hasard dans l'origine du mondeoe Y a-t-il une finalité, un sens à son cours?
Dans ce débat, la problématique médiévale des rapports entre raison et foi retrouve son actualité : présentant une lecture savante de Darwin menée sous un éclairage thomiste, Michel Delsol se propose ici de démêler, dans le cours du monde, le rôle du hasard et la place de Dieu.
Le discret peut-il remplacer le continu dans les équations de la physique ? Cette question se pose expressément avec l'essor, depuis les années 1970, de formulations mathématiques discrètes de la mécanique classique. Ce livre explore les enjeux philosophiques de ces nouvelles approches. Il montre le rôle du calcul sur ordinateur dans ce tournant de la mathématisation de la physique. Il interroge les conséquences d'une représentation discrète du temps et questionne la nature des théories scientifiques à l'aune de ces récents développements.
La Physique du Globe, plus précisément la Mécanique céleste, établit que ce Globe est un ellipsoïde de révolution, ce qui démontre sa nature originellement fluide. Reste à comprendre comment sa surface est parvenue, par refroidissement, à l'état qu'elle nous présente actuellement, avec ses montagnes, ses plaines et ses océans. Le présent livre essaie de rendre compte de la logique immanente à l'histoire de la Tectonique et des obstacles épistémologiques qu'elle a rencontrés. Il souligne les difficultés résultant de la croyance irrépressible dans la stabilité des continents depuis les origines, associée à la notion de Géosynclinal, qui a encombré la Géologie pendant plus d'un siècle. Pour surmonter ces difficultés, il a fallu que l'on passe d'une approche des phénomènes géologiques caractéristique de l'Histoire Naturelle à celle d'une « science proprement dite », au premier plan de laquelle la Géophysique s'est trouvée placée.
Ce cinquième et dernier volume des Lalandiana regroupe la correspondance entretenue par Jérôme Lalande (1732-1807) avec ses amis à Genève, ville universitaire la plus proche de Bourg-en-Bresse, sa ville natale. À l'exception de Mallet, recruté par Lalande pour aller observer en Russie le passage de Vénus devant le soleil, cette activité épistolaire ne concerne que très peu l'astronomie, mais couvre une partie importante de l'histoire de Genève au XVIIIe siècle ainsi que des domaines très variés, grâce aux lettres notamment du biologiste Bonnet et des savants Le Sage et Prevost. L'ouvrage se termine par un index détaillé des différents personnages évoqués dans la correspondance.
Tout au long du XXe siècle, les discussions autour du statut des théories scientifiques et les développements technologiques et disciplinaires qui se sont imposés après la Seconde Guerre mondiale ont bouleversé l'image de la science. La constitution du neurone comme objet scientifique au XXe siècle illustre magistralement cette mutation et en propose un modèle basé sur la dynamique des disciplines à l'oeuvre dans l'étude d'objets distincts, et pourtant homogènes, reconnus au fil du temps comme unique, conforme à une même représentation commune à plusieurs cultures matérielles. Par des processus de convergence entre sous-disciplines des neurosciences, le neurone devient objet unique et central de toute approche scientifique. Il apparaît comme un enjeu essentiel et la pierre angulaire des interactions disciplinaires au centre de l'explication scientifique.
Dans les années 1920, s'est achevée une première étape de l'histoire de la symbiose, que nous avons traitée dans notre premier volume.
Comme il est impossible de trancher des périodes aussi nettement, nous effectuons ici un retour en arrière, afin d'examiner les origines de recherches qui se développent surtout après 1920-1930 (certaines symbioses chez les insectes, les symbioses des algues et de la paramécie, les symbioses à algues bleues...). Puis, cet ouvrage convoque les multiples descriptions des symbioses entre 1920 et 1950 environ : algues, coraux, vers marins, unicellulaires, insectes, céphalopodes.
Pendant cette période, ce domaine de recherche paraît largement dominé par la figure emblématique de Paul Buchner (1886-1978). Cependant, les recherches abordées ici ne se limitent pas à l'histoire des classifications et des descriptions morphologiques et embryologiques des symbioses. En effet, à partir des années 1950, la recherche devient plus qualitative et les chercheurs examinent des questions de métabolisme et d'hérédité chez diverses symbioses.
Le thème de l'hérédité voit ressurgir les débats sur l'hérédité et sur l'évolution non-nucléaire, thème lié à celui de la symbiose. Enfin, les années 1960-1970 voient la révolution de la biologie moléculaire, avec des conséquences inestimables pour la symbiose : la découverte des ADN mitochondriaux et chloroplastiques va permettre de réhabiliter la théorie de l'origine symbiotique des organites cellulaires.
Ainsi, cette période 1920-1970 marque le développement d'un certain inventaire des symbioses, puis la réinvention d'hypothèses visant à redonner à la symbiose une place dans l'évolution du vivant mais aussi dans le métabolisme et les processus physiologiques. L'épistémologue interroge l'histoire de la symbiose sous l'angle de la cohérence progressive d'une connaissance pas seulement expérimentale, au sens du biologiste.
En évaluer la pertinence est sans doute son but. Le philosophe, en tant que philosophe, interrogera ici sur l'opportunité d'une vision nouvelle des relations entre les vivants, sur la signification d'interdépendances généralisées, de relations plus ou moins mutualistes... Nous n'avons fait qu'ébaucher la question mais sous cet aspect, une histoire philosophique de la symbiose peut sans doute aider à renouveler la pensée de l'écologie.
Dès 1903, L'évolution de la mécanique signala, à l'attention du public, Pierre Duhem en tant que philosophe et historien des sciences.
Le terme de mécanique étant pris dans son extension la plus large, l'auteur y retrace, dans un langage limpide, les transformations qui ont affecté la physique dans son ensemble. A partir d'une analyse attentive de la crise que traversait alors la science, Duhem formule plusieurs thèses profondes et originales, qui amèneront la conception générale de son oeuvre célèbre, La théorie physique. Cette édition a été augmentée de deux articles complémentaires.
Une seule fois, Duhem s'est penché en historien sur la thermodynamique, son principal champ de recherche scientifique ; " Les théories de la chaleur " expliquent ses choix philosophiques. L'" Analyse de l'ouvrage de Ernst Mach : La Mécanique " témoigne d'une entente inattendue entre le savant-philosophe français et son homologue autrichien.
" Mon impulsion fut brisée, comme une vague qui s'écrase contre une digue.
Je fus submergé par le plus complet désespoir. ". Tels sont les termes dans lesquels Russell relate en 1916 l'effet qu'eurent sur lui les critiques adressées en mai 1913 par son jeune élève, Ludwig Wittgenstein, au manuscrit qu'il était en train de rédiger sur la théorie de la connaissance, et qui le conduisirent à en suspendre la rédaction et à n'en publier que quelques chapitres sous forme d'articles.
Maillon essentiel à la compréhension de la " première " philosophie russellienne, ce manuscrit contient d'une part une analyse systématique et approfondie des notions cardinales de son approche des relations cognitives - au premier chef de celles d'accointances et de jugement -, et d'autre part une tentative de clarification des rapports entre la théorie de la connaissance, la psychologie et l'analyse logique, qui est fondamentale pour préciser l'architectonique du savoir mise en place par cette façon " analytico-logique " de philosopher dont Russell s'est, après Frege, fait l'ardent avocat.
A ce titre, Il constitue à la fois un élément de première importance dans l'accomplissement par la tradition philosophique du tournant analytique, et une oeuvre de référence pour la recherche contemporaine sur les fondements des sciences de la cognition.
La forme vitale est-elle virtuellement fixée dans le germe ou se détermine-t-elle au cours du devenir embryonnaire? Dans les années 1880, Wilhelm Roux cherche à résoudre ce problème par la création de l'embryologie expérimentale. Au moyen d'une reconstruction rationnelle des étapes historiques de cette discipline, cet ouvrage montre l'importance des concepts de préformation et d'épigenèse aux origines de celle-ci. L'analyse porte sur trois périodes charnières: la réforme mécaniste et darwinienne de l'embryologie morphologique par Ernst Haeckel (1866); l'avènement d'une physiologie réductionniste du développement avec Wilhelm His (1874); et la création d'une « mécanique du développement » par Roux ainsi que les interprétations néo-darwinienne, néo-vitaliste et organiciste de ses résultats les plus significatifs (1888-1908). L'auteur y soutient que ces développements suivent une logique de la découverte, selon laquelle les modèles mécaniques d'explication doivent être renouvelés lorsque leur examen empirique engendre la découverte de nouveaux phénomènes de régulation.
Ce livre traite donc d'un enjeu fondamental de la philosophie des sciences: le rapport entre la rationalité scientifique et la découverte. Il offre aussi un éclairage sur une question très actuelle de la philosophie de la biologie, soit les transformations du concept d'épigenèse en rapport avec les théories épigénétiques contemporaines. La méthodologie adoptée ici s'inscrit dans la tradition de l'épistémologie historique, consacrée à l'étude des transformations du savoir scientifique, fondée sur l'analyse historique de diverses sources documentaires. Un éclairage théorique constitué de modèles provenant de la philosophie des sciences et de connaissances scientifiques demeure ici indispensable