Les origines de Reims, une des plus célèbres, des plus grandes et des plus opulentes villes du royaume, se perdent dans la nuit des temps. Elle était déjà considérable quand Jules César fit la conquête de la Gaule. Les Romains y édifièrent des temples, des palais, des arcs de triomphe et un capitole. Lorsque Attila se présenta devant Reims, une partie des habitants s'enfuirent tandis que les plus braves tentèrent sans succès de résister. Ils périrent jusqu'au dernier et les Huns saccagèrent la ville déserte, en 406. Quand cinquante ans plus tard les Vandales renouvelèrent cette scène désolante, la providence envoya Remi qui, installé sur le siège archiépiscopal, joignit aux vertus d'un saint les talents d'un homme d'État. Pendant la période mérovingienne, Reims eut fréquemment à souffrir des guerres presque continuelles qui opposaient les rois d'Austrasie et de Neustrie. Les discordes se poursuivirent après le règne de Charlemagne qui avait pourtant su rétablir le calme dans son immense monarchie. Hincmar, qui dirigea la cité et le diocèse pendant trente-sept ans, travailla à la splendeur de son église et à la prospérité de la ville. Il obtint de Charles le Chauve des privilèges pour les ouvriers, traça des rues nouvelles, fonda un hôpital et rendit leur éclat aux écoles monastiques. En 1135, les bourgeois s'organisèrent en compagnies et obtinrent de Louis VII des lettres d'érection de commune. Reims abandonna alors son rôle purement religieux pour établir un régime municipal. Mais la résistance des membres du clergé fut à l'origine d'émeutes. Les Rémois excommuniés se révoltèrent les armes à la main et saint Louis dut intervenir. Cette attitude militante se conserva jusqu'au XIVesiècle, époque à laquelle la commune de Reims cessa de jouer un rôle politique, s'éteignant sans violence sous la pression de l'autorité royale. Á l'approche des Anglais qui vinrent assiéger la ville, le 4 décembre 1359, Gaucher de Châtillon, capitaine de Reims, fit abattre plusieurs édifices pour renforcer sa défense. Le 11 janvier, les agresseurs renoncèrent, relevant ainsi le courage du peuple français éprouvé par tant de malheurs. Si les querelles politiques du XVIIe siècle eurent peu d'écho dans la ville, il n'en fut pas de même pour les discordes religieuses du siècle suivant. Seuls les sacres des rois donnèrent alors à la cité une certaine célébrité. Louis XVI recevant l'onction sacrée, laissa échapper un triste mot que la chronique put qualifier ensuite de présage. Lorsqu'on plaça la couronne sur sa tête,
Au-delà de l'intérêt historique, c'est la passion qui anime le chanoine Chaumont pour nous conter l'histoire de Cluny, qui rend son ouvrage attachant. « L'abbaye de Cluny ne fut pas seulement l'asile des âmes d'élite, choisies par Dieu et appelées par lui à la vie parfaite ; elle a été de plus le centre littéraire et artistique où se pressaient les penseurs, les écrivains, théologiens et poètes. » Dès sa fondation, par le choix de son emplacement géographique, Cluny était destiné à servir de centre religieux à la France et à l'Europe. En permettant aux moines eux-mêmes de choisir leur abbé et en plaçant l'abbaye sous la tutelle directe du pape, Guillaume le Pieux a fait la grandeur de Cluny. Les abbés se sont succédé, apportant chacun une contribution personnelle à l'éclat de l'abbaye. Aux qualités brillantes de saint Odon qui perçut la nécessité de revenir à des moeurs austères et de créer une congrégation, succédèrent l'humilité et la simplicité d'Aymard avant que saint Mayeul ne devienne le conseiller des empereurs, « l'arbitre de la paix et de la guerre ». C'est sous saint Hugues que le nombre des prieurés de Cluny fut le plus important. En avance sur son époque, il affranchit les serfs groupés autour de Cluny en les rendant propriétaires des champs qu'ils cultivaient. Malgré les proportions gigantesques que prit l'ordre de Cluny et l'admission d'hommes de moeurs et d'habitudes différentes, la discipline, même si elle subit quelques entorses, régna à toutes les époques de son histoire. Mais les conséquences de la guerre de Cent Ans furent désastreuses pour l'ordre monastique. Les papes d'Avignon qui, acculés, levèrent des décimes énormes sur les abbayes et surtout usèrent du droit de réserve, nommant directement leurs supérieurs, aggravèrent également la situation de Cluny. Les abbés commendataires se retrouvèrent à la tête d'une abbaye qui n'attirait plus guère de vocations. Les moines vivaient dans le luxe et ils n'étaient plus qu'une trentaine à l'aube de la Révolution. Le chanoine Chaumont retrace avec amertume les événements qui ont abouti à la ruine de l'abbaye et à sa vente en 1798. Plus encore que la démolition des bâtiments qui transforme l'abbaye en carrière de pierres, c'est la destruction systématique des archives et autres trésors que contenait la bibliothèque, qui représente une perte irremplaçable pour notre patrimoine.