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André Markowicz, à qui l'on doit entre autres la traduction saluée par tous des oeuvres complètes de Dostoïevski, livre ici une traduction de traduction de l'un des plus anciens textes de l'humanité. La version de Nikolaï Goumiliov est celle d'un poète, un texte qui reprend le rythme du texte original, qui reprend ses jeux sur les sons, au plus près du texte tel qu'il fut établi en 1907 par Édouard Dhorme. En résulte une épopée tragique, tout à la fois ancrée dans son époque et dans le début du XXe siècle, qui narre "la quête de l'immortel d'un homme qui, finalement, choisit de n'être qu'un homme - n'arrivant pas à dominer sa terreur de la mort" (André Markowicz).
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Publié pour la première fois en Russie vers 1870, ce petit livre, dont l'auteur est resté anonyme, représente l'un des plus beaux textes spirituels de l'orthodoxie russe.
A travers un style qui garde le charme du langage populaire, le lecteur découvre la piété russe, dans ce qu'elle a de frais et de pur. Des épisodes nombreux et colorés le mettent au contact direct de la Russie ancienne, celle qui a inspiré les grands écrivains du siècle passé. Il rencontre enfin, dans les Récits du pèlerin, une tradition contemplative remontant aux premiers siècles de l'Orient chrétien, appliquée par un contemporain de Dostoïevski et de Tolstoï, sinon de Lénine.
A tous ceux qu'anime aujourd'hui le zèle pour une meilleure compréhension entre les chrétiens, les Récits offrent un témoignage unique.
La traduction a su garder la fraîcheur de l'original. Une introduction et des notes donnent les commentaires nécessaires à une bonne compréhension du texte.
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Peu de textes de la spiritualité orthodoxe sont aussi populaires en Occident que les Récits d'un pèlerin russe (" Points Sagesses " n°14). Les trois récits du présent volume ont un caractère plus ouvertement didactique. Il est probable qu'ils ont été retouchés et complétés à Optima, ce foyer spirituel de la Russie du XIXe siècle où affluaient écrivains, philosophes, " chercheurs de Dieu ", où la tradition spirituelle de l'Orient chrétien prenait à nouveau conscience d'elle-même pour répondre aux recherches et inquiétudes que la pensée occidentale introduisait alors en Russie.
Une partie des trois récits est faite de réponses aux objections d'un intellectuel, et des instructions systématiques, véritables petits traités, s'intercalent entre narrations et dialogues.
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«Le Dit de l'Ost d'Igor», qui est le plus vieux poème russe (il date de la fin du XIIe siècle), est une oeuvre malchanceuse. Malchanceuse, parce qu'on n'en a trouvé qu'une copie, publiée à la fin du XVIIIe siècle, et que cette copie a brûlé en 1812 dans l'incendie de Moscou. Et que, très vite, son éditeur, le comte Moussine-Pouchkine a été soupçonné de forgerie et accusé d'avoir imité Macpherson, qui avait inventé le barde national de l'Ecosse, Ossian... Aujourd'hui, deux siècles de recherches, de traductions et d'études, ont établi l'authenticité de cette oeuvre, réellement unique : le récit d'un désastre, de l'expédition d'un prince russe, Igor, contre un peuple des steppes, les Polovtsiens - de sa défaite, de sa captivité et de sa fuite, de son retour chez lui. Et l'oeuvre elle-même, comme un soleil noir, traverse toute l'histoire russe, toute la littérature : innombrables, depuis Joukovski et Pouchkine et jusqu'à Mandelstam sont les poètes qui s'en sont inspirés, la traduisent ou la citent.
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Touva est une république située en Russie, tout au sud de la Sibérie. Ce n'est que vers les années 1930, alors que la population touva est forcée de se rallier au communisme, que quelques collecteurs et chercheurs commencent à s'intéresser aux traditions de cette région longtemps oubliée. Outre la pratique du chant diphonique, ce sont les « épopées héroïques » - les maadyrlyg tool - qui témoignent au mieux de la singlarité de la culture touva. Bien plus que des histoires de héros transmises oralement de génération en génération, ces épopées ont une véritable fonction rituelle liées à la chasse. Par ses récits, le toolchu - le barde - est censé assurer la survie du groupe, en incitant les chasseurs à affûter leurs sens, et en adoucissant par son art la fille du Maître de la taïga qui intercédera auprès de son père pour rendre le gibier abondant.
De par sa nature dramatique, l'épopée héroïque constitue une formidable stratégie rituelle, sorte d'imploration augurant d'un possible succès de la chasse, seul garant d'une survie possible du groupe touva.
Parmi les épopées recueillies par les chercheurs au fil du temps, Khounan-Kara est l'une des plus populaires. Longue de plusieurs milliers de vers, parsemée de formules poétiques, elle parvient à cumuler tout ce qui est susceptible d'aiguiser les sens de l'auditeur : la croissance ultra-rapide du héros ; ses exploits prématurés face à des monstres que sa naissance surnaturelle inquiète ; l'appel de l'amour à l'endroit d'une promise établie dans une lointaine contrée ; son investiture en tant que maadyr - « preux » - ponctuée par l'octroi d'un nom, de vêtements, d'armes de guerre et d'une monture aux vertus étonnantes ; sa conquête du coeur de la promise ; ses longs combats contre un rival d'une rare puissance et les pouvoirs qu'il y déploie ; sa capacité de revêtir à volonté toutes sortes d'apparences ; les épreuves à la fois traditionnelles et herculéennes (lutte, tir à l'arc, chevauchées au bout du monde, etc.) qui le conduisent à accomplir l'impossible exigé par son futur beau-père ; la correction infligée au puissant ennemi de ses parents et, pour finir, le retour sur la terre des siens où, en compagnie de sa princesse et de son clan, il va couler des jours heureux.
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De la poussière de vieux manuscrits qui dormaient dans un
monastère, un collectionneur russe de la fin du XVIIIe siècle vit surgir un jour le visage espiègle et inspiré de l'auteur anonyme de ce magnifique poème épique du XIIe siècle.
Un Slave, probablement mâtiné de Viking, y relate la défaite d'un " faucon de la chrétienté " contre des païens, les Polovtses turco-mongols. Guerrier proche du prince, chrétien chamarré de paganisme slave, aède ou chroniqueur, trouvère ou scalde, il chante un hymne à la " Terre de Rus ". On ne connaît de lui que ce qu'il révèle en filigrane dans la Geste. Il dit avec amour et humour, la mer des fleuves russes et les roseaux brisés, les bêtes aux aguets et les combats guerriers, les amours délaissées et le guet aux remparts et " cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge " comme dit Dante.
S'attachant aux faits, il ouvre une page d'histoire des Slaves orientaux aux XIe-XIIe siècles en ce pays-frontière de la Kievie, le long du Dniepr et au nord de la mer Noire ; sautant comme un écureuil d'un prince à l'autre à travers l'arbre généalogique des
familles princières de Rus, il relie le tout avec grande maîtrise en quelques pages d'un merveilleux poème. Vibrant appel à l'union de princes désunis, il convie le lecteur, comme l'Aède, au " festin " des batailles et de la mort sur lequel règnent les dieux.
Un pur joyau célébré par Pouchkine, Essenine, Mandelstam, Rilke, Nabokov.
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Ces contes proviennent de la riche tradition orale des Evenks et des Bouriates, peuples de chasseurs, de pêcheurs et d'éleveurs vivant dans les immenses steppes et forêts de la région du Baïkal (ce lac qui pour eux est une mer) avant l'arrivée des Russes au milieu du xviième siècle.
Adeptes du chamanisme ou du lamaïsme (bouddhisme tibétain), ils étaient soumis à l'autorité toute féodale des khans, princes locaux et chefs de guerre réputés impitoyables. Il n'est pas étonnant que ces récits populaires mettent souvent en scène la revanche des humbles sur les puissants, avec parfois le secours (plus ou moins volontaire) de forces naturelles à la fois divinisées et anthropomorphes. Il n'est pas étonnant non plus que s'y manifestent les préoccupations d'une ruralité pastorale et agricole aux figures parfois truculentes.
Comme souvent dans les contes, s'opère un renversement des valeurs et des jugements (le simplet ne l'est pas tant, le rusé ne l'est qu'à-demi, le fort trouve plus fort, le pauvre gagne au-delà de ce que le riche peut désirer...) qu'il faut lire comme l'expression à la fois d'une souffrance réelle, d'un désir de justice et d'un bel optimisme qui s'affirme dans la joyeuse fantasmagorie du propos. Il est vrai aussi que la répétition des thèmes et des figures narratives permet d'affirmer la stabilité des repères culturels et de conférer au récit une fonction sécurisante et éminemment sociale: un conte doit être dit, et il ne peut l'être qu'au sein du groupe réuni pour l'entendre et le reprendre dans la participation à une parole commune et bien connue.
Ainsi le conte oscille-t-il entre respect de la tradition et irrévérence ; ou tout simplement est-il l'expression la plus traditionnelle de l'irrévérence. -
Cinq grands contes du folklore russe, devenus des "classiques", nous font retrouver, entre autres, les figures légendaires de la Baba Yaga, de Kochtcheï l'immortel ou de Vassilissa la Très Belle. Tous ces personnages féériques sont ici magistralement servis par les illustrations lumineuses du peintre Bilibine.
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Une insatiable veuve lubrique est à la recherche de fortes sensations, quand elle trouve sur son chemin une entremetteuse qui lui envoie l'objet de ses désirs :
Le très imposant Lucas Couillonov, doté d'un membre hors de toute commune mesure, « fier héritage de la famille ». Mais cette rencontre aura une fin inattendue.
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Il faut redécouvrir la force et la beauté de l'une des premières chansons de geste russes. Le prince Igor de Tchernigov est aussi célèbre que Roland à Roncevaux ou l'immortel Achille de l'Iliade. À la fin du vigoureux XIIe siècle, face aux païens, il symbolise la fierté et le désir passionné de l'unité de la Terre Russe. Dans une nature frémissante, ses combats épiques en font un héros fondateur. Au déclin du XIXe siècle, Borodine lui consacre un opéra tandis que Vasnetsov fait de lui un thème de ses toiles. La traduction inédite (1973) d'Hélène Emeryk nous restitue les prouesses et l'âme du jeune peuple russe.
Traduction d'Hélène Witoldovna Emeryk de Botzaris (1812-2003), spécialiste de la littérature russe et fervente orthodoxe.
Préface et note sur la traductrice par Jean-Paul Besse, agrégé d'histoire.