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« Détrompez-vous : ce qui nous arrive, à mes camarades et à moi, vous arrive aussi bien. C'est d'ailleurs, ici, la première mystification du pouvoir : neuf personnes seraient poursuivies dans le cadre d'une procédure judiciaire «d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste», et devraient se sentir particulièrement concernées par cette grave accusation. Mais il n'y a pas d'«affaire de Tarnac» pas plus que d'«affaire Coupat». Ce qu'il y a, c'est une oligarchie vacillante sous tous rapports, et qui devient féroce comme tout pouvoir devient féroce lorsqu'il se sent réellement menacé ».
C'est ainsi qu'en mai 2009 Julien Coupat, détenu à la prison de la Santé, répond à la journaliste du Monde qui l'interroge sur ce qui lui arrive. En mars 2018, les mis en examen passent finalement en procès, au terme de rebondissements sans nombre. À cette occasion, lundimatin publie une sélection des textes, documents et interventions publiques ayant marqué décisivement dix ans de procédure, d'acharnement, de combat et de controverse.
Lundimatin est un journal en ligne qui paraît chaque lundi matin. C'est aussi la revue papier que vous tenez entre les mains. Il s'agit dans ces pages de remonter à contre-courant le flux de l'actualité et de se dégager de la cadence des parutions hebdomadaires afin d'en extraire les articles les plus significatifs. Prendre à revers la logique d'empilement, d'écrasement et d'obsolescence quasi-immédiate de l'internet. Composer des archives pour éclaircir le présent.
Pour ce numéro, nous avons tenté de rassembler les thèmes, les angles et les signatures qui font la trame du journal en ligne. Certains s'étonneront de voir compilés dans le même ouvrage un entretien avec Adlène Hicheur, physicien condamné pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, un tract intitulé « Plutôt pédés que français », la chronique d'un blockbuster, une utopie d'Alain Damasio ou encore des considérations sur la commune ou le syndicalisme dans l'Espagne des années 30. C'est pourtant le pari sous-jacent à cette menée qu'est lundimatin : agencer des éléments du réel, des paroles, des angles de vue fragmentaires, voire a priori réfractaires les uns aux autres, afin de produire une machine de vision, une certaine intelligibilité du présent. Soutenir les émeutiers de Bobigny, comprendre l'élection de Donald Trump, raconter le soulèvement syrien, détruire intellectuellement une VRP soralienne, autant d'éclairages et de partis pris qui ont jalonné l'année écoulée. Il ne va de même des paris que nous lançons, à nos lecteurs, comme à nous-mêmes. S'il semblait logique d'appeler à l'annulation pure et simple de l'année 2017, il est tout aussi souhaitable d'imaginer que notre nouveau président démissionne sous deux ans. Si M. Macron fait la Une et le fond de ce numéro 1, c'est à la fois pour son insignifiance personnelle et pour la sorte de synthèse qu'il représente. Il incarne la désuétude d'une gouvernementalité à nu et la fuite en avant folle et furieuse des dispositifs de contrôle et d'asservissement. À l'implosion du champ de la politique classique coïncide le sacre de la plus débile et creuse des formes de vie : manager. La fin d'un monde, en avançant.
Quel lien peut-il y avoir entre un Premier ministre qui voit dans les autistes « une valeur ajoutée dont on aurait tort de se priver », la couverture médiatique du procès de Jawad le « logeur de Daesh », des poèmes qui parlent de rue, une émeute un 1er mai, un voyage à Khartoum et l'idéologie sous-jacente aux crypto-monnaies ? Peut-on parler de guerre sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes ou de fascisme à l'état gazeux lors des arrestations d'Arago ? Est-il permis d'occuper le commissariat dans lequel on est gardé à vue ? Est-ce que tout le monde déteste vraiment le travail ? C'est parce que nous ne nous posons pas ces questions que lundimatin paraît chaque semaine sur l'Internet depuis bientôt 4 ans.
Nous épargnerons une fois encore au lecteur les pénibles mises en abyme éditoriales qui consistent à parler de soi, de son journal, de ses grandes opinions. Il s'agit, dans cette revue papier, de remonter à contre-courant le flux de l'actualité et de se dégager de la cadence des parutions hebdomadaires afin d'en extraire certains des articles les plus significatifs. Prendre à revers la logique d'empilement, d'écrasement et d'obsolescence quasi immédiate de l'internet. Au premier abord, les matériaux que nous assemblons peuvent paraître disparates et éparpillés, parfois scandaleux ou hermétiques. Certains articles sont signés d'autres restent anonymes, notre souci dans une époque où la confusion domine, est de parvenir à nous repérer. Les bons jours, l'état du débat public et médiatique nous ennuie, trop souvent il nous donne la nausée. Nous n'avons aucune revendication journalistique et sommes convaincus que la propagande participe du naufrage politique. Nos moyens sont modestes, d'aucuns les considéreraient même comme dérisoires au vu de la démesure de nos ambitions.
Nous faisons confiance à notre acharnement autant qu'à celui de nos contributeurs et de nos lecteurs.
Sans surprise, cette 5ème édition de lundimatin papier revient sur les quatre premiers mois du mouvement des gilets jaunes. 25 articles sélectionnés et condensés en 224 pages, à même de restituer et de comprendre ce soulèvement inédit. Beaucoup de textes d'analyses donc, mais aussi des témoignages, des entretiens, des photographies et de la poésie.
Comme toujours, les plumes connues se mélangent à autant de pseudonymes ou d'anonymes, et les angles d'appréhension du sujet sont aussi divers que possibles : des appels au soulèvement, des gloses sur Hanouka, le détournement d'une chanson célèbre de Sabine Paturel, un hommage à Christophe Dettinger, une critique brutale de la violence médiatique, une discussion sur la guerre et la langue avec Eric Vuillard, etc.
« On ne fait pas d'omelette sans casser des banques, écrivent avec esprit les lycéens sur les vitrines fracassées des agences bancaires. Ce qui s'exprime dans les slogans, dans les cortèges, dans les tags, dans les occupations, dans les affrontements avec la police, a trait à la situation générale du pays. Ce qui s'exprime là est un ras-le-bol diffus, une rage commune, une révolte transgénérationnelle. Jamais sans notre vie, nous n'avions vécu sous un gouvernement aussi discrédité, aussi cynique, aussi inapte à faire face aux défis du présent. Jamais l'idée qu'une alternance politique puisse changer quoi sur ce soit à notre sort n'a semblé aussi absurde. Jamais la perspective d'une élection présidentielle n'a paru aussi saugrenue, grotesque et pour tout dire révoltante. Jamais la lutte entre les prétendants à la victoire électorale n'a offert un spectacle plus ridicule. » (paru dans lundimatin#53, le 22 mars 2016)