Une traversée décapante et drôle mais néanmoins érudite de l'histoire de l'art en sonnets par un artiste peintre raffiné amoureux des rimes. Dans le respect le plus strict de la forme du sonnet classique et de contraintes additionnelles de versification, l'auteur compose un recueil en suivant le fil conducteur de l'histoire de l'art occidental, depuis la Grèce antique jusqu'aujourd'hui. Pour être subjectif, l'exposé n'en est pas moins fondé sur de sérieuses références. Un certain effet comique naît paradoxalement de la conjonction d'une forme et d'un sujet des plus austères. L'objectif est de divertir, dès lors qu'il s'avère possible d'« instruire en distraisant, treize ans et demi maximum », comme le chantait Bobby Lapointe. Denis De Rudder (Bruxelles, 1957 est artiste peintre, du moins a-t-il été considéré comme tel au tournant du XXIe siècle. Par ailleurs, il a enseigné le dessin durant une quarantaine d'années, en école supérieure des arts, ce qui ne compte sans doute pas pour rien dans son approche délibérément didactique de l'histoire de ceux-ci. Le présent recueil constitue sa première publication.
Ce livre réunit des articles et des travaux adressés au départ à des psychanalystes ; il reprend l'élaboration que fait Lacan du rapport entre les sexes et l'articulation de la jouissance et des semblants autour de cette question. L'importance accordée aujourd'hui aux gender studies et les débats qui traversent les sociétés contemporaines ont amené l'auteure à confronter la recherche de Lacan aux critiques que Judith Butler lui adresse nommément - critiques que l'apport théorique de Lacan déplace de façon décisive. Doit-on dire que la psychanalyse soutient la domination ancestrale « hétéronormée » qui instaurerait un ordre « prétendument symbolique » en réitérant des modèles appartenant à des stéréotypes ? Au-delà des identités socialement revendiquées, la « non-différence des sexes dans l'inconscient », leur « bipartition à chaque instant fuyante » font objection à cette charge contre la psychanalyse lacanienne. Nous nous proposons ici d'éclairer la mise en forme d'un certain déni contemporain de l'inconscient.
Le personnage de cinéma est communément défini par sa fonction dans l'économie du récit. il a une certaine physionomie, il est un ensemble de paroles, de gestes et de comportements motivés par les desseins de la narration ; il a une « psychologie ». Mais certains films, certaines scènes, donnent corps au personnage en ce qu'il est aussi un sujet sensible, c'est-à-dire une figure humaine dont l'existence à l'image est d'abord celle d'un être en train d'éprouver le monde comme tissu de phénomènes sensibles, et dont les actions se déploient avant tout dans le champ sensoriel : écouter, contempler, marcher, toucher, sentir... Faisant une place centrale à l'analyse de films, ce livre souhaite penser cette figure du sujet (filmique) sensible. il le fait à travers certaines de ses manifestations singulières, dans des films très différents (Kore-eda, renoir, hitchcock, Kitano, Dumont, Aoyama, salvador, tarkovski) qui révèlent pourtant sa densité expressive et sa capacité à nouer les enjeux des oeuvres qui l'accueillent.
Né à Privas le 4 mars 1927 et disparu le 27 octobre 2012 à Paris, Jacques Dupin offrit à ses lecteurs, par des livres rares et intenses, de Gravir (1963) à Dehors (1975) jusqu'à Contumace (1986]) ou Discorde (2017), la traversée d'expériences âpres, toujours tendues vers ce qu'elles ignoraient d'elles-mêmes. La tâche à laquelle le poème de Jacques Dupin se doit est celle d'un dehors à affronter. Dépassionnée et comme à distance, tout autant qu'exposée à ses pulsions contradictoires, son écriture se mesure à cette ironie, à ses affres, autant qu'aux embardées réitérées dont elle fit son moteur. ce livre rassemble tous les textes (essais, portraits, chroniques, etc.) d'emmanuel Laugier sur l'oeuvre de Jacques Dupin écrits entre 1993 et 2017. ces textes, dont certains inédits, ont tous été revus, même s'ils conservent intacts l'élan et la tonalité qui les motivèrent. c'est d'ailleurs la variation des voix qui a présidée à l'agencement de l'ouvrage. Ainsi l'ensemble du livre dit l'attention fidèle portée à l'oeuvre de Jacques Dupin, tout autant que les mouvements internes qui en animent la lecture. « ils esquissent puis précisent le parcours du lecteur que j'ai été depuis plus de vingt ans et que je ne cesse d'être vis-à-vis du poète et de l'ami », dit l'auteur.
L'expérience poétique se livre ici sous la multiplicité de moments sensibles que vient recouvrir l'unité du rythme, attentive aux mots et à leurs relations, cherchant à révéler avec force ce qui relève d'un accord profond au coeur de ce que son auteur tente d'évoquer : « ce si vivant présent ... dans ce bruit psaumé du réel, quelque chose qu'un présent ressasse à l'infini » : « tout ce qui se succède avec bonheur / Le jour et la nuit l'infime et l'infini le démembré et l'innombrable / Le dénombré lointain le proche », pour reprendre ses propres mots. Au centre de ces suites poétiques se découvrent les instants les plus délicats, les plus fragiles, mais aussi les plus vifs de la relation à l'autre, relation différée, s'abolissant, se perpétuant, en quelque sorte, puisque touchée par l'exercice de l'imagination mobilisant la mémoire. tout se joue ici dans la relation entre ces réalités diverses et vécues, alors que la recherche verbale s'attache aux états de conscience, et à l'indissociabilité entre le soi et le monde, l'impossibilité de les disjoindre.
Le point de départ de cette étude est empirique. Quiconque s'intéresse de près à la sculpture du XXe siècle l'aura remarqué : le type de la colonne - voire celui de l'obélisque - est récurrent dans les productions en trois dimensions de cette période. Les raisons en sont multiples. Elles tiennent à l'un des attributs fondamentaux de la sculpture, sa verticalité, soit le triomphe de la forme érigée contre la gravitation, contre l'horizontalité associée par anthropomorphisme à la perte de vitalité tout autant qu'à une égalisation des valeurs, l'idée même de valeur provenant de la représentation de ce qui s'élève. Analyser et mettre en perspective des oeuvres dont le modèle est celui de la colonne ou de l'obélisque permet alors d'examiner à nouveaux frais certains mouvements modernistes, de s'interroger sur la crise de la notion de monument (mais aussi sur de nouvelles formes de monumentalité), de scruter des questions aussi diverses que celles de l'efficacité spatiale de la sculpture, de son rapport avec l'architecture, de sa dématérialisation, etc.
« Avec les arts plastiques, je n'ai pu que m'engager en terrain ennemi », disait Marcel Broodthaers. Quel est le sens de cet engagement ? Quel est l'enjeu du combat qui le conduit à la douloureuse décision de délaisser le champ de l'écriture poétique ? Son oeuvre multiforme déjoue les interprétations. Plusieurs fils s'y tressent, selon une logique originale que déploie cet Éloge. Les références essentielles en sont Mallarmé, qu'il tient pour « l'inventeur de l'espace moderne », Magritte, à qui il fait crédit d'un « resserrement de la notion de sujet » et Lacan, pour qui « la vérité a structure de fiction ». Une poétique de l'objet et de l'absence d'objet s'en déduit, ainsi qu'une pratique ironique des équivoques de la communication. S'y dessine la figure d'un artiste génial, qu'on n'a pas fini de découvrir.
Cet essai propose la première traversée théorique de langue française de l'oeuvre de l'artiste américain robert smithson (1938-1973) depuis ses premières toiles figuratives jusqu'à ses oeuvres environnementales en passant par son travail de sculpture (non-sites). Figure majeure du Land Art, proche du minimalisme et de quelques artistes conceptuels, smithson est surtout connu pour son oeuvre implantée sur le Grand Lac salé, la Spiral Jetty.
Mais il est aussi un théoricien, un écrivain et un lecteur avisé de la littérature d'avant-garde (Beckett, robe-Grillet), un connaisseur des sciences humaines des années 1960, auxquelles il emprunte plusieurs concepts, et un spécialiste de séries B et de Pop culture. ces Variations dialectiques suivent le parcours multiforme de cet artiste multimédia avant l'heure et montrent comment les différents champs des arts et des sciences, de la philosophie et de l'ethnologie, de la fiction et du document s'interpellent et se recoupent chez lui dans une dialectique ouverte et relationnelle qui récuse l'autonomie de l'oeuvre moderniste « absolue », promue par les critiques clément Greenberg et Michael Fried. cet ouvrage est par ailleurs le fruit de recherches menées à Washington Dc dans les Archives de l'artiste (smithson et nancy holt Foundation). il comporte des documents peu connus et des traductions inédites de textes de l'artiste.
Fortune n'est pas un simple recueil de poèmes, mais plutôt une « suite » ou un ensemble de « variations » au même titre que les deux précédents ouvrages de l'auteur. Ici, une narration fragmentée reprend une traversée ferroviaire d'un personnage, Étienne, surnommé « Leblanc », d'une côte à une autre, d'une mer à une autre. Ce qu'il perçoit ainsi que ce qu'il a laissé, ce qui le traverse dans les instants de torpeur ainsi que ce qu'il projette pour son arrivée influent musicalement sur la composition du livre aussi bien que sur ses rythmes. Par ailleurs, ce dernier opus prend ses distances avec les précédents qui s'inscrivaient tous dans la composition et le prolongement des Motets de l'auteur - ne serait-ce que par la récurrence des personnages. Un lien demeure toutefois avec son dernier, Variations de Jan, en ce que la Guerre de Troie en constitue l'arrière-plan lancinant. L'histoire fait retour sans cesse, percutant l'intime et provoquant les heurts métriques, ses syncopes, autant que l'allongement du vers parfois quand il s'agit de faire retour, ou tenter une synthèse de cette multiplicité d'approches. Les échos sont multiples : Conrad et Joyce, Maïakovski et Khlebnikov, Henry James et Homère. Mais surtout, les temps présents - avec leurs révoltes, leurs exils et leurs luttes - agitent un corps entre précipitation (panique) et méditation (pensée). Sans trame narrative, sans les sens sollicités sans cesse et sans l'invention en chemin, ce qui s'approche ici de l'élégie ne semblerait pouvoir trouver de voix chez cet auteur.
Dans l'imaginaire commun, la notion de paysage demeure fermement attachée au monde rural. A contrario, il reste complexe de définir ce que pourraient constituer les paysages urbains. Ce processus, auquel contribue l'émergence des sciences sociales et leurs conversations avec les champs artistiques et littéraires s'intensifie avec le développement des imaginaires et des techniques de diffusion des représentations de la ville, que ce soit par la gravure, la photographie, l'imprimé à bas coût ou le roman populaire, puis par le cinéma, la vidéo et les modélisations 3D. Ces représentations des paysages urbains disent les usages comme les systèmes de dominations, la formalisation des paysages coloniaux autant que l'hégémonie du paysage-marchandise dans la ville capitaliste, mais aussi les paysages de loisirs ou ceux façonnés par les revendications d'un droit à la ville. Ouvrage collectif sous la direction de Lise Lerichomme (Artiste et enseignante-chercheuse en arts plastiques à l'Université de Picardie Jules Verne et au Centre de recherches en arts et en esthétique de l'Université d'Amiens) et Sophie Suma (maîtresse de conférences contractuelle en Histoire culturelle de l'architecture et de la ville à l'Institut national des sciences appliquées (INSA Strasbourg) et docteure en arts visuels et architecture, elle enseigne également les études visuelles et le Design à la Faculté des Arts de l'Université de Strasbourg). Contributions de Daniel Payot (« Regards et légendes de paysages »); Lise Lerichomme (« Paysages sociaux »); Katrin Gattinger (« Le mobilier urbain comme figure d'ajustements artistiques du politique »; Guillaume Bonnel (« La ville invisible »); Caroline Guittet (« Construire la mémoire sociale des paysages urbains : quel photographe pour quelles représentations?? »); Bruno Steiner (« Le paysage à l'essai à Strasbourg : entre grand récit manifeste et explorations situées »); Sophie Lapallu (« Comment vivre en ville?? Quand l'art descend dans la rue : les Street Works »); Sophie Suma (« Le mall comme paysage »); Vivien Philizot (« Le Colorama de Kodak et la construction du regard dans le paysage urbain »; Sarah Calba et Olivier Crocitti (« La tâche de Sketch-up »).
Pour composer de la musique nous avons plusieurs moyens à notre disposition. Mais comment faire le premier pas pour composer ? Sur du papier, à l'ordinateur ou dans un groupe ? Avec ou sans notes et portées de musique ? Avec ou sans connaissance musicale préalable ? Comment un monde imagé peut-il aider à donner du sens à un projet musical et par là même donner du sens à la vie ? Pour tenter d'y répondre, après une introduction sur la charge du son et un aperçu de notation musicale, l'auteur partage l'expérience de l'écriture de ses compositions et expositions sonores des plus complexes aux plus simples, en passant par l'analyse de l'écriture des partitions du Suisse Adolf Wölfli. Agencer des sons s'adresse aux futurs compositeurs qui se prêteront au jeu mais aussi au public curieux de comprendre comment une composition musicale se fabrique et voit le jour dans les coulisses d'une fabrique d'imaginaires.
Adaptation graphique des poèmes-morphogrammes fidèle au manuscrit original inédit d'Yves Namur, poète belge renommé et multiprimé, sur papier machine à écrire et marguerites de 1984. 0, l'oeuf, un livre composé autour des seules lettres du mot « oeuf », chaque page se voulant un diptyque : dans la partie supérieure, un tableau ponctué de lettres et d'une ligne horizontale représentant un plan d'eau, et dans la partie inférieure, une partition ou les supports acoustiques dudit tableau. Comme l'écrit Francis Édeline, spécialiste des poésies visuelles et concrètes, qui en a analysé les dimensions formelles et rhétoriques, « ces morphogrammes sont au service d'un projet axiologique centré sur le symbolisme de l'oeuf. C'est la vie, c'est l'existence humaine, c'est le monde entier qui sont entraînés dans un perpétuel mouvement cyclique d'engendrement et de reconnaissance. Avec la complicité de notre système d'écriture. » Yves Namur (1952) est l'auteur d'une quarantaine de recueils dont La Tristesse du figuier (Lettres vives, 2012) ou Dis-moi quelque chose (Arfuyen, 2021). Ses livres ont reçu de nombreux prix parmi lesquels celui de la Communauté française de Belgique, le Tristan Tzara, le Guillevic ou le Mallarmé. Il est le Secrétaire perpétuel de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. Francis Edeline est poète, écrivain et traducteur mais aussi sémiologue apparenté au Groupe µ.
Cette nouvelle suite à la fois lucide et maîtrisée de Jean-Marie Corbusier, lequel n'en est pas à ses premières armes dans sa recherche d'approfondissement de la parole poétique, tente d'accéder, au travers de l'imagede la neige, à ces prismes diffus de la langue témoin des choses du monde rencontrées, toute chose sansborne comme le poème et que happe le mot : neige comme motif qui affirme et dissimule tout à la fois. Carce monde recouvert de neige à perte de vue / ici ou ailleurs indistincts exige pour être dit ces mots justes, pourreprendre un fragment de l'un des poèmes. Cette volonté de dire juste traverse tout le livre. Trouver les motsjustes pour en capter le sens, c'est vouloir dire au plus près possible ce monde hors de soi et dans lequel onse trouve projeté ; et, en quelque sorte, chercher à le voir autrement, mettre à vif tous tout ce qu'incarnentces fragments de monde qui s'offrent à la vue se dissimulant sous le blanc de la neige. Ce nouveau livre seconstruit autour d'un déroulé de la parole où chaque poème, chaque fragment, cherche à exprimer ce qui faitl'essence de la poésie : à la fois le silence sur lequel elle repose, son étrangeté dans la recherche de ses formesexpressives et la nécessité d'explorer de nouvelles voies langagières pour atteindre cette originalité en sa puissance de célébration. Ce livre est dès lors un refus affirmé de logiques programmatiques préétablies.
Cet ouvrage s'emploie à esquisser une histoire de l'art qui s'appréhende non pas par les sens de l'intellect que sont la vue et l'oeil, mais par l'un des oubliés du corps : le nez. Prenant pour point de départ les aventures futuristes du début du xxe siècle et s'étirant jusqu'à nos jours, il est proposé ici de rendre compte de la présence des effluves dans ce que l'occident a établi comme l'histoire de l'art. ni matière ni médium, ni courant ni mouvement, l'olfaction tout à fait invisibilisée par la critique, est pourtant omniprésente, et elle est bavarde. elle dit tout de notre monde, tout en s'opposant à une hégémonique culture du tout oeil, divisant depuis toujours le corps et l'esprit des artistes et des spectateurs. Par l'étude de l'odeur, l'art s'ouvre en une autre voie.
Texte lauréat du Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre, destiné à être mise en voix et en scène grâce à une aide à la création, cette évocation d'une femme sans abri et de sa condition marque les esprits. Présentation du livre à la Maison de la Bellone (Bruxelles) en juin 2022. « Les bras de Noémie c'est plein d'étoiles filantes. Quand tu regardes à l'intérieur tu vois qu'il y en a qui datent et d'autres qui viennent de mourir. Mais elle s'en fout Noémie, elle veut juste qu'on lui relève sa manche parce qu'elle veut pas mettre plein de liquide dessus quand elle se désinfecte les bouts de verre du pastis. Après elle rigole parce que ça pique l'alcool nonante. » Noémie, elle ne vit pas dans la rue, elle l'habite. Ce texte lui est dédié. On apprend à la connaître à travers ses déambulations, ses états d'âme, ses amours et ses envies de tout casser. Pour rester en vie, Noémie se mesure toujours à l'excès. Cette histoire la suit au présent, et tente de la percevoir à travers l'architecture d'une place et les architectures-tête qui gravitent tout autour d'elle.
Quel est le lien entre le nettoyage d'une maison et l'acte d'écrire ?
Quel est le lien entre ce chiffon qui est passé et les souvenirs qui remontent ?
Quel est le lien entre un laveur de vitres et une femme qui cherche avec les mots à dire le monde ?
Le mot, la force et la beauté du mot, qui nettoie les pensées, qui fait entrer la lumière, qui dit le monde extérieur et le monde intérieur, qui rend intime l'extérieur et qui permet de faire sortir l'intime de soi.
Partant du paradoxe que son panthéon cinématographique est quasi exclusivement composé d'hommes dont les films la touchent profondément et l'inspirent, en tant que cinéaste mais aussi en tant que spectatrice, Martine Doyen s'est prise au jeu de féminiser les traits de ses idoles pour découvrir ce qu'ils seraient en femmes, à défaut de pouvoir imaginer ce que leurs films auraient pu être, s'ils l'avaient été. et en attendant que s'installe la parité chez les réalisateurs et réalisatrices de films, cela soulage et permet de continuer à les adorer car, dans le fond, nos grands cinéastes sont des femmes aussi. reste à savourer cette galerie de portraits en tentant de reconnaître qui se cache derrière chacune de ces femmes dans ce who's who du cinéma international.
L'oeuvre poétique d'Esther Tellermann autour de laquelle nous avons construit ce dossier marque son époque tout comme elle en porte les traces profondes. Ce dossier met en évidence non seulement la profondeur et la mobilité de cette écriture poétique, laquelle se décline sous d'autres formes expressives telles que le récit et l'essai. Dense, sa poésie témoigne de la fragilité du monde dans lequel nous vivons. Cette parole poétique est forte, sans concession, alors qu'elle cherche à percer toutes les facettes de l'existence, depuis les moments les plus intime jusqu'aux événements les plus englobant de la culture, de l'histoire comme de ses dérives catastrophiques du monde actuel avec la violence et la barbarie que l'on y décèle, ouvrant sur des moments d'effondrement généralisé. François Rannou, qui a coordonné ce dossier, rappelle de manière très juste dans sa présentation l'état du monde dans lequel nous vivons, en reprenant les mots mêmes d'Esther Tellermann : « La guerre entre les sexes, entre les peuples, la torture, le chaos qu'instaure l'homme sur la Terre dans le même temps qu'il construit ses échafaudages politiques, philosophiques, psychologiques, scientifiques ». Nous complétons le dossier ici présenté par quelques contributions d'auteurs qui accompagnent le cheminement de la revue depuis un moment.
Cela ressemble à la lettre-journal d'un être enfermé et libre, parcourant des espaces divers à la fois réels et imaginés, un temps qui s'écoule fatalement rythmé comme nos vies. Qu'est-ce que vivre, qu'est-ce que vieillir ? Dans cette voix narrative d'un masculin usé s'immisce par trois fois la voix du poème, trois « chants ». Comme dans toute l'oeuvre d'Hélène Sanguinetti, il s'agit toujours d'affirmer qu'au milieu du désastre - et le désastre désigne autant notre difficulté à nous tenir parmi les autres qu'à nous porter nous-mêmes - un chant est possible. Chant cassé, aussi lucide que têtu. Englués, mortels et vivants, nous sommes : à nous de chanter jusqu'à la fin. La poésie d'Hélène Sanguinetti suit une trajectoire où s'affirment des oeuvres polymorphes, habitées par toute les expériences littéraires (depuis les contes et les légendes jusqu'aux proses et aux poésies les plus contemporaines), témoin des expériences de vie comme des expériences du corps. L'entretien mené par Jean-Baptiste Para en clôture du livre permet de découvrir comme de l'intérieur le travail qui est mené ici sur ce qu'elle appelle « du » poème, une langue visuelle et sonore, chargée de tout un peuple et de ses voix, « une sorte de matière faite de tout, où on taille, qui sonne, veut danser ».
Cette « tentative d'autobiographie » est une épopée où la poésie se mêle à la prose et au récit, où l'imaginaire et la fabulation se nouent au réel, et la légende à l'histoire. c'est aussi, en filigrane, une critique de la démarche autobiographique fondée sur la seule mémoire et le constat d'une impossible écriture chronologique et égocentrique de l'autobiographie. Dans le même temps réel, celui de l'écriture, se forge, à travers des réflexions critiques lapidaires sur soi-même, la société et notre temps, une éthique de l'existence. La place nettement prédominante donnée au poème et à l'écriture poétique indique par elle-même l'illusion du strictement narratif et chronologique comme accès à sa propre histoire, autant que l'impossibilité d'une appréhension autre qu'éphémère et d'un saisissement autre que fugace de la réalité. Mais il n'en demeure pas moins que le regard que nous forgeons et portons sur l'histoire reflète, lui, par bien des aspects, l'image que nous nous faisons de notre propre histoire et de notre « réalité ».
Où vivons-nous ? Qu'est-ce qui caractérise l'aménagement contemporain de l'espace ? Pour répondre à cette question, l'essai prend la forme d'une enquête phénoménologique et part de la description des pratiques les plus quotidiennes de l'espace : descendre dans le métro, faire ses courses dans un centre commercial, emménager, visiter un musée, s'installer à une terrasse de café... C'est sur la base de cette description du vécu de l'espace que s'élabore sa conceptualisation, à la croisée de la philosophie, de la théorie de l'architecture et de l'économie politique. si l'espace contemporain peut se définir comme un espace de l'éjection, en lien avec l'économie mondialisée, la phénoménologie de l'espace et de son aménagement laisse apparaître la possibilité d'une autre architecture : celle-ci impose le subjonctif, et se caractérise avant tout par sa dimension charnelle.
Cet album de « vues artistiques » reproduit, classées par planches thématiques, des photographies imprimées sur cartes postales datant des années 1900-1925. cette collection pousse à interroger les rapports entre les manières par lesquelles l'art de la peinture de la seconde moitié du xixe siècle, d'une part, et la photographie industrielle tirée sur carte postale au début du siècle suivant, d'autre part, ont su rendre le monde environnant.
Bien que les matérialités diffèrent, les cartes attestent d'une continuité, parfois d'une coïncidence, avec des tableaux. il suffit d'observer comment sont traités certains sites : Paris, son fleuve, ses avenues, ses parcs, ses champs de courses, puis les territoire champêtres aux alentours de la capitale, et plus loin le théâtre de la côte normande, et jusqu'au détour par le midi ou, de l'autre côté de la Méditerranée, par la colonie algérienne. avec la diffusion massive de la photographie sous forme de cartes postales, des photographes du début du xxe siècle ont reproduit plus que jamais le spectacle du monde environnant et se sont valorisés en pensant le faire à la manière de l'art.
Souffrance des mères de "Guernica", clameur des "Sabines" enlevées par les Romains, visage contourné d'une "Méduse" hurlante, confrontation de cris entre deux personnes dans une vidéo, oeuvre-cri sonnait l'alerte contre les tragédies d'Innocents migrants en Méditerranée, ou en mobilisation en faveur de l'anthropocène...
Au coeur de ces oeuvres une bouche trou, tache noire ou creux pour le regard. En cri ou en geste, la bouche attire l'oeil des spectatrices-spectateurs qui ne peuvent en obturer la béance. Mais depuis quand, pourquoi et comment ces oeuvres s'intéressent-elles à ces cris ? S'adressant au public soucieux de comprendre les arts et les images, de la fresque à la performance, cet ouvrage démontre et montre que ces oeuvres s'attachent, malgré leur réputation "de mauvais goût", à mettre en avant des scènes de cris afin d'en faire émerger la signfication moderne. Ces cris suspendent, en effet, toute culpabilité religieuse ou allusion aux dragons médiévaux. Ce sont des cris individuels ou collectifs, plein de réprobation envers des sources humaines (guerres, dominations, crimes), en forme d'appel aux spectateurs.
- Héritages et innovations est la première étude consacrée exclusivement à l'analyse des Recherches sur l'usage littéraire du langage, cours donné au Collège de France en 1953 par Merleau-Ponty. Cet ouvrage s'appuie sur l'édition critique du cours parue chez MetisPresses, et dont il présente le premier commentaire direct et approfondi.
- L'approche adoptée par Michel Dalissier témoigne d'un intérêt renouvelé pour la métaphysique dans l'oeuvre de Merleau-Ponty. Toutefois, son originalité tient au fait qu'il se fonde sur ce que Merleau-Ponty entend lui-même, explicitement, par « métaphysique » et sur les notions à travers lesquelles le phénoménologue aborde ce champ, telles que « faire être », « structuration », « conscience » ou encore « intersubjectivité ».
- L'objectif de l'ouvrage de Michel Dalissier est de montrer que le premier cours de Merleau-Ponty hérite d'une théorie métaphysique qui informe en profondeur son approche philosophique de l'écriture littéraire et permet d'expliquer en quoi l'usage littéraire, distinct du langage ou de la littérature, constitue une fonction conquérante de l'être par l'écriture.