Les stradivarius - violons réalisés par le luthier Antonio Stradivari entre 1666 et 1737 - font l'objet d'une fascination durable et cette aura a depuis longtemps dépassé le strict champ musical. Comment ces instruments, façonnés à Crémone au milieu du XVIe siècle, sont-ils devenus les compagnons de prédilection des plus grands violonistes ? En retraçant l'histoire du violon italien sur quatre siècles, l'ouvrage éclaire le développement du « mythe Stradivarius » et les raisons de sa renommée. Il s'appuie sur la collection nationale française conservée au Musée de la musique, qui constitue un corpus de sources historiques importante pour l'histoire de la lutherie crémonaise.
Un collage de jeunesse, une peinture de Rauschenberg, la scénographie de Luna Park ou un souvenir de Tex Avery sont autant de sésames pour entrer dans l'atelier du compositeur Georges Aperghis (né en 1945), connu pour ses affinités multiples avec la littérature, les arts et les techniques.
Parcourant une soixantaine d'images, évoquant une vie de rencontres et d'engagements, le compositeur, en conversation avec le musicologue Nicolas Donin, donne à voir les multiples facettes de son travail créateur : la composition solitaire, l'expérience collective du théâtre musical, les collaborations amicales, le dialogue avec des penseurs et artistes de toutes les époques. De cette mécanique singulière surgissent des apparitions imprévues : quelque chose n'est pas à sa place, puis se met à vivre d'une autre façon. Aperghis cultive l'art de l'oubli et de la redécouverte, et ce livre-imagier nous invite à en faire l'expérience avec lui.
Qu'est-ce que la musique ? Elle était autrefois un événement social inscrit dans le continuum de nos vies : on allait l'écouter ou on la pratiquait collectivement. Avec l'enregistrement, elle est aussi devenue un produit - un objet qui peut être vendu, acheté, privatisé et rejoué indéfiniment dans n'importe quel contexte. Les communautés humaines ne cessent, partout dans le monde, d'adapter leurs manières de créer, conserver, distribuer et recevoir la musique. Retracer ces métamorphoses, c'est comprendre ce qu'est la musique pour nous aujourd'hui et, peut-être, pourquoi nous l'aimons autant.
Dans ce livre-somme, l'auteur dévoile la fabrique de la musique, tout ce qui la fait vivre et nous fait vibrer : le processus de création, l'architecture des lieux d'écoute, ses effets sur nos émotions, l'influence des technologies et jusqu'aux logiques économiques qui régissent l'industrie musicale. En filigrane de cette exploration se dessinent la figure et le parcours du compositeur et musicien David Byrne, depuis les premiers concerts de Talking Heads au milieu des années 1970. Témoin et acteur d'une scène expérimentale naissante, l'artiste revisite son apprentissage en amateur, ses pratiques collaboratives et la découverte d'autres univers musicaux à Bali, au Japon, en Afrique de l'Ouest ou au Brésil.
Prodigieux inventeur, pionnier des musiques électroniques, Pierre Henry n'a cessé de composer de 1945 à 2017. Les opus et les innombrables musiques destinées à la radio, la danse, la scène, le cinéma ou la publicité témoignent de l'avènement et des évolutions de cette oeuvre unique dans l'histoire de la musique.
Cet ouvrage est conçu de façon chronologique, par périodes et par studios. Il donne à voir, à travers les notices de chaque pièce et ses corollaires, la progression technique et le foisonnement créatif de cette recherche insatiable, source d'une oeuvre ouverte et infinie.
« Ce n'est pas avec les mains qu'on joue du piano, mais avec le cerveau » : à l'occasion d'un périple en voiture, par exemple. Son de l'autoradio, mécanique du corps, performance idéale, rédemption technologique et « Idée du Nord ». Voici le voyage mental et spatial de Glenn Gould, tel un apologue en forme de road movie depuis les confins du pays. Le musicien fugue et passe dans le décor...
Glenn Gould (1932-1982), pianiste prodige, mais aussi compositeur, artiste de studio et essayiste, a passé le plus clair de sa vie à Toronto. Il a fait ses adieux au concert en 1964.
De 1985 à 1987, année de sa mort, Morton Feldman s'est rendu chaque été à Middelbourg aux Pays-Bas où se tenait alors le Festival Nieuwe Muziek. Il y était invité à jouer sa musique, mais aussi à en parler au cours de conférences, masterclasses et conversations.
Parler de musique, pour Morton Feldman, c'est évoquer l'enseignement, l'histoire de l'Occident, la classe moyenne, les tapis turcs et l'art - la peinture notamment, lui qui a aussi appris la composition en regardant travailler ses amis peintres, Willem de Kooning et Philip Guston. Face à un public d'auditeurs, de musicologues, d'élèves et de compositeurs (au premier rang, Bunita Marcus), Feldman se met en scène.
Sa pensée, débordante, se jouant des conventions et de la barrière du style, laisse entendre l'oeuvre, son répertoire de mouvements, le sens de sa beauté. Entre ces pages, au fil des rencontres avec Bach, Mozart, Beethoven ou encore Cage, Stockhausen et Xenakis (partenaire d'une conversation mémorable ici donnée dans son intégralité), se compose l'autoportrait d'un homme que la musique a ouvert au monde.
Sons, souffles, pas de danse, cultes rituels et art politique. Déchiffrés sur des lambeaux de papyrus où mots et lettres errent sur un océan de blanc, voici les fragments d'histoire de Sappho qui inventa sans doute la strophe saphique et le mode mixolydien. Organisant la beauté du monde pour produire une sensation de communauté, sa poésie résonne encore aujourd'hui.
Sappho, poète et musicienne, mais aussi cheffe de choeur, est née à ou près de Mytilène sur l'île de Lesbos entre 630 et 612 avant notre ère. On ignore quand elle mourut.
Danse du Soleil, ondulations rythmiques, recherche du Merveilleux, panthéon nordique personnifiant la lutte contre le chaos, minimalisme et harmonie des sphères. Voici la trajectoire de Moondog, modulée par la recherche d'un nouveau style musical, le jazz amérindien instruit de polyphonie occidentale. Aveugle et voyant, mendiant foulant toutes les régions du temps, Moondog accomplit sa traversée habité des puissances de la métamorphose.
Louis Thomas Hardin (1916-1999), dit Moondog, compositeur et musicien, mais aussi poète, passeur et nomade, a déambulé du Kansas à New York et de Bretagne en Allemagne, où il s'est éteint à Münster.
Créateur de L'Opéra de quat'sous, de « Alabama Song » et de Mahagonny, Kurt Weill (1900-1950) fait figure de compositeur populaire alors que des pans entiers de son oeuvre restent méconnus. Sous la République de Weimar, il adhère avec Bertolt Brecht aux avant-gardes musicales et théâtrales de l'entre-deux-guerres, cherchant à conjuguer art savant et culture populaire. Fuyant le nazisme, il accomplit la seconde moitié de sa carrière aux États-Unis et destine à la scène de Broadway l'essentiel de sa production. Partagé entre deux mondes, il défend pourtant dans ses écrits et entretiens, réalisés entre 1924 et 1950, la cohérence de sa démarche esthétique.
Témoin privilégié de son temps, à la fois théoricien, journaliste et praticien des médias, Weill vit en direct les développements technologiques du monde moderne. Il commente les événements politiques, sportifs et culturels, et affiche son attachement à l'American way of life. En voulant transformer la fonction dramaturgique de la musique, attribuer au compositeur le rôle moteur au sein du processus de création de l'oeuvre théâtrale et simplifier le langage pour le rendre plus accessible, il vise à définir les contours d'un théâtre musical idéal.
Décibel, course aux brevets, « téléphone à oreille » et leçons d'élocution. Voici la 161e biographie d'Alexander Graham Bell, le père du téléphone, figure clef de notre modernité sonore. Mais se pourrait-il que l'Histoire ait tout retenu à l'envers ? Voilà qu'un assistant talentueux, des inventeurs oubliés, des historiennes pugnaces, des Sourdes et des Sourds viennent soudain perturber le récit...
Alexander Graham Bell, scientifique et ingénieur, est né à Édimbourg en 1847. Trois ans avant qu'AT&T ne fonde les Laboratoires Bell (1925), il meurt dans son domaine privé de Beinn Bhreagh, en Nouvelle-Écosse.
De tous les instruments de musique fabriqués par les soldats lors de la Grande Guerre, beaucoup ont disparu dans les tranchées. Le violoncelle de campagne dit le « Poilu » a été réalisé par deux soldats avec des planches de récupération dans un atelier improvisé, il n'a pas été conçu pour durer. Il a pourtant survécu à la guerre grâce à son propriétaire, le violoncelliste Maurice Maréchal, conscient d'emblée du caractère remarquable de l'instrument. Le « Poilu », emblème de la lutherie de fortune de la Première Guerre mondiale, continue d'émouvoir, en raison de sa facture, de son timbre unique et de sa portée mémorielle. Pourtant, l'histoire de ce violoncelle et de ses deux luthiers, Antoine Neyen et Albert Plicque, n'avait encore jamais été écrite.
La notoriété du sitar en Inde au XIXe siècle a éclipsé en quelques décennies une illustre tradition instrumentale, celle de la bin ou vina. Auréolée de prestige pendant des siècles au sein des cours hindoues et musulmanes, elle y incarnait la quintessence de l'art musical.
Qu'il s'agisse de matériaux privilégiés pour la construction et la sonorité, de la diversité des formes et des couleurs ou du pouvoir symbolique d'un motif évoluant au contact de l'histoire et des cultures, les instruments portent en eux les échos multiples de traditions et d'inventions. Héritage et innovation se répondent selon les savoirs et les arts propres à chaque civilisation. Dans sa forme, conçu avec une reliure d'inspiration japonaise, l'ouvrage tente de traduire l'extraordinaire richesse et complexité de 100 trésors de la collection nationale du Musée de la musique, mais aussi l'émotion musicale que recèle chaque instrument, et l'étonnement qu'il peut susciter en chacun de nous.
Günther Anders (de son vrai nom Günther Stern) fut formé par la musique et les beaux-arts qu'il pratiquait lui-même activement. S'il n'est pas devenu musicien, ses expériences ont marqué sa pensée et nourri sa réflexion philosophique ultérieure. En témoignent les « Recherches philosophiques sur les situations musicales » (1930-1931), projet de thèse d'habilitation demeuré inédit, qui porte l'influence de ses professeurs Edmund Husserl et Martin Heidegger. Les écrits rassemblés dans cet ouvrage constituent l'une des toutes premières réflexions phénoménologiques appliquées à la musique, avant que le philosophe ne se tourne vers une approche sociologique, présentée dans la seconde partie du volume. « Qui la musique socialise-t-elle ? Qui est-elle censée toucher, et à l'initiative de qui ? Qui la reproduit ? » Anders s'intéresse à la transformation de l'être dans l'expérience d'écoute.
En l'explorant au prisme de cette singularité, Kofi Agawu dévoile ses structures participatives et communautaires, qui nourrissent l'imagination créative de ses compositeurs et interprètes. Déployée dans les rythmes, les mélodies, l'organisation formelle des sons, elle se décline jusque dans le corps de ses danseurs.
Parce que la musique africaine a toujours protégé son essence sans jamais se refuser à l'accommodation, cet ouvrage nous engage à penser son unité, comme ses ramifications hors du continent : elles sont autant de réponses musicales aux évolutions sociales, identitaires et culturelles du monde contemporain.
« La musique n'est pas du tout une chose, mais une activité », nous dit Christopher Small. S'il préfère utiliser le verbe « musiquer » plutôt que jouer ou écouter de la musique, c'est qu'il veut libérer l'analyse de l'expérience musicale de la tyrannie de l'oeuvre. Celle-ci est au service de la performance, non l'inverse. De la composition à l'écoute, à la danse ou au fredonnement solitaire, en passant par l'histoire, les institutions et les espaces de la vie musicale, Small part à la chasse de tout ce qui dote la musique de significations sans cesse renouvelées.
Dans cet essai influent et polémique, dont les réflexions sont ancrées dans un parcours dédié tout entier à la pratique de la musique comme à sa transmission, l'auteur nous invite à explorer la multiplicité des relations vivantes que nous imaginons, réalisons et célébrons lorsque nous musiquons.
Ouverture féministe est un livre manifeste qui propose une méthode et un cadre de pensée pour aborder la question du genre et de la sexualité en musique. En croisant les esthétiques et les époques, de Monteverdi à Madonna, en passant par Beethoven, Tchaïkovski ou Laurie Anderson, Susan McClary nous montre comment la musique peut servir l'ordre du genre, c'est-à-dire la division du monde en masculin et féminin, ainsi que la hiérarchisation entre les deux termes - une réalité qui affecte la vie quotidienne des hommes et des femmes, qui façonne leur corps comme leur identité.
Suis-je extérieur à l'opéra, un indésirable intrus ? Ma singularité queer déforme-t-elle les significations de ce monde majestueux ? Au centre de l'essai historique de Wayne Koestenbaum se déploie la voix de la folle lyrique, l'opera queen ; cet homosexuel fou d'opéra qui collectionne disques et coffrets, compile ses airs préférés, catalogue ses extases. Chez lui, l'adoration des divas provoque le vertige de l'identification : l'éblouissement, le renversement des rôles, la fuite et la lutte.
Paru en 1993, ce livre constitue l'un des premiers et principaux jalons de l'association entre opéra et homosexualité. Il est représentatif de ce moment où, au coeur des années sida, un certain nombre d'intellectuels gays décidèrent de sortir du placard. Koestenbaum en recompose l'histoire à la manière d'une dissection anatomique et retrace ce qui se passe à l'intérieur - du corps, de l'écoute, des institutions et de l'imagination. Dans ces fragments se construit un présent politique où les « consciences restent inexorablement séparées » (Roland Barthes).
Maître du temps et du timbre, Henri Dutilleux (1916-2013) a oeuvré dans des genres aussi éloignés que l'art symphonique ou la musique de film, de scène et de ballet. Passeur entre différents langages musicaux du XXe siècle comme entre plusieurs générations de musiciens et de mélomanes, il n'a cessé de prendre la plume ou la parole : hommages aux grands aînés (Beethoven, Schoenberg, Debussy, Ravel, Stravinski) et aux contemporains (de Poulenc à Jolivet en passant par Roland-Manuel, Nadia Boulanger et Pierre Schaeffer), entretiens, réponses à des enquêtes ou émissions radiophoniques. Ces textes apparaissent comme les balises d'une vie d'artiste sensible aux inscriptions dans la mémoire et, au-delà, retracent une histoire de la musique française à travers près de sept décennies (1941-2007). Le catalogue de l'oeuvre (soixante-treize notices) présenté dans la seconde partie de l'ouvrage témoigne d'une quête continue de formes toujours réinventées.
Si la voix d'Henri Dutilleux porte aujourd'hui encore dans l'esprit des jeunes musiciens de tous bords esthétiques, c'est parce qu'elle engage au mouvement et non à la doctrine ; à la reconnaissance d'un certain degré de liberté dans le domaine de l'art.
Qui, de nos jours, contesterait que les symphonies de Beethoven, les concertos de Schumann et les sonates de Schubert sont des oeuvres musicales ? L'on découvre pourtant dans cet ouvrage que penser la musique en termes d'oeuvres ne va pas de soi et que l'oeuvre musicale est un concept qui doit se lire en termes historiques. Cette enquête sur les origines de notre « musée imaginaire des oeuvres musicales » retrace ainsi les développements esthétiques, musicaux, politiques et sociaux qui, à la fin du XVIIIe siècle, ont contribué à sa formation, puis à son institution. Pour répondre à l'inquiétude moderne sur la nature et les implications de la production d'oeuvres dans le champ musical, Lydia Goehr revendique un concept d'oeuvre ouvert, historique, immanent aux pratiques elles-mêmes. Il s'étend alors aux formes contemporaines de la musique désormais intégrées dans notre « musée », comme celles de John Cage, en rébellion contre l'oeuvre, et jusqu'aux genres tenus pour populaires, tel le jazz.
Pierre Henry (1927-2017), pionnier des musiques électroniques, retrace l'ensemble de son oeuvre dans ces entretiens menés par Franck Mallet entre 1995 et 2016 : des objets sonores de son enfance à la naissance de la musique concrète dans le Paris d'après-guerre, des premiers opus au succès de Messe pour le temps présent, sans compter ses innombrables collaborations avec des chorégraphes, cinéastes, écrivains, plasticiens... Explorateur insatiable de nouvelles sensations musicales, oeuvrant nuit et jour sur ses consoles et dans le dédale de ses archives sonores pour faire vivre le son « éternellement », Pierre Henry laisse une marque indélébile dans l'histoire de la musique.
Icône d'une culture sonore globalisée, la musique de Steve Reich (né en 1936) est dans toutes les oreilles. Plus que des oeuvres musicales, le musicien compose des expériences sonores : par répétition, superposition et déphasage, un simple motif immerge l'auditeur dans un processus d'écoute. L'étiquette minimaliste qui qualifie généralement sa musique ne lui convient pas vraiment ; le compositeur préfère parler de musique à pulsations . Car chez Reich, répéter ne revient pas à simplifier. Son oeuvre interroge la perception du temps et du rythme sous toutes ses formes (musical et vocal ; corporel, urbain, plastique et mécanique), et l'économie de moyen dissimule toujours une prouesse musicale : composer 1 h 30 de musique a ' partir d'un unique motif de huit notes (Drumming) ou créer une pièce avec quatre mains pour seuls instruments (Clapping music). L'oeuvre de Reich nait au sein des avant-gardes de l'Amérique des années 1960. Mais son projet est plus large et cultive le dialogue avec des formes de musique ancienne et populaire (jazz, rock, cantillation hébraïque, percussions africaines, musique médiévale, etc.). Sa musique a très tôt conquis un large public ¿ sans pour autant épuiser son incessante quête créative. C'est peu de dire que Steve Reich a porté plusieurs casquettes : chauffeur de taxi à New York à sa sortie de l'université, fondateur d'une société de déménagement avec Philip Glass, il décide de gagner la côte Ouest pour prolonger ses expérimentations musicales, puis hésite a ' suivre ses amis au sein du groupe de rock Grateful Dead... Un parcours entrecoupe ' de découvertes et de voyages, notamment au Ghana où il étudie l'essence de la rythmique africaine. Ce volume regroupe les écrits de Steve Reich depuis 1965, ainsi que les principaux entretiens qu'il a menés jusqu'à aujourd'hui.