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Littérature
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Plasticien accompli, écrivain reconnu, Gao Xingjian construit depuis de longues années une oeuvre personnelle, très originale et profonde. S'il se sent avant tout artiste, créateur, résolument tourné vers la pratique, il n'en a pas moins développé, au fil du temps et des textes, une réflexion théorique singulière, à rebours des modes et des canons de l'art contemporain.
Dans le recueil De la création, Gao Xingjian a personnellement choisi les textes qu'il désirait voir traduits en français. Il s'y exprime sur le rôle de l'écrivain et ses conceptions artistiques, que ce soit en peinture, au cinéma, ou au théâtre et sur l'attitude de l'artiste par rapport à la société, qu'elle soit dominée par un régime totalitaire ou libéral. Ces textes dénoncent le " politiquement correct " et montrent l'originalité de l'auteur qui persévère dans sa voie d'homme seul, indépendant, dont la raison d'être est avant tout la recherche du beau dans tous les domaines.
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"Depuis qu'il écrit poèmes, romans, nouvelles, pièces de théâtre, livrets d'opéra, depuis qu'il peint, à l'encre de Chine, sur papier ou sur toile, des tableaux de toutes les tailles, mais jamais avec des couleurs, seulement avec les multiples nuances qui vont du blanc au noir, depuis qu'il filme, en plein air ou en studio, en couleur ou en noir et blanc, et crée des films muets ou parlant, depuis qu'il prononce des discours à l'invitation des musées, universités, associations artistiques et littéraires du monde entier, Gao Xingjian s'exprime en son nom propre, sans suivre les modes, en livrant son témoignage au sujet des difficultés existentielles que rencontrent les hommes depuis des temps immémoriaux, sans jamais penser que l'avenir pourrait être radieux, sans jamais croire aux discours des hommes politiques, des philosophes radicaux, des prophètes et des démiurges.
C'est un homme seul, qui n'appartient à aucune chapelle et qui se contente de livrer aussi bien sa vision du monde passé et du monde actuel que sa propre expérience artistique".
ND.
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Dans une enquête qui tient à la fois de l'essai biographique et littéraire, Saul Friedländer sort de sa spécialité pour chercher la clef la plus propre à ouvrir les portes de l'oeuvre de Franz Kafka. L'auteur de La Métamorphose n'est évidemment pas un inconnu pour le grand historien de la Shoah, dont le milieu d'origine pragois est, à une génération près, celui de l'écrivain. L'historien révèle ici sa profonde connaissance de son oeuvre comme du dernier état de la critique.
Prenant délibérément à contre-pied la biographie-hagiographie de Max Brod (1945), l'ami et exécuteur testamentaire de Kafka, Saul Friedländer plaide pour une lecture non censurée du texte. Il écarte toutes les interprétations qui tendent à faire de Kafka un mystique caché, un prophète du malheur et des catastrophes à venir. Kafka était, dit-il, un poète qui " suivait des rêves ". Prenant appui sur d'abondantes citations de ses écrits, il met l'accent sur le sentiment de honte sexuelle et de culpabilité qui a étreint l'homme tout au long de son existence, nourri par des obsessions lancinantes, la haine du corps, l'attirance pour les hommes et le sadomasochisme.
Cette entreprise d'interprétation audacieuse, qui sera sûrement discutée, est aussi l'une des meilleures invitations à lire et à relire l'un des plus grands écrivains du XXe siècle.
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Pourquoi moi ? l'expérience des discriminations
Olivier Cousin, François Dubet, Eric Macé, Sandrine Rui
- Le Seuil
- Essais Seuil
- 14 Février 2013
- 9782021097412
Qu'il s'agisse d'inégalités de traitement en fonction du sexe, de la race, de la sexualité, de la religion, de l'origine, des handicaps, de la santé... les discriminations sont aujourd'hui perçues et combattues comme la figure centrale des injustices. S'il est indispensable de les décrire et de les mesurer, il faut aussi que l'on sache mieux comment elles sont vécues par celles et ceux qui les subissent. L'écart est grand, en effet, entre les inégalités objectives et la manière dont les personnes les ressentent et, surtout, dont elles les tiennent pour justes ou injustes.Pourquoi moi ? s'efforce de rendre compte de ce vécu plus divers qu'il n'y paraît. De l'« expérience totale » qui fait de la discrimination le coeur de l'identité et du rapport au monde des individus à la distanciation que d'autres parviennent à installer grâce à un ensemble de stratégies et de tactiques, se déploie un espace de discriminations vécues de façon plus ou moins intense.Ces expériences sont déterminées par le jeu complexe des conditions sociales. Ainsi les plus discriminés ne sont pas nécessairement ceux qui éprouvent les sentiments d'inégalité les plus aigus. La comparaison entre l'école et l'hôpital montre que les discriminations sont perçues de façon très différente dans ces institutions pour lesquelles la diversité des cultures et des personnes ne constitue pas le même enjeu.Les discriminations et les luttes qu'elles entraînent révèlent de profondes transformations de notre vie sociale et de nos subjectivités ; non seulement elles dévoilent des injustices intolérables, mais elles montrent comment les individus essaient de se construire comme les sujets de leur liberté et de leur identité quand l'ordre social perd de son unité et de son ancienne légitimité.FrançoisDubet,OlivierCousin,EricMacé et SandrineRui sont enseignants à l'Université de Bordeaux Segalen, chercheurs au Centre Émile Durkheim et associés au CADIS à l'EHESS.
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Rien n'est plus frappant que la parole transgressive, truculente et torrentielle de Mo Yan. Depuis plus de trente ans, cette parole est inséparable d'un lieu : le canton du Nord-Est de Gaomi, dans le Shangdong, où est né Mo Yan.
Yinde Zhang étudie ici le travail de l'écrivain à travers ce " lieu de la fiction ", territoire réinventé qui engendre une verve irréductible à toute instrumentalisation et à toute simplification. Cette création verbale originale, enracinée dans la culture locale tout en manifestant sa portée universelle, est le lieu d'où s'expriment la révolte, la dérision, la violence ordinaire des hommes, l'amour et le rire. Lieu de la parole, matrice du style, de la langue et de la création que l'on compare bien souvent au Macondo de Garcia Marquez ou au Yoknapathawpha de Faulkner.
En proposant une lecture globale de l'oeuvre, Yinde Zhang questionne d'abord ce positionnement de l'auteur entre culture populaire, terroir, langue parlée et littérature universelle sous l'angle de l'ironie et du grotesque. Mo Yan casse les règles, les subvertit et crée un monde propre où dieux, animaux et plantes forcent les frontières de la pensée et du sentiment.
S'arrêtant ensuite sur les romans les plus significatifs et les plus retentissants de Mo Yan, Yinde Zhang dévoile la logique évolutive de son écriture. Bien loin de la littérature de terroir, son oeuvre s'articule nettement autour des questions posées par la modernité (violence intrinsèque au matérialisme triomphant, écologie, bioéthique).
En conclusion, Yinde Zhang dresse une analyse très éclairante de la position de Mo Yan, " engagé littéraire ", face à la Chine et au monde, telle qu'elle a pu être discutée lors de l'obtention du prix Nobel.
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- " Depuis vingt siècles, les romanciers, abandonnant aux philosophes le soin de s'accorder sur une définition de l'amour, ont entrepris d'en donner la description la plus complète. Ils ont interrogé les conditions et les aléas de sa naissance, sa durée fort variable, ses effets de surface et ses bouleversements de profondeur, sa physique, sa chimie, son histoire naturelle et sa géographie. Son histoire : à la différence des tragédies (et de la psychanalyse) qui voudraient nous faire croire que les passions amoureuses sont éternelles, les romans ne cessent d'explorer des réalités nouvelles, en employant des techniques narratives inédites capables de rendre compte de ces objets encore inconnus.Les romanciers ont promené leur miroir le long de ce chemin du réel. Ils ont enregistré, selon des techniques de plus en plus hardies (c'est l'histoire du roman) les changements du paysage amoureux. Mais les meilleurs des romans ne se contentent pas de reproduire la réalité. Ils l'éclairent, ils la montrent comme on ne l'avait jamais vue. Écrire une histoire des romans d'amour, c'est peut-être essayer de repérer comment, dans nos contrées occidentales où est né le roman, siècle après siècle, les romanciers ont inventé l'amour, cet amour-là, à jamais différent, à jamais exotique pour les peuples sans roman. "Des Métamorphoses d'Apulée jusqu'à Une passion simple d'Annie Ernaux, en passant par les oeuvres de Chrétien de Troyes, Cervantès, Rousseau, Goethe et Jane Austen, mais aussi Stendhal, Hardy, Tolstoï et tant d'autres, Pierre Lepape brosse la grande fresque de nos amours littéraires, dans tous les sens du terme.
- Journaliste, critique littéraire (il a longtemps tenu le célèbre " Feuilleton " du Monde des livres), biographe (Diderot, Voltaire, Gide, Sorel), Pierre Lepape est aussi un essayiste d'une rare culture. Chacun se rappelle Le Pays de la littérature (Fiction et Cie, puis Points essai).