Saga familiale sur fond de totalitarisme, roman d'apprentissage, récit amoureux et portrait d'un artiste qui cherche la voie de son accomplissement, "La Fin" a été salué comme l'un des grands romans hongrois de la décennie écoulée.
Les aventures d'un pilote spatial hors du commun, dont les missions extraterrestres sont marquées du sceau de la catastrophe. De sa formation de cadet au commandement d'un vaisseau, ce recueil, publié pour la première fois dans les années 1960, traduit dans le monde entier mais inédit en France et publié à l'occasion du centenaire de la naissance de Stanislas Lem, montre toute l'étendue du génie de son auteur et révèle enfin au public français les tribulations drolatiques et philosophiques de l'un des personnages les plus attachants de l'histoire de la science-fiction.
Oeuvre inclassable, «L'Ultime Auberge» est une exploration des tréfonds de l'âme et de l'esprit d'un écrivain malade, aux prises avec les revers de l'existence autant qu'avec un pays d'origine abhorré. Entre confessions et réflexions, joies et souffrances, vie personnelle et vie publique, Kertész saisit le monde autant que lui-même, offrant un autoportrait de l'artiste au travail - un artiste réfractaire et toujours insoumis. «L'Ultime Auberge», oeuvre superbe et vertigineuse, prouve une fois de plus le talent d'un immense écrivain de renommée internationale.
Stasiuk, grand bourlingueur devant l'éternel, repart en voyage dans le grand Est. Cette fois-ci, il est accompagné d'un ami, un type introverti et taciturne. Le trajet est bien tracé, en ligne droite : Ukraine, Russie, Kazakhstan, Mongolie. À l'image du parcours, la narration aussi est linéaire et se fait au gré des kilomètres avalés. Andrzej Stasiuk ne cesse de nous surprendre. Il a beau changer de style, de registre, ses variations autour du voyage nous touchent toujours autant par leur sincérité et par ce sens de l'observation aiguisé dont il est le maître. Ode à la voiture, carnet de rencontres drolatique et dénonciation acerbe des stéréotypes que les peuples entretiennent les uns à l'égard des autres, «Mon bourricot »est tout cela à la fois. On a tout simplement envie de monter dans sa voiture et de parcourir avec lui des milliers de kilomètres, sans but précis... Parce qu'un voyage se passe de motifs. Parce qu'on part pour mieux se quitter soi-même.
Bien avant la consécration de son travail par le prix Nobel de littérature en 2002, Imre Kertész a noté, sur une période de trente ans (1961 à 1991), ses observations, ses pensées philosophiques et les aphorismes qui l'accompagnaient lors de l'écriture de ses premières oeuvres.
A travers un dialogue avec Nietzsche, Freud, Camus, Adorno, Musil, Beckett, Kafka, et bien d'autres encore, Imre Kertész tente, de façon brillante, de penser l'holocauste, la modernité, la liberté et le totalitarisme.
Après qu'Imre Kertész eut reçu, en 2002, le prix Nobel de littérature, quantité de rumeurs circulèrent au sujet de son existence. La plupart confondaient la vie du héros d'Etre sans destin avec celle de son auteur. Voilà pourquoi, dans Dossier K., Imre Kertész révèle ce que son oeuvre occulte. Lors d'un dialogue avec un ami (ou alter ego), l'enjeu devient palpable : la vérité autobiographique existe-t-elle ?
Néanmoins, pour le lecteur, la découverte est immense - l'humour et le détachement de l'auteur invitent à le rencontrer sous un autre jour, presque intimement. Tout en suivant la chronologie d'une vie meurtrie puis ressuscitée, ce "roman platonicien" s'arrête sur des expériences essentielles, celles qui sont à l'origine de l'oeuvre littéraire d'Imre Kertész.
Voici le roman qu'Imre Kertész était en train d'écrire au moment où il a reçu le prix Nobel 2002. Dans une sorte de suite spirituelle du Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas, la voix, la souffrance mais aussi la force des femmes sont ici plus présentes que jamais.
Doublement traumatisé par l'expérience concentrationnaire puis par la mise au ban stalinienne, Imre Kertész est confronté, après l'effondrement du communisme d'Etat de la Hongrie, aux conséquences d'une inédite liberté. On lui demande d'être l'éternel témoin et garant de la mémoire de l'Holocauste, on l'invite en Allemagne, en France, en Italie, à Vienne et à Tel-Aviv. A soixante-dix ans, il visite des lieux de son passé ou découvre enfin le visage réel d'une Europe qu'il n'avait jusqu'alors appréhendée qu'à travers son immense érudition. Dans le compagnonnage de Wittgenstein, qu'il traduit, Imre Kertész se rencontre et se cherche. Qu'est-il devenu ? Qu'est devenu le monde à la fin des années 1990 ? C'est en écrivain que Kertész transforme en autant d'illuminations ces questions auxquelles se mêlent rêves et souvenirs, choses vues et expériences marquantes.
À la fin du xve siècle, le Serbe Constantin Mihailovic adresse aux rois de Pologne et de Hongrie ses Mémoires d'un janissaire, où il récapitule les instants les plus dramatiques du siècle de fer et de feu qui vient de s'écouler.
Il avait servi, de 1455 à 1463, dans le régiment turc des janissaires, lorsque l'Empire ottoman achevait la conquête du monde balkanique.
En forme de chronique des règnes des sultans ottomans, son récit rapporte la disparition des principautés chrétiennes, et expose, de la bataille de Kosovo à la prise de Constantinople en passant par la figure de Vlad Dracul « l'Empaleur », toute la matière qui donna lieu, quelques siècles plus tard, aux romans nationaux dans les Balkans contemporains.
Ce livre se situe dans la veine que La route de Babadag et Fado : cest le récit subjectif dun périple en terre inconnue et hostile, lAllemagne. Pour une fois néanmoins, Stasiuk ne raconte pas ses pérégrinations dans « lautre Europe » (Balkans, Europe Orientale), mais dans lun des pays les plus riches de ce continent : lAllemagne. De plus, il sagit de voyages organisés, puisquil est invité à un nombre impressionnant de soirées littéraires. Ses nombreux trajets en train, les chambres dhôtel, les taxis, lui permettent dobserver, souvent avec émerveillement, la vie des gens, leurs comportements, et de les comparer à lidée préconçue quil avait, sachant que lanimosité envers les Allemands est profondément ancrée dans la population polonaise (animosité qui concerne pas leurs voitures). Il observe le pays et ses habitants en Polonais, en Européen, il se les approprie et en donne une image attachante autant que subjective. En définitive, « un voyage en Allemagne, cest une psychanalyse. »
Le lecteur français naura pas de mal à suivre Stasiuk dans ses flâneries et ses réflexions et pourra à loccasion confronter ses propres préjugés à ceux de lauteur.
Andrzej Stasiuk est né en 1960 à Varsovie. Il est écrivain, poète et critique.
Dans sa jeunesse, militant pacifiste, il refus de faire le service militaire et passe deux ans en prison. Il a ensuite travaillé pour des journaux clandestins. Il a quitté Varsovie en 1987 pour sétablir à Wolowiec, petit village des montagnes de Beskides. Depuis 1996, il dirige avec sa femme Monika Sznajderman la maison dédition Czarne, spécialisée dans la littérature dEurope centrale et publie régulièrement dans les meilleurs journaux polonais et étrangers.
« Légère et lumineuse, la prose de Stasiuk sépanouit entre veille et sommeil agité, rêve et réalité télévisuelle, passé et promesses incrédules. () En France, on connaît peu Andrzej Stasiuk, voix majeure et rebelle de la littérature contemporaine polonaise. Cela prendra le temps quil faudra, mais cela va changer. Alors autant le lire tout de suite. » (Judith Steiner, Les Inrockuptibles)
Sur Fado :
« C'est de l'intérieur que Stasiuk nous parle, des pays slaves, de la Roumanie, de l'Albanie, des Balkans... en connivence avec cette vaste étendue que le XXè siècle n'a cessé d'ébranler. Vingt-quatre chapitres comme vingt-quatre balades mélancoliques, subjectives, infiniment précieuses à notre compréhension de ce monde à nos portes que nous ne savons pas regarder. » (Nathalie Crom, Telerama)
« Une fois encore, en extrême Europe, l'écrivain polonais nous guide sur ses chemins - qui ne conduisent nulle part ailleurs qu'en nous-mêmes. [...] Andrzej Stasiuk répertorie, avant qu'elle ne s'efface totalement, cette Europe qui s'est pressée à nos portes et qu'aujourd'hui nous engloutissons - sans vraiment la digérer. Cette Europe extrême, s'étendant de la Pologne à la Macédoine, de l'Ukraine au Kosovo, c'est celle que l'Histoire martyrisa puis figea - et qui n'avait que son passé pour héritage. » (Thierry Cecille, Le Matricule des anges)
« Stasiuk n'a pas commencé à résister sur le tard. Résister, modestement, c'est aussi écrire sur l'Europe centrale, une Europe pour laquelle "l'Histoire des changements est l'histoire des défaites". [...] Dans l'Europe de moindre qualité qu'arpente Stasiuk, le cours du Temps est bousculé. L'anachronisme n'existe pas. Il suffit, pour s'en rendre compte, de circuler sur une route roumaine. Quant au futur... Stasiuk interroge notre vieille Europe, si fière de ses beaux billets, de son progrès perpétuel et du reste: "Nous voulons devenir vous, mais vous, voulez-vous être nous? J'en doute." » (Norbert Czarny, La Quinzaine littéraire)
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Dans leur camionnette déglinguée, deux amis sillonnent les Carpates pour faire du business avec le rebut des pays occidentaux. L'excellent auteur polonais Andrzej Stasiuk raconte, avec ironie et plein de verve, l'arrière-cour de la grande maison européenne.
Lorsque l'Académie suédoise distingue Imre Kertész, le communiqué disait ceci :
"Le prix Nobel de littérature pour l'année 2002 est attribué à l'écrivain hongrois Imre Kertész pour une oeuvre qui dresse l'expérience fragile de l'individu contre l'arbitraire barbare de l'histoire.
L'oeuvre d'Imre Kertész examine si la possibilité de vie et de pensée individuelles existe encore à une époque où les hommes se sont subordonnés presque totalement au pouvoir politique. Son oeuvre revient continuellement sur l'événement déterminant de sa vie : Auschwitz, où il fut déporté adolescent lors des persécutions nazies des juifs hongrois. Pour l'écrivain, Auschwitz ne constitue pas un cas d'exception, tel un corps étranger qui se trouverait à l'extérieur de l'histoire normale du monde occidental, mais bien l'illustration de l'ultime vérité sur la dégradation de l'homme dans la vie moderne." La reconnaissance de l'Académie suédoise est au centre de ce journal de 2001 à 2003. La vie d'avant - la vie d'après. Finalement pas si différentes qu'on l'imagine.
L'auteur s'amuse avec beaucoup d'autodérision de ses premiers pas dans le monde de l'informatique et du traitement de texte, mais il est rapidement rattrapé par ce qui l'a pourtant poussé à écrire sur un clavier : la maladie de Parkinson, qui handicape sa main droite. Comme on le sait, cette maladie n'altère pas les facultés mentales, et Kertész se voit confronté, avec toute la lucidité qui le caractérise, à sa lente déchéance physique.
Les réflexions que lui inspire l'écriture de son roman Liquidation (Actes Sud, 2004 ; Babel n° 707), qui avance à grand peine, sont un des leitmotive du journal de ces années. Kertész est insatisfait de son travail et se demande s'il a encore des facultés créatrices, qu'il associe au plaisir d'écrire à la main. D'abord amusant, l'ordinateur devient le triste compagnon de ses longues nuits d'insomnie où il ressasse son impuissance, ses idées noires. La maladie soudaine de son épouse le fait s'enfoncer encore plus profondément dans les ténèbres.
Son texte est également jalonné de remarques (quasi-prophétiques) sur la situation intérieure hongroise et la montée inexorable des idées néo-fascistes et de l'antisémitisme, qui amène Kertész à quitter le pays pour s'installer à Berlin.
Le prix Nobel de littérature le fait connaître du grand public hongrois, mais lui attire aussi des inimitiés. Il poursuit néanmoins l'écriture de Liquidation dont la parution clôt ce journal.
Sauvegarde est un texte remarquable de sincérité : au-delà des réflexions sur la politique, l'histoire et la littérature, on peut lire le "portrait véritable" d'un vieil homme dont le sens aigu de l'observation n'épargne ni le monde qui l'entoure, ni lui-même.
Dans les bas-fonds de T el Aviv à la fin des années 1960, deux Polonais sans le sou, Robert et Jacob, programment de séduire une riche veuve américaine visitant Israël pour ensuite lui extorquer de l'argent. Le vieux Robert est le metteur en scène de cette arnaque au mariage : il écrira des tirades douloureuses et passionnées, que le beau Jacob interprétera avec flamme pour que la femme tombe amoureuse de lui. Les deux hommes sont accompagnés d'un chien, l'unique bien que Jacob est censé posséder sur cette terre, animal qu'il devra tuer dans une ultime scène de désespoir avant d'avaler une dose mortelle de somnifères... Mais Jacob est-il le seul à jouer un rôle dans cette pièce absurde et cruelle ?
Dans ce classique de la littérature polonaise, on entrevoit tout d'abord, un reflet de Madame Bovary : Varsovie remplace Rouen, Emma est professeur de piano et son séducteur, poète ; et l'arsenic se change en quinine. Il ne manque pas non plus l'ennui d'une petite ville de province et la passion de la chair pour s'en distraire. Puis, le tableau s'enrichit de quelques particularités de la Pologne des années 1950 : les queues devant les magasins, la pénurie, et les artistes au service de la propagande d'État. Enfin, la jeune femme qui a suivi son propre désir en s'offrant se gave de quinine non pour mourir, mais pour continuer à vivre, et ne vomit pas tant le poison que son dégoût du poète auquel l'écriture et l'imprimerie donnent le dernier mot.
Après le succès d'Une saison à Venise, récits d'une initiation sexuelle pendant la Seconde Guerre mondiale.On retrouve dans La nudité des femmes et Le cirque, le protagoniste d'Une saison à Venise, Marek. La trilogie de l'adieu à l'enfance se poursuit avec deux récits d'initiation sexuelle qui se déroulent en 1941, pendant l'occupation nazie en Galicie, avec toute l'ambiguïté du rapprochement entre l'émerveillement de la découverte des plaisirs charnels et l'effroi face à la violence et la mort.La nudité des femmes commence brutalement par la découverte par Marek de femmes nues : les corps de femmes juives fusillées. Alors que la fantaisie enfantine triomphait de la réalité dans Une saison à Venise, ici la tonalité est plus grave et la triste réalité balaie tout l'espace du rêve, à l'image du cirque qui lève le camp dans la nuit.Marek quitte l'enfance et, les sens en éveil, il s'adonne à des jeux de moins en moins innocents.Émerveillée par la découverte sensuelle, la fantaisie enfantine affronte une réalité qui menace de prendre le dessus. Deux récits d'initiation, deux épisodes de l'apprentissage de la chair, comme des percées d'insouciance et de lumière dans l'épaisse toile de fond de la guerre.Wlodzimierz Odojewski est né en 1930 dans la ville de Poznan en Pologne. Profondément enracinée dans l'histoire de l'Europe orientale, son oeuvre montre comment la réalité brutale finit toujours par rattraper les élans de l'imagination. Son précédent roman, Une saison à Venise est déjà disponible chez Rivages dans la collection Bibliothèque étrangère (nº622).
1927 : l'inspecteur Mock se retrouve à enquêter sur un tueur en série ayant commis plusieurs crimes marqués par une mise en scène sordide. Les morts s'amoncèlent mais ne se ressemblent pas : un chômeur enchaîné et emmuré vivant dans son réduit, un sympathisant du parti nazi découpé en morceaux, un sénateur corrompu assassiné avec une prostituée dans une maison close. Après de recherches minutieuses dans les archives de la ville, où il étudie les pages des Antiquitates Silesiacae (un ouvrage du moyen-âge répertoriant des crimes commis en Silésie), Mock découvre que chaque assassinat fait référence à un meurtre perpétré plusieurs siècles auparavant. Dans le même temps, un individu ténébreux à la tête d'une secte millénariste, le prince Orloff, donne une série de conférences à Breslau dans lesquelles il prédit la venue de l'antéchrist. Pour le prince, cette série de crimes ne fait qu'annoncer la fin du monde et il entend bien profiter du climat de panique qui règne à Breslau pour faire avancer ses idées. C'est oublier un peu vite le rationalisme de Mock, qui entend bien faire la lumière sur cette affaire et faire taire les superstitieux de tous bords. Outre une intrigue policière parfaitement menée, Fin du monde à Breslau recrée à merveille l'atmosphère des années 20 en Europe centrale. Dès les premières pages, le lecteur plonge avec délectation et gourmandise dans une ambiance délicieusement désuète et surannée. L'auteur brosse un tableau à la fois exotique et fascinant de cette ville polonaise : belles femmes éthérées, aristocrates dépravés, membres de sectes et morphinomanes évoluent dans un décor de ruelles recouvertes de neiges, entre bars, restaurants, maisons closes, opéra, théâtres et casinos. Sans oublier bien sûr notre héros, Eberhart Mock : un inspecteur sanguin porté sur l'alcool et les jolies femmes, qui soigne ses gueules de bois légendaires (et les dépressions qui leur sont associées) en menant l'enquête à coups de poing et de remarques lapidaires.
Dresde, juillet 1950.
Dans un hôpital psychiatrique, un homme délire, victime d'hallucinations et d'une phobie des insectes.
Ce patient se nomme Herbert Anwaldt. II a été l'assistant du conseiller criminel Eberhard Mock, chargé d'enquêter sur une affaire qui s'est déroulée en 1933. Cette année-là, trois cadavres sont découverts dans le train Berlin-Breslau, dont celui de la jeune aristocrate Marietta von der Malten.
Son corps mutilé et fourré de scorpions est orné d'une inscription annonçant une malédiction et une vengeance dont les origines semblent se perdre dans la nuit des temps. L'enquête prouvera que l'Histoire ne fait que se répéter et que ses fantômes ne sont jamais loin... Quatrième volet des aventures de Mock, La mort à Breslau est une remarquable description d'une ville, mais également d'un pays, l'Allemagne, où s'installe l'hitlérisme.
De son arrestation, à budapest, à la libération du camp, un adolescent a vécu le cauchemar d'un temps arrêté et répétitif, victime tant de l'horreur concentrationnaire que de l'instinct de survie qui lui fit composer avec l'inacceptable.
Parole inaudible avant que ce livre ne vienne la proférer dans toute sa force et ne pose la question de savoir ce qu'il advient de l'humanité de l'homme quand il est privé de tout destin. cette oeuvre dont l'élaboration a requis un inimaginable travail de distanciation et de mémoire dérangera tout autant ceux qui refusent encore de voir en face le fonctionnement du totalitarisme que ceux qui entretiennent le mythe d'un univers concentrationnaire manichéen.
Un livre à placer à côté du si c'est un homme de primo levi.
Enfin reconnu, imre kertész a reçu le prix nobel de littérature pour son "oeuvre qui dresse l'expérience fragile de l'individu contre l'arbitraire barbare de l'histoire".
La mélancolie, nous dit László F. Földényi, est une tonalité constante du tempérament de l'homme occidental, quels que soient les contextes idéologiques qui le baignent. Il y aurait donc un fond de mélancolie, un esprit mélancolique à l'oeuvre dans les soubresauts de la culture européenne.
Tour à tour marque des devins et des hommes d'exception de l'Antiquité, maladie mentale caractérisant l'insensé du Moyen Age, altération psychique du héros romantique plongé dans la tristesse et l'ennui ou du névrosé ordinaire qui court les rues de la vie moderne, cette figure singulière des maladies de l'âme n'en reste pas moins l'expression aiguë des profondes contradictions de l'identité humaine.
Cette affection - aubaine ou fatalité - traverse les époques en convoquant autour d'elle philosophie, médecine, esthétique, art, ce qui en fait le lieu par excellence où ne cesse de se poser et de se renouveler l'interrogation sur le sens de l'existence. C'est que la mélancolie a l'audace de dévoiler le ressort caché de la condition humaine : cette ambivalence inconfortable de l'homme écartelé entre son destin d'être fini et son désir d'infini, s'éprouvant avec un plaisir jouissif ou une souffrance accablante. Mais toujours, vertigineusement, comme un moins que rien qui désire plus que tout.
La mélancolie, c'est l'histoire de cette épreuve solitaire indépassable mais c'est aussi et surtout une épreuve décisive de lucidité, selon le pessimisme serein du philosophe, qui lui rend ici un brillant hommage.
Dans un petit village du midi, les habitants surveillent Toni, garçonnet énigmatique au sourire béat, qui marche inlassablement sur la terre, collectionne des fossiles et crustacés. Toni cherche son père et ne trouve que du silence sur les mains et dans les coeurs. Sa mère muselée par les secrets lui ment, manigance le passé, l'aime avec rage. Elle ne sait plus qui tient l'autre par la main. Un guerrier samburu, une centenaire délaissée par son mari ontorsionniste, et un ancien résistant devenu tueur de cochons les aideront à traverser les épreuves. En quelques heures, un drame dans la nuit lente de juin dénouera leurs solitudes.
L'histoire commence dans un atelier de couture où un tailleur confectionne des vêtements. Il manie avec dextérité différentes étoffes, choisit des couleurs, des coupes... Tel un démiurge, il prépare la matière du futur récit pour donner vie aux personnages qui porteront ces habits. Comme il lui faut un lieu autour duquel nouer l'action, il a employé des ouvriers qui ont construit une petite place bordée de jolies maisons, avec un parterre de fleurs au milieu. De là partent quelques rues qui s'arrêtent net une centaine de mètres plus loin. Au-delà, un décor artificiel, en carton et planches, où le faux paysage est peint pour donner l'illusion de la continuité et de la perspective. La motivation des ouvriers déclinant, la révolte gronde et le défaut qui s'infiltre dans l'histoire va entraîner un véritable chaos, sous la forme d'un krach boursier et d'un afflux massif de réfugiés. Le récit semble se tisser sous nos yeux en plusieurs versions, et différents points de vue sont imaginés : « Si je suis... l'étudiant, le notaire, la bonne, etc. » Aussi le lecteur se lance-t-il avec délectation dans cette quête imaginaire du narrateur. La virtuosité de l'écriture se met au service d'une évocation littéraire de l'Holocauste : les réfugiés reçoivent un accueil mitigé de la population et très vite l'animosité à leur égard s'intensifie. Alors que la meute s'organise pour les rendre « hors d'état de nuire », ils disparaissent comme par enchantement, sans laisser de trace, mais une interprétation possible serait qu'ils ont été asphyxiés dans la cave où on les avait enfermés. On trouve à l'intérieur du récit d'autres éléments qui rappellent le ghetto de Varsovie, l'extermination de la communauté juive et le caractère insoutenable du souvenir même de cette présence.
A la fin du XVe siècle, le Serbe Constantin Mihailovic adresse aux rois de Pologne et de Hongrie ses Mémoires d'un janissaire, où il récapitule les instants les plus dramatiques du siècle de fer et de feu qui vient de s'écouler, et qu'il vécut pour ainsi dire aux premières loges.
Car il avait servi, de 1455 à 1463, dans le régiment turc des janissaires, lorsque l'Empire ottoman conduisait à son terme la conquête du monde balkanique, des rives de l'Egée aux berges du Danube. En forme de chronique des règnes des sultans ottomans, le récit de Constantin rapporte ainsi la disparition des principautés chrétiennes, serbes, valaques ou byzantines, et expose, de la bataille de Kosovo à la prise de Constantinople en passant par la figure de Vlad Dracul "l'Empaleur" ou celle du Skanderbeg albanais, toute la matière qui donna lieu, quelques siècles plus tard, aux romans nationaux dans les Balkans contemporains.
Ce récit patriographique sur un monde révolu, qui ne nous est parvenu que dans des versions polonaise et tchèque, n'avait jamais été traduit en français.