JEAN SESE
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«Sigismond ... Qu'est-ce que la vie ? Un délire. Qu'est donc la vie ? Une illusion, Une ombre, une fiction ; le plus grand bien est peu de chose, car toute la vie n'est qu'un songe, et les songes rien que des songes.» La vie est un songe, comme toutes les grandes créations poétiques, offre une pluralité de significations. Mais ce n'est pas par hasard que le personnage de Sigismond est devenu, auprès de Don Quichotte et de Don Juan, l'une des grandes figures mythiques que l'Espagne a proposées aux hommes pour les aider à affronter leur destin et à élucider l'angoissant mystère de leur condition. Derrière l'homme temporel, aux prises avec l'événement, l'histoire, la circonstance, se profilent toujours, chez Calderón, l'homme éternel et son interrogation tragique sur la vie, sur la mort, sur l'au-delà ou sur les fondements de l'être.
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La vie de Lazarillo de Tormes ; la vida de Lazarillo de Tormes
Anonyme
- Flammarion
- Gf
- 23 Juin 1993
- 9782080706461
En 1554, on publie simultanément à Burgos, Alcalá et Anvers, une courte biographie anonyme La vida de Lazarillo de Tormes : oeuvre surprenante qui retrace non les amours d'un berger ou les exploits d'un chevalier, mais la vie d'un va-nu-pieds. Après un triomphe initial, l'ouvrage va figurer sur la liste des livres interdits. Peine perdue, le succès ne s'est pas démenti, jusqu'à nos jours.
Lazare, le héros, est un personnage très nouveau, un gueux, un picaro ! Il tourne en dérision les valeurs fondamentales de la société espagnole : foi et honneur. Lazare est un espagnol pauvre, qui porte un regard ironique sur la société et met à nu la dureté, l'hypocrisie et le cynisme du monde.
Voleur d'andouilles ou perceur de coffres, le picaro ne se paye pas de mots : la vérité n'est pas celle qu'on dit. Pour survivre, il lui faut aller voir de l'autre côté de la vie, selon l'expression de Céline.
Car Lazarillo a eu une prospérité féconde : entre autres, Guzmán de Alfarache, Simplicius, Moll Flanders, Bardamu ou Schveik sont tous cousins picaresques de Lazare.
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En quête d'une poétique du rêve, Pessoa situe également Le Marin au paroxysme du tragique :
"Oh, quelle horreur, quelle horreur intime dénoue la voix de notre âme et les sensations de nos pensées et nous fait parler et sentir et penser quand tout en nous demande le silence et le jour et l'inconscience de la vie..." (p.63).
Cinq personnes : Trois Veilleuses, le Marin et "la cinquième personne [...] qui tend le bras et nous interrompt chaque fois que nous allons sentir" - composent ce "drame en âme".
"Ne sentez-vous pas tout cela comme une araignée qui d'âme en âme nous tisse une toile noire qui nous attrape ?"
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La guerre carliste ; les croisés du roi ; la lueur du brasier ; comme un vol de gerfauts...
Ramón del Valle-Inclán
- Sillage
- 29 Novembre 2008
- 9782916266381
La trilogie de la Guerre carliste est le récit d'une lutte fratricide, dans le décor sauvage d'une Galice transfigurée. Entre 1872 et 1876, le désastre s'abat sur les régions rebelles au pouvoir de Madrid. La population se range derrière Charles VII, prétendant au trône. Fidèle à sa religion, attaché à ses idéaux, tout un peuple part au combat, mené par les héros, parfois sanguinaires, qu'il s'est choisis.
C'est le récit d'une guerre perdue d'avance, que Joseph Conrad considérait avec « le vague regret du romanesque qui disparaît ».
Parue en 1908 et 1909, la trilogie de la Guerre carliste est un des sommets de l'oeuvre romanesque de Ramón del Valle-Inclán (1866-1936), poète, homme de théâtre, auteur majeur de la littérature espagnole.
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« Jean de la Croix, écrit le grand poète espagnol Jorge Guillén, est le plus grand poète le plus bref de la langue espagnole, peut-être de la littérature universelle. » Mais cette poésie est d'une telle densité, d'une telle intensité, d'une telle beauté qu'elle représente un sommet de toute la poésie amoureuse.
Les circonstances dans lesquelles cette oeuvre a vu le jour sont pourtant des plus pénibles. Le 2 décembre 1577, Jean de la Croix est enlevé de force et sévèrement enfermé dans une cellule du Couvent des carmes mitigés de Tolède hostiles à la ré-forme qu'il souhaite promouvoir. Pendant huit mois, il y est soumis à un isolement total et à de grandes vexations. Mais c'est au cours de cette période qu'il compose une grande partie du fameux Cantique spirituel. Selon la tradition, les premiers vers lui seraient venus en entendant, du fond de son cachot, chanter une chanson d'amour : « Je me meurs d'amour, / Mon Amour, que faire ? » Transposée en amour divin, l'inspiration du poète exprime la brûlure d'un amour que rien ne peut apaiser. Quant au poème Nuit obscure, souvent considéré comme son chef-d'oeuvre, il fut écrit, semble-t-il, très peu de temps après son évasion de sa prison de Tolède.
Introuvable depuis plusieurs années, la traduction de Bernard Sesé, qui constitue depuis trente ans l'édition de référence des poèmes de Jean de la Croix, est ici publié dans sa version définitive, tout à la fois complétée de nombreux poèmes (notamment les admirables et très peu connus versillos) et substantiellement révisée. Bernard Sesé est également l'auteur d'une Petite vie de Jean de la Croix (1990). Il est le tra-ducteur des Dits de lumière et d'amour (1985).
Les « versets » (versillos) ont été écrits pour légender les cartes du Mont de Perfection dessinées vers 1578 par Jean de la Croix pour les carmélites de Beas de Segura.
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Beauté, connaissance, transcendance : le triple idéal qui oriente la vocation poétique de juan Ramon Jiménez (1881 - 1958) est suggéré par la forme plurielle donnée à ce recueil, " Eternités ", publié en 1918.
Après le " journal d'un poète nouveau marié " et les " Sonnets spirituels ", parus en 1917, le poète a atteint la plénitude de sa puissance créatrice. Il s'y adonne avec ivresse : " Amour et poésie chaque jour ", telle est désormais sa devise. Ordonner le chaos de l'univers, tout en préservant la part de mystère inéluctable qui le constitue, chanter d'un même élan la femme, la nature ou l'idée, advenir à plus d'être ou à plus de conscience par le pouvoir d'une parole neuve et maîtrisée, proférée comme celle d'un dieu créateur, telle est l'ambition de l'auteur de ce livre : " Mon âme doit refaire/le monde comme mon âme ".
Loin de la conception formaliste de l'art, à laquelle Jiménez avait sacrifié dans sa première époque, l'écriture s'applique, comme une ascèse, à la " poésie nue ". Les émotions, les tourments ou les émerveillements de l'esprit devant le prodige des choses ou des êtres s'expriment ici selon divers registres, de la méditation à la divagation, de l'humour léger à l'extase comblée : " je vis libre,/au centre/de moi-même/m'entoure un moment/infini, avec tout-sans les noms/encore ou déjà-, Eternel ! " Les échos multiples du monde extérieur, dans ces compositions, souvent d'une intense beauté, expriment ainsi, toujours, le même désir infini d'absolu : " Ame mienne en douleur/-éclats mystérieux !-/de l'or dans l'ombre ! "..
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La voix qui t'est due ; la voz a ti debida
Pedro Salinas
- La tete a l'envers
- 10 Novembre 2012
- 9782954217819
Long et magnifique poème paru en 1933. Voici ce qu'en dit son traducteur, Bernard Sesé, dans l'Encyclopédie Universalis :
« Un des plus beaux chants d'amour du lyrisme espagnol. Nul n'a su mieux dire l'angoisse et la sensualité, le tourment et l'extase de la passion d'aimer. La voix qui t'est due est un long poème qui retrace la naissance de la passion, l'extase et la séparation des amants. Poème d'amour ébloui, exaltant, terrifiant (.), le thème en est la quête ardente, dans la joie, l'émerveillement ou l'angoisse, du corps aimé, de son image unique et multiple, et de son âme insaisissable toujours pressentie, toujours ailleurs.
Ce poème (.) est à la fois une méditation sur la réalité de l'autre, sur l'oubli, la mémoire, le songe et la vie, la communication et la brisure de la présence et de l'absence. »
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Trois ans après Piedra y cielo (Pierre et ciel) (1919), Juan Ramon Jiménez publia, au mois d'octobre 1922, la fameuse Segunda Antolojia poética (1898-1918).
Il y avait rassemblé, après l'avoir soigneusement révisée, une grande part de sa production lyrique antérieure. À cette entreprise, toujours recommencée, de révision, ou de "reviviscence", de ses poèmes, Jiménez se voua toute sa vie comme à un culte sans merci : "Épurer une poésie est pour moi - disait-il - une tâche aussi accablante que de concevoir l'infini." Poesia en verso (1917-1923), prolonge ou renouvelle les thèmes, les images, la prosodie, le style de cet ensemble poétique, qui constitue, après une période romantique de sa jeunesse, la période symboliste de la maturité de l'écrivain.
Il y atteint des sommets de son génie. Poesia est composé d'un choix de cent vingt-neuf poèmes, écrits à diverses époques, déjà publiés ou restés inédits ; la liste des recueils auxquels appartiennent ces poésies, établie par l'auteur, est d'ailleurs expressément mentionnée au début du livre. Cette anthologie, - de même que Belleza, autre ensemble de pièces détachées - annonce, ou préfigure, des aspects de "l'oeuvre définitive" dont Jiménez ne cessera désormais de rêver, sans qu'il ait jamais pu la voir réalisée.
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Dans le panorama de la poésie espagnole de la renaissance, qui compte des noms prestigieux : ercilla, boscan, garcilaso de la vega, luis de léon, fernando de herrera.
Jean de la croix occupe une place singulière : la première. son oeuvre est brève : moins de mille vers en tout. " saint jean de la croix - écrit jorge guillén - est le plus grand poète le plus bref de la langue espagnole, peut-être de la littérature universelle ". mais cette poésie est d'une telle densité, d'une telle intensité, d'une telle beauté qu'elle emporte l'admiration et entraîne l'adhésion de tous ses lecteurs.
En effet, selon l'heureuse expression de j. -l. alborg, " même si on ne tient pas compte de sa signification religieuse, la poésie de saint jean de la croix, représente un sommet de la poésie amoureuse universelle ". le corpus de l'oeuvre poétique de jean de la croix se réduit à vingt compositions : cinq poèmes (cantico espiritual, noche oscura, llama de amor viva, que bien se yo la fonte, el pastorcico) ; cinq gloses (vivo sin vivir en mi, entréme donde no supe, tras de un amoroso lance, sin arrimo y con arrimo, por toda la bermosura) et enfin dix romances.
Trois poésies très brèves (trois ou quatre vers) - al niã±o jesus, del verbo divino, suma de perfeccion - sont d'attribution douteuse. les trois poèmes majeurs (cantique spirituel, nuit obscure, vive flamme d'amour) recueillent la quintessence de l'expérience humaine et mystique de jean de la croix : la rencontre avec dieu. la traduction de bernard sesé est totalement discrète : en s'efforçant d'être, mot pour mot, aussi proche qu'il se peut du texte original, elle réussit, surtout dans les poèmes majeurs, à capter quelque chose de leur sonorité et de leur rythme.
La meilleure preuve de sa fidélité est que le lecteur connaissant le castillan, ayant lu l'original, l'entend résonner dans le texte français pour peu qu'aussitôt il s'y reporte.