Visitez des palais fermés au public, admirez des oeuvres d'art exceptionnelles à l'écart des touristes, assistez à un concert dans un magnifique oratoire secret, faites bénir votre chien ou votre voiture, assistez à la liquéfaction du sang de saint Pantaléon, interrogez-vous devant une rare méridienne catoptrique ou devant une étonnante anamorphose, découvrez le stupéfiant tableau motorisé de Rubens, pénétrez les secrets du Vatican, retrouvez un chef-d'oeuvre perdu du Bernin, recueillez-vous devant une image sacrée du visage du Christ qui fut déposée sur la lune en 1968, organisez un dîner pour deux dans un palais privé, protégez votre gorge des rigueurs de l'hiver.
Le Guide des insectes sous le bras, la jeune Macey et sa mère partent en piquenique sur les collines dorées de Feldon. Au beau milieu des herbes folles surgit Mitchell, un géant dégingandé aux lunettes étincelantes sous le soleil. Esprit libre et fantasque venu de New York pour étudier les serpents, Mitchell est un vrai charmeur. Le voilà qui s'installe dans leur vie...
Le Serpent des blés nous emporte dans ces paysages américains tout droit sortis des tableaux d'Edward Hopper, avec une sensibilité et un laconisme déchirant dignes de Carson McCullers ou de Raymond Carver. Irrésistible et envoûtant.
Le chêne où s'est pendu Pinocchio, Mussolini sur un vitrail d'une église du XVe siècle, une statue oubliée de L. de Vinci, un luxueux hôtel devenu simples toilettes publiques, un distributeur de lait du XVIIè siècle, une grenouille qui boit du vin, un phénomène astronomique unique au monde, les dents de sainte Catherine gravées dans un escalier à Sienne, une baleine à Lucques, une authentique fiole du sang du Christ, une foi qui soulève des rochers, du diamant dans le marbre, l'emplacement du vase des Noces de Cana, un extraordinaire amphithéâtre anatomique à Pistoia, la fontaine de jouvence de la fée Morgane, une promenade insolite le long du monorail du marbre...
« Tout objet de beauté est une joie éternelle :
Le charme en croît sans cesse ;
Jamais Il ne glissera dans le néant, mais il gardera toujours Pour nous une paisible retraite, un sommeil Habité de doux songes, plein de santé, et qui paisiblement respire.
Aussi, chaque matin, tressonsnous Des guirlandes de fleurs pour mieux nous lier à la terre, Malgré les désespoirs et la cruelle disette De nobles natures, malgré les sombres journées Et tous les sentiers malsains et enténébrés Ouverts à notre quête ; oui, malgré tout cela, Une forme de beauté écarte le suaire De nos âmes endeuillées. Tels sont le soleil, la lune, Les arbres vieux ou jeunes qui offrent le bienfait de leurs printaniers ombrages Aux humbles brebis ; tels sont encore les narcisses Et le monde verdoyant où ils se logent, les ruisseaux limpides Qui se bâtissent un frais couvert En vue de l'ardente saison, le taillis au fond des bois, Richement parsemé de la splendeur des roses musquées ;
Telle, aussi, la magnificence des hautes destinées Que nous avons rêvées pour les plus grands des morts ;
Tels, encore, tous les contes charmants lus ou entendus, Fontaine intarissable d'un breuvage immortel Qui s'épanche en nos coeurs du bord même des cieux.
Et ce n'est pas seulement pendant une heure brève Que nous pénètrent ces essences ; non, comme les arbres Qui chuchotent autour du temple sont bientôt devenus Aussi précieux que le temple lui-même ; ainsi, la lune, La poésie - cette passion - merveilles infinies, Nous hantent jusqu'à devenir le réconfortant flambeau De nos âmes et s'attacher à nous d'un lien si étroit Que, dans le plein soleil comme sous un ciel couvert et sombre, Il nous les faut toujours à nos côtés, ou c'est la mort. » Endymion, livre I, 1-33 (Avril-décembre 1817.)
Pour découvrir des lieux méconnus et surprenants de la ville italienne : l'écluse conçue par Léonard de Vinci, le bunker de Mussolini, les fresques de Tiepolo, les maisons d'artistes, etc.
Dans cet essai somptueusement illustré, la grande médiéviste italienne Chiara Frugoni observe et analyse minutieusement des tapisseries, des miniatures, des mosaïques, des sculptures, des tableaux et des encyclopédies illustrées pour nous montrer les mille facettes de la tradition séculaire, aussi symbolique que réelle, qui liait les hommes et les animaux. Autant d'images commentées qui rendent vivante et palpitante cette époque lointaine dont a hérité notre culture. Chiara Frugoni nous promène dans le bestiaire imaginaire et quotidien des hommes du Moyen Âge, où la crainte se mêle à la fascination.
Dublin offre d'innombrables occasions d'échapper aux itinéraires touristiques pour se plonger dans le passé et le présent de cette ville extraordinaire. Il suffit de savoir ou diriger son regard. Un guide indispensable à tous ceux qui croyaient tout savoir sur la capitale irlandaise.
Découvrez le sanctuaire de la franc-maçonnerie irlandaise et la brosse à dents de Napoléon, soyez coomplice d'un canular insouçonnable mais à la vue de tous sur O'Connel Bridge, essayez les empreintes des pieds de Georges IV, entrez dans une somptueuse capsule témoin de l'époque géorgienne sur Henrietta Street, traversezle pont où le mathématicien et astronome Willizm Rowan Hamilton cria "Eurêka!", expolorez un appartement musée préservé tel qu'il était exactement il y a plus d'un siècle, visitez une tour de Martello où sont exposées des radios de tous les temps, localisez la rivière souterraine de Dublin, ou bien postez vos pensées dans une mystérieuse boîte aux lettres.
Bien connu pour ses romans salués comme des classiques 1984 et La Ferme des animaux, George Orwell est également un essayiste de premier plan où dans ces courts textes d'intervention s'expriment toute son attention et toute son humanité à l'égard des plus faibles et des plus démunis. Le présent volume recueille quelques-unes de ses plus importantes contributions de 1931 à 1948 : «Une pendaison», «Tirer sur un éléphant», «Au fond de la mine», «Pourquoi j'écris». On y trouvera aussi ses essais sur Marrakech et Dickens, un de ses modèles dans la peinture sociale des bas-fonds.
Orwell fut un écrivain engagé dans son temps, dont la capacité de vision continue encore d'éclairer notre présent et notre avenir. Sa place dans les lettres mondiales est parmi les auteurs les plus lus. Nul doute que ce précieux recueil rassemblant ses essais les plus pertinents contribuera à éclairer sa pensée large et démocratique, interprétée de différentes manières en un temps empreint de profondes interrogations. Plus que jamais la pensée d'Orwell s'inscrit dans le débat contemporain.
François d'Assise mourut le 3 octobre 1226 dans sa ville natale.
Il ne vit jamais la grande basilique qui lui fut consacrée : un cycle de fresques y retrace les épisodes de sa vie. Entrepris dès 1260, cet immense chef-d'oeuvre de l'art médiéval a été réalisé grâce à la contribution des plus grands peintres italiens de l'époque : Cimabue, Giotto, et les Siennois Simone Martini et Pietro Lorenzetti.
Témoignage de foi, dont la haute signification spirituelle est liée à la vie et à l'enseignement du saint patron de l'Italie, la basilique d'Assise est le réceptacle d'un trésor pictural à l'origine d'un renouvellement profond de l'art occidental à l'aube de la Renaissance. Dans ce nouveau livre monumental, somme d'une vie entière de recherche, Chiara Frugoni analyse l'ensemble du patrimoine artistique de cette basilique d'Assise. Cet ouvrage, très abondamment illustré (reproductions partielles des fresques, agrandissements de détails qui passent inaperçus à l'oeil nu), révèle des aspects souvent inédits des vastes cycles picturaux de la basilique. Au fil de la lecture, à travers l'analyse minutieuse de chaque scène, nous découvrons les éléments d'une syntaxe et d'un lexique figuratifs. Chiara Frugoni déchiffre magistralement ce code iconographique et la propagande qui le soustend comme on reconstitue un puzzle, pièce par pièce. Un discours d'autant plus complexe qu'il devait, aux yeux de ses premiers spectateurs, résoudre en images les énigmes et les contradictions de l'Ordre franciscain.
À la différence de Mani, qui évoquait le Magne, massif montagneux du Péloponnèse, Roumeli ne renvoie pas à un lieu géographique d'aujourd'hui. Il s'agit d'un nom donné autrefois au Nord de la Grèce - du Bosphore à l'Adriatique et de Macédoine au golfe de Corinthe. À l'instar de Mani, Patrick Leigh Fermor a été séduit par le nom de cette région et l'a immortalisée.
Il s'agit d'un voyage qui nous mène parmi les Saracatsanes, bergers des montagnes, les monastères des Métérores, cette région montagneuse de Thessalie, et différents villages méconnus, et même à Missolonghi à la recherche des pantoufles de Byron. On est ici au coeur du conflit de l'héritage grec : un lien etroit avec les splendeurs du monde ancien et les vestiges des mondes byzantin et ottoman.
Patrick Leigh Fermor voit même des traces encore plus archaïques qu'il note dans ses observations de premier ordre. Au même titre que Mani, ce livre est considéré comme un chef d'oeuvre de la littérature de voyage. Il est un des plus précieux guides de la Grèce contemporaine. Ses jugements n'ont rien perdu de leur pertinence.
Roberto Longhi (1889-1970), l'un des plus grands historiens de l'art du XXe siècle, est l'auteur d'une oeuvre monumentale explorant en détail la peinture italienne. En 1914, le jeune Longhi n'a pas vingtcinq ans, mais déjà une plume alerte et des ambitions affirmées : le voici qui écrit pour ses élèves du lycée une Brève mais véridique histoire de la peinture italienne, énonçant les principes formels de l'art italien et étudiant son développement depuis les mosaïques byzantines jusqu'à la Renaissance et à l'ère baroque.
La première partie de l'ouvrage, intitulée « Idées », fournit une méthode nouvelle pour l'analyse du style des artistes ; la seconde, « Histoire », déroule une histoire de l'art italien à la lumière de cette méthodologie.
Longhi se révèle un maître subversif : au classicisme de Raphaël ou des Carrache, il préfère largement Piero della Francesca et Caravage, deux peintres encore peu célébrés qu'il contribuera grandement à faire sortir de l'oubli. Quant à Cézanne et aux impressionnistes, ils trouvent ici leur place comme la quintessence de la peinture italienne ! Mieux qu'aucune autre synthèse, ce voyage initiatique permet au lecteur de regarder des tableaux majeurs avec autant de savoir que de passion.
S'inspirant de deux articles d'Arsenio Frugoni, son père, Chiara Frugoni reconstitue dans ce livre une journée quelconque dans une ville au Moyen Âge. À l'aide de documents précis, fruits d'une prodigieuse érudition, mais surtout d'une iconographie somptueuse, l'historienne raconte par le menu, plutôt qu'elle ne les expose, les différents aspects de la vie urbaine médiévale: de l'artisanat aux superstitions, de la délinquance à la vie en communauté, en passant par toutes les questions que les hommes se posent encore aujourd'hui face à l'au-delà ou, plus prosaïquement, à l'emploi du temps. À la différence d'un documentaire historique, le récit de cette remarquable conteuse nous invite à remonter le temps comme si nous partions en voyage. Le style souple, élégant et d'une très grande précision lexicale de Chiara Frugoni participe au plaisir de la lecture, non moins que l'analyse rigoureuse des fresques et des miniatures qui illustrent son propos. Elle ressuscite un monde disparu tout en démystifiant nombre des stéréotypes qui l'histoire officielle a imposés au fil du temps.
Les successeurs d'Aby Warburg, l'éminent fondateur de l'Institut qui porte son nom, envisagèrent pendant des décennies de publier les très nombreux documents laissés par celui-ci à sa mort en 1929 ; sans succès, tant ce projet était ambitieux et en partie irréalisable. L'historien d'art E. H. Gombrich, sollicité pour mettre ces documents en ordre, prit le parti de les trier afin de faire ressortir la trajectoire intellectuelle d'Aby Warburg.
C'est le sujet de cette biographie singulière, fruit de nombreuses années de décryptage et de sélection, où ne sont cités que des fragments pertinents des archives de Warburg à l'appui du récit rigoureux et lumineux de Gombrich. Warburg publia peu de son vivant, mais il eut une influence décisive sur des historiens d'art aussi différents qu'Erwin Panofsky et Kenneth Clark. La particularité des recherches d'Aby Warburg fait écho au parti pris de son biographe, féru de méthodologie : Warburg remettait en effet en cause une certaine théorie de l'histoire de l'art qui s'efforce de définir des « styles » et de les faire entrer dans des catégories, pour mettre l'accent sur des artistes singuliers, engagés dans des conflits subjectifs qui les amenaient à faire des choix personnels. D'après lui, l'artiste crée plus souvent en réaction à l'« esprit de son époque » qu'il ne la représente.
Connu surtout pour ses travaux iconographiques sur la Renaissance - dont une thèse sur Botticelli qui servit de point de départ à sa méthodologie - Warburg tenta de faire entrer en résonance les découvertes en psychologie et en anthropologie avec l'histoire de l'art, tout en considérant avec effroi et curiosité le progrès de la technologie moderne. Ce portrait d'une figure-clef de l'histoire de l'art nous fait aussi découvrir un psychologue de la culture qui s'interroge sur le destin de la civilisation occidentale alors même que celle-ci est sur le point de s'engager dans la phase la plus dramatique de son histoire.
Orthodoxie présente l'intérêt d'une apologie de la religion chrétienne par un converti. Païen à 12 ans, agnostique à 16 ans, quel chemin Chesterton a parcouru pour venir à la foi. Quelques aspects du christianisme authentique y sont mis dans une lumière vigoureuse : en particulier ce que Chesterton appelle son "romantisme", c'est-à-dire en somme son caractère poétique, extrême, enthousiaste, infiniment éloigné des platitudes d'une religion naturelle ou rationnelle. Apologiste à coup sûr, mais d'une espèce à part : jamais abstrait, ni grave, ni docte, jamais superficiel non plus, cet esprit pénétrant et singulier a réalisé ce paradoxe de mettre l'humour au service de la foi.
Admirez un pilier apocalyptique dans une église, détendez-vous dans des jardins clandestins, découvrez la version new-yorkaise de la Sagrada Familia, visitez un tunnel de métro secret, contemplez un éléphant électrocuté, trouvez les impacts de balle à l'extérieur de la banque J.P. Morgan, faites voler votre jupe au même endroit que Marilyn Monroe, découvrez un gigantesque palais vénitien au-dessus d'une ancienne écurie, découvrez le « cochon » de la cathédrale St-Patrick.
Illustré de somptueuses images ad hoc , Faucon est davantage qu'un essai sur les faucons.
Comme elle l'écrit dans la préface, Helen Macdonald travaillait à sa thèse de doctorat à l'Université de Cambridge quand elle a commencé à écrire ce livre, qui s'adresse à un lectorat de non-spécialistes, et ce dernier a fini par remplacer sa thèse. Et d'ajouter que « toutes les anecdotes et les histoires que je me réjouissais d'insérer dans ce livre - l'épisode de la mafia qui menaçait de chasser un fauconnier hors de New York parce que son faucon mettait en péril le réseau criminel des pigeons voyageurs ; des histoires de danseuses à l'éventail, de pilotes de chasse et d'astronautes, outre les magouilles diplomatiques de la famille royale au début du XXe siècle -, bref, tout ce qui n'avait pas sa place dans ma thèse de doctorat allait en trouver une ici. Et ce fut un travail captivant et profondément absorbant que de relier des faits réels, des anecdotes et des images pour aborder certaines facettes du rôle que nous jouons sur la terre sous l'angle de notre rapport avec les faucons ».
Faucons
Écrivain et voyageuse, fascinée par l'Orient, Lesley Blanch est restée célèbre en Angleterre pour Vers les rives sauvages de l'amour, un quartet biographique où elle raconte la vie d'aventurières extravagantes, à son image. Après une enfance dans une famille bourgeoise de Londres à l'époque édouardienne, cette Anglaise spirituelle et raffinée mena une vie passablement no- made ; elle était décoratrice de théâtre et rédactrice de l'édition britannique de Vogue quand elle épousa Ro- main Gary pendant la Seconde Guerre mondiale. La carrière diplomatique de celui-ci les conduisit à Paris, à Sofia, à New York, en Bolivie et enfin à Hollywood où Lesley Blanch côtoya quantité de stars et travailla avec George Cukor.
Gary fit d'elle l'héroïne de Lady L. Lorsqu'il la quitta pour Jean Seberg, Lesley tira parti de sa liberté pour voyager, en solitaire cette fois, dans les pays dont elle rêvait : la Sibérie, la Mongolie, la Turquie, l'Iran, l'Afghanistan, l'Égypte et le Sahara serviront de décor à d'autres livres érudits et romantiques comme Les Sabres du paradis et Voyage au coeur de l'esprit. Elle mourut en 2007 à Menton à l'âge de 103 ans.
C'est à l'initiative de Georgia de Chamberet, sa filleule, que Lesley Blanch entreprit de rédiger ses mémoires :
à ses souvenirs d'enfance sont réunis ici ses meilleurs articles de mode et de voyage, ainsi qu'un récit très personnel sur sa vie avec l'auteur de La Promesse de l'aube. Toujours en quête de nouvelles amours « pour échapper à l'ennui de la convention », elle devint de son vivant une légende, à la fois mystérieuse, singu- lière et étonnamment moderne.
Le romantisme, c'est le domaine des solitaires, des élégiaques. Et d'un des plus grands essayistes en langue anglaise, William Hazlitt (1778-1830), qui fut aussi peintre, vagabond, amoureux et un partisan exalté de la liberté individuelle. Un beatnik en redingote. Farouche, indomptable, drôle, clairvoyant, enthousiaste, amer, mélancolique. Les essais réunis dans ce livre nous font découvrir trois facettes complémentaires de sa personnalité : le goût du voyage solitaire (Partir en voyage), la prédilection pour le passé (Du passé et de l'avenir) et la vie en marge du monde, dégagée plutôt qu'engagée (Vivre à part soi).
Un triptyque lumineux et jubilatoire.
Qu'on ne s'y trompe pas. Il s'agit bien là d'un roman. Qui, sous la forme d'une confession impudique, relate la passion incestueuse d'un homme pour trois femmes : sa mère, qui l'initie pendant son adolescence, sa fille, qu'il retrouve à l'âge adulte et sa soeur, dont il a été longtemps séparé.
Ces femmes révèlent tour à tour les différentes facettes du désir masculin qu'elles incarnent. Dans des espaces clos mais offerts au regard, le narrateur, à la fois dramaturge et comédien, donne libre cours à ses fantasmes.
De Bruxelles à la Nouvelle-Orléans, d'une résidence près du lac de Genève à un hôtel particulier parisien, on voyage en transatlantique, en Chevrolet ou en métro. L'auteur nous promène dans un labyrinthe jubilatoire du désir d'où sont absentes les conventions morales. La perversion est même si franche qu'elle en paraît innocente. Style et obsessions, hérités des libertins du XVIIIe, ne sont pas sans rappeler Sade ou Rétif, ni même un certain Anglais décrit dans le château fermé. Comme le dit Lucien d'Azay « Dans ce conte de fées baroque aux motifs cubistes, tantôt cocasse, tantôt inquiétant, mais toujours poétique, les rôles s'inversent comme dans les relations sadomasochistes, si ce n'est qu'il s'agit de rapports parentaux dont le ressort sexuel remonte à l'enfance.
On l'aura compris, cette trilogie incestueuse est en réalité une quête de soi. »
Dans la maison qu'il a construite lui-même au coeur du Dorset, aux côtés de son chien fidèle, Wessex, et de Florence Dudgale, sa cadette, sa secrétaire et épouse en secondes noces, Thomas Hardy entre dans l'hiver de sa vie. À 84 ans, l'auteur entre autres de Jude l'Obscur et de Loin de la foule déchaînée pense en avoir fini avec la passion. Mais voilà qu'une adaptation de Tess d'Urberville est montée au village, interprétée par une troupe de comédiens amateurs. La jeune Gertrude Bugler y tient le rôle-titre. Belle, aussi fraîche et spontanée qu'une fleur, qu'un trésor de cette nature pour laquelle Hardy nourrit un amour sans borne, Gertrude est en outre la fille d'Augusta Way, qui inspira à Hardy, trente-trois ans auparavant, le personnage de Tess. Sous le regard amer de son épouse, dans un ballet feutré de domestiques, de promenades dans la campagne anglaise et d'arbres agités par le vent, Thomas Hardy vit son ultime amour : celui d'un pygmalion sûr de son art mais déçu par la vie, qui rencontre sa dernière muse. Dans ce roman qui fait la part belle aux personnages les plus emblématiques de l'existence de l'écrivain, Christopher Nicholson restitue la voix intime et le monde imaginaire de Thomas Hardy. Fine analyse des rapports conjugaux, Hiver brosse un portrait du couple tantôt mélancolique, tantôt désopilant, et éclaire la vie et l'oeuvre d'un auteur dont les amours alimentèrent l'écriture.
Nous sommes les livres que nous avons lus. Tel est le principe de ce roman picaresque en patchwork. Augustin, le protagoniste, est le rejeton des auteurs dont il s'est nourri, de Dickens à Joyce, en passant par Sade, Kafka, Proust ou Cervantès, pour n'en citer que quelques-uns. L'auteur ne ne se contente pas de les évoquer. Il coud astucieusement des citations les unes aux autres, tout en introduisant leurs auteurs dans sa vie, comme le Petit Marcel, par exemple. Et à l'instar de tous les romans initiatiques, c'est aussi l'histoire d'une métamorphose, celle émouvante d'un petit garçon en adolescent puis en jeune homme.
Avec tendresse, mais sans complaisance, Augustin se souvient de cette transition, de ses premiers émois encore chastes, jusqu'à ce qu'à l'innocence se substitue une sexualité compulsive qui marque sa personnalité au passage à l'âge adulte.
Augustin a vingt et un ans quand le roman s'achève. Il a lu la plupart des auteurs qui ont déterminé sa propre démarche. Son destin est tout tracé. Il écrira un jour l'autobiographie subversive et facétieuse d'un personnage de fiction pour s'inscrire dans la lignée de Tristram Shandy, Jorge Luis Borges ou de l'Adolphe de Benjamin Constant.
L'art anglais est-il spécifique ? Et s'il l'est, comment définir ses particularités ? C'est à ces délicates questions que tente de répondre Nikolaus Pevsner dans cet ouvrage, publié en 1956, en posant comme préliminaire l'existence d'une « géographie de l'art ». Juif allemand venu se réfugier en Grande-Bretagne, dont il a étudié attentivement le patrimoine, il estime bénéficier d'un regard distancié sur cette problématique, et de même que le baroque allemand lui paraît une spécificité inimitable, l'art anglais présenterait des traits qui n'appartiennent qu'à lui.
Fort de cette conviction, et pour étayer sa démonstration, Pevsner analyse l'oeuvre de grands peintres, tels Hogarth, Reynolds, Blake, Constable, mais aussi les différents styles architecturaux, qui convergent à ses yeux par leur sens particulier de la verticalité ; enfin il s'attache à la notion de pittoresque, typiquement anglaise, laquelle se manifeste notamment à travers l'art des jardins.
Les similitudes relevées par l'auteur dans ces divers domaines s'ancrent dans des qualités particulières qu'il attribue à la culture nationale - et d'ailleurs illustrées par l'histoire : l'attachement à la liberté personnelle, la liberté de parole, le pragmatisme, une certaine sagesse politique - qui lui a permis d'éviter par exemple le fascisme et le communisme -, ou encore, le goût de la nature. Pevsner ne manque pas pourtant de relever que cette modération, voire ce conservatisme, peuvent s'accompagner en contrepoint d'imagination, de fantaisie et même d'irrationalité.
Parfois contestée, et par les Britanniques eux-mêmes, la position de Pevsner a toutefois l'exceptionnel mérite d'offrir un vaste panorama de l'art anglais du Moyen Âge au XIXe siècle, en une synthèse qui permet de lui attribuer une identité comparable à nulle autre.
Après La Solitude est sainte (Quai Voltaire, 2014), voici trois nouveaux essais de William Hazlitt. Ce romantique anglais avait la fibre romancière. Rien ne le passionnait tant que les rapports humains. Qu'il s'agisse du lien qui s'établit entre le peintre et son modèle, de la tension qu'éprouve inévitablement un être sensible devant quelqu'un qui l'exaspère, ou de deux champions de boxe qui s'affrontent, Hazlitt aime les mises en regard et les portraits parallèles à la Plutarque.
Dans ces trois essais brillants et exaltants, il analyse toute une typologie de personnages à la loupe, avec le sang-froid d'un chirurgien. En quête de « types », il caricature ergoteurs, fanfarons, bellâtres, rabat-joie. avec une truculence qui évoque la Commedia dell'arte. Écrivain sceptique, spirituel, passionné et donquichottesque, Hazlitt adorait la provocation. On pourrait le situer entre Diderot et Stendhal, même si l'originalité et la virulence de ses points de vue rappellent davantage encore certains polémistes du xx e siècle, comme Pasolini et Christopher Hitchens.
Hazlitt observait le monde avec l'oeil du portraitiste itinérant qu'il avait été dans sa jeunesse. C'est ce qui donne à ses essais une pertinence réaliste. Vifs, brefs, plaisants, débraillés et riches en détails, ces textes ont d'abord paru dans des revues avant d'être réunis en volume. Ils ont été écrits pour être lus à voix haute, à l'occasion de conférences. Le timbre si singulier de cette voix d'il y a deux siècles nous enchante encore aujourd'hui.