Requiem, complainte ou rêverie hallucinée, La nuit, le jour et toutes les autres nuits ressuscite le Paris populaire. On y croise Quenotte, fille d'un « charbon, vins, liqueurs » de la rue Saint-Jacques, tondue le dernier jour d'août 1944, et Myrette, la prostituée aux yeux couleur d'huître. On y retrouve la grosse Sophie Clodomir, ancienne championne de basket et joueuse de banjo, ou encore l'inénarrable Pamela de Sweerte, la femme du monde « aurifiée, emperlousée, sertie, damasquinée », dont le narrateur guette les fabuleuses apparitions.
Une ballade autobiographique à travers Paris et ses personnages qui est aussi une promenade à travers la langue française. Michel Audiard plaçait la littérature au-dessus de tout, même du cinéma. Grand lecteur, ce fabuleux conteur, habile avec les mots et les images, se rêvait écrivain plutôt que scénariste.
Au Grand Vizir, bistrot donnant sur les miches verdâtres du lion de Denfert, on croise toute une galerie de personnages sur le retour. La grosse Clodomir, tout droit sortie de La Nuit, le jour et toutes les autres nuits, Vera Varlope, un boxeur, un comédien qui attend son heure et Monsieur Michel, cinéaste. Au son menaçant des Caterpillars détruisant le quartier, Audiard tisse sa trame nostalgique d'un Paris menacé de disparaître, en revenant sur des souvenirs encore brûlants de l'Occupation et de projets professionnels avortés.
L'Instinct de mort, acheté par Belmondo pour être co-scénarisé avec Modiano, finira au placard lors de l'évasion de la Santé de Mesrine. On ne meurt pas d'amour aux Iles Borromées, scénario inédit de 67, sert de prétexte pour proposer à Vera un rôle de stripteaseuse. Ensemble ils écrivent le roman impressionniste d'une ville et d'une époque, où les promenades nocturnes d'une rive à l'autre de la capitale ont valeur d'épopée.