Caroline de Gruyter a vécu à Vienne. Comme tant d'autres, elle y a été frappée par la persistance dans la société, dans les esprits et dans la culture autrichiennes, de l'ancien empire habsbourgeois, un siècle après sa disparition. Elle s'est interrogée sur les causes de celle-ci et sur ses conséquences - un chaos qui a saisi les pays d'Europe centrale et dont les traces sont encore visibles aujourd'hui. Ensemble multilingue et multinational entouré de puissances rivales ou ennemies, l'empire austro-hongrois ressemblait à l'Union européenne. En quoi celle-ci mérite-t-elle l'appellation d'empire ? Et quels facteurs pourraient la faire éclater ? L'auteur a développé ces réflexions entre le Brexit et la pandémie, mais la crise ukrainienne actuelle leur donne une résonance prophétique.
J'étudie dans cet ouvrage le mode de production capitaliste et les rapports de production et d'échange qui lui correspondent. II ne s'agit point ici du développement plus ou moins complet des antagonismes sociaux qu'engendrent les lois naturelles de la production capitaliste, mais de ces lois elles-mêmes, des tendances qui se manifestent et se réalisent avec une nécessité de fer. Au premier abord, la marchandise nous est apparue comme quelque chose à double face, valeur d'usage et valeur d'échange. Ensuite nous avons vu que tous les caractères qui distinguent le travail productif de valeurs d'usage disparaissent dès qu'il s'exprime dans la valeur proprement dite. J'ai le premier mis en relief ce double caractère du travail représenté dans la marchandise. Tant qu'elle est bourgeoise, c'est-à-dire tant qu'elle voit dans l'ordre capitaliste, non une phase transitoire du progrès historique, mais bien la forme absolue et définitive de la production sociale, l'économie politique ne peut rester une science qu'a condition que la lutte des classes demeure latente ou ne se manifeste que par des phénomènes isolés.
D'où vient le communisme ?
L'URSS était-elle communiste ?
Le communisme est-il féministe ?
S'oppose-t-il à l'anarchisme ?
Communisme et écologisme sont-ils incompatibles ?
Peut-on être communiste si on est propriétaire ?
Faut-il lire Marx pour être communiste ?
Pourquoi y a-t-il tant de courants différents parmi les communistes ?
Le communisme est-il une idéologie du passé ?
En une centaine de pages d'une grande clarté, Julien Chuzeville, historien du mouvement social, nous aide à mieux comprendre un concept clé. Un ouvrage à lire, à offrir, à diffuser.
Le désir de se débarrasser de la politique est de plus en plus répandu. Il rend manifeste l'existence d'une crise, qui contraint à se demander : « Qu'est-ce que la politique ? » Voilà la question permanente de la pensée de Hannah Arendt, posée face au choc de l'événement totalitaire et au développement de nouveaux moyens d'anéantissement.
La réponse tient dans deux thèses qui se trouvent déployées dans ce livre : l'essence de la politique est la pluralité ; son sens est la liberté.
Cet ouvrage nous invite à comprendre pourquoi la philosophie s'est toujours révélée incapable de penser l'action collective, afin de nous faire entrer progressivement dans la politique, c'est-à-dire dans la réalité des expériences qui la constituent.
Hannah Arendt (1906-1975) Figure intellectuelle majeure du xxe siècle, elle est l'auteur d'ouvrages aussi célèbres que Les Origines du totalitarisme, Condition de l'homme moderne, La Crise de la culture ou Eichmann à Jérusalem.
Moeurs. De la gauche cannibale à la droite vandale s'interroge sur la difficulté de concevoir l'émancipation collective dans un monde où domine la technocratie capitaliste et l'individualisme. Alain Deneault y poursuit les réflexions que l'on trouve dans ses précédents essais La médiocratie et Politique de l'extrême centre.
Il y invite à rompre avec la dynamique des querelles identitaires où tous se servent de leur conscience comme d'un bâton pour frapper autrui, et où chacun semble laisser le monde courir à sa perte, pourvu que sa cause et son intérêt avancent ici et maintenant. Il déplore la dégradation en slogan et en cliché de catégories pourtant importantes et rappelle que sous ces débats, gisent des enjeux et des désirs précieux qu'il est urgent de sortir des décombres.
L'auteur du Bref Été de l'anarchie et de La Grande Migration retrace dans cet essai l'histoire des terroristes russes qui, de 1862 à 1917, inlassablement, ont sacrifié leur vie pour renverser le régime tsariste. C'est peu dire que ces personnages sont romanesques ou hors du commun : ils se sont volontairement situés, par l'absolu de leur révolte, hors de l'humanité, poussant à son extrême le mépris de soi, des autres et de la vie en général. Mépris qui culmine dans les figures de Netchaiev ou Asev, qui organisèrent des dizaines d'attentats terroristes et travaillaient en même temps pour la police secrète du tsar
Publié quelques mois après les soulèvements de 1848, le pamphlet Au fait, au fait ! Interprétation de l'idée démocratique est l'implacable bilan d'une révolution manquée et un ardent plaidoyer pour la liberté. Souverain de sa personne, Bellegarrigue rejette la notion de gouvernement sur des bases morales. Dans toute sa fougue, il demeure lucide et entrevoit ce qui, dans la jeune Deuxième République, ouvre la voie à l'autoritarisme du Second Empire.
Figure majeure de la Théorie critique, l'historien Moishe Postone a élaboré une réinterprétation de la pensée de Marx d'une grande importance pour une critique sociale à la hauteur de l'époque. Largement saluée, son oeuvre maîtresse, Temps, travail et domination sociale, s'est opposée à l'opinion répandue que Marx n'avait plus rien à dire dans une époque d'effondrement du communisme à l'Est et de consolidation du capitalisme néolibéral en Occident. Il a aussi posé les jalons d'une reconstruction de l'oeuvre marxienne adaptée à la saisie du monde contemporain qui diffère des critiques marxistes traditionnelles. Postone considérait néanmoins sa relecture comme une enquête préliminaire et a passé les vingt-cinq années suivantes à explorer, dans divers essais et entretiens enfin réunis en français, comment Marx fournit, selon ses propres termes, « une puissante théorie sociale critique du monde contemporain ».
Qu'est-ce que l'anarchisme ? Ce livre répond à cette question en 10 chapitres courts et concis qui s'intéressent à toutes les facettes de l'anarchisme, pour en comprendre les fondements et les aspirations. Tous les thèmes importants y sont abordés : la religion, le féminisme, le projet économique, l'approche écologiste, les stratégies d'action, etc. En fin d'ouvrage, on trouvera également une galerie de portraits des figures emblématiques du mouvement anarchiste, d'Emma Goldman ou Bakounine à Emile Pouget, Nestor Makhno ou Voltairine de Cleyre.
Ce petit livre de vulgarisation, facile d'accès et à petit prix, donne des outils pour mieux appréhender des notions comme la lutte des classes, l'autogestion, l'anarcho-syndicalisme, qui sont les bases essentielles du mouvement anarchiste.
Le 23 novembre 1932, quelques semaines avant l'accession de Hitler au pouvoir, le philosophe Carl Schmitt prononce un discours devant le patronat allemand. Sur fond de crise économique, son titre annonce le programme : « État fort et économie saine ».
Mobilisant des « moyens de puissance inouïs », le nouvel État fort, promet-il, ne tolérera plus l'« émergence en son sein de forces subversives ». Ce pouvoir autoritaire musèlera les revendications sociales et verticalisera la présidence en arguant d'un « état d'urgence économique ».
Lorsqu'il lit ce texte de Schmitt, son adversaire de toujours, le juriste antifasciste Hermann Heller, ne saisit que trop bien de quoi il s'agit. Peu avant de prendre le chemin de l'exil (il mourra en Espagne l'année suivante), il laisse un court article qui compte parmi les plus clairvoyants de la période. Nous assistons là, analyse-t-il, à l'invention d'une nouvelle catégorie, un « libéralisme autoritaire ».
Ce recueil rassemble ces deux textes majeurs de la pensée politique, encore inédits en français, assortis d'une présentation qui éclaire les rapports méconnus entre Schmitt et les pères fondateurs du néolibéralisme.
Pourquoi décide-t-on de participer aux activités d'un groupe à vocation « politique » et « révolutionnaire » ? Que celui-ci soit formel ou informel, orienté vers la théorie ou bien la pratique, chaque groupe fera face à des difficultés et devra surmonter des obstacles qui peuvent lui être fatal et épuiser ses adhérents. En croisant la philosophie, l'histoire et la psychanalyse, ce texte du collectif Endnotes offre une étude originale et salutaire pour penser nos rapports à nos actions et articuler ainsi « la relation entre le groupe qui pense explicitement le dépassement du capitalisme et le phénomène du groupe spontané qui prendra en charge ce dépassement ».
Les questions de race, de genre, d'identité sont au coeur de tous les débats, qu'ils soient politiques ou universitaires. Le monde semble se diviser en deux catégories : d'un côté, ceux qui sont a priori du côté des oppressés, de la race et du genre notamment, de l'autre, ceux qui se positionnent en réaction face à ces nouvelles luttes.
L'auteur prend ici le parti de révéler le non-dit de cette fausse opposition. Il montre d'abord qu'une certaine gauche ralliée à la théorie de l'intersectionnalité n'est pas aussi progressiste qu'elle le laisse entendre. Ensuite, il met en lumière l'opposition absurde qui lui fait face, la majeure partie du temps. Cela, afin de montrer que ces deux camps participent en fait d'un même élan et d'une même manière de penser les problèmes actuels. En effet, ils ont en commun le fait d'évincer grandement ou totalement le rapport aux conditions matérielles réelles dans l'analyse qu'ils peuvent faire du monde social. Pire encore, ils font de la seule sphère du discours le lieu unique de la connaissance. Les déterminations objectives, de classe notamment, sont alors mises de côté.
Pour conduire à bien cette enquête qui invite à penser différemment l'actualité, Loïc Chaigneau s'efforce d'abord de reconstituer l'épistémologie du postmodernisme comme terrain idéologique commun à nos opposants de façades. Un moyen de cerner les enjeux derrière ces querelles identitaires à la marge des vaines polémiques. C'est ensuite seulement qu'il peut démystifier à la fois cette gauche dont on découvre le conservatisme naïf et une certaine droite réactionnaire qui ne semble pas avoir grand-chose à lui envier. L'analyse marxiste de l'auteur nous conduit alors à repenser la question du progrès, de l'éthique, de la république et du communisme par-delà les anathèmes d'un monde trop manichéen.
« C'est à une revisitation des époques fascisantes autant qu'à une attention extrême portée sur notre quotidien actuel et à l'influence de la cybernétique qu'il faut nous atteler pour endiguer ou tenter de ralentir la conquête méthodique et mondiale d'un «néo-fascisme-soft» qui est en train de s'installer comme théorème général et définitif pour l'ensemble de l'humanité. La différence des temps fait que les choses ne se répètent jamais à l'identique, mais il faut se méfier de ce «demain» indéchiffrable qui s'annonce.
Qu'est-ce qui rend possible le fascisme ? Quelle est son essence ? Et surtout : en avonsnous fini avec lui ? » Cette édition semi-poche bénéficiera d'un avant-propos inédit de son auteur.
Comment les enthousiasmes de Mai 68 ont-ils cédé le pas au désarroi des années 1980 et 1990 puis au fatalisme qui, depuis les années 2000, barre notre horizon politique et intellectuel ?
En tant qu'historien des idées et philosophe politique, Pierre Rosanvallon s'attache à réinscrire les cinquante dernières années dans l'histoire longue du projet moderne d'émancipation, avec ses réalisations, ses promesses non tenues et ses régressions aussi, notamment par la gauche. Mais c'est également en tant qu'acteur et témoin qu'il aborde une lecture de la séquence 1968-2018, à travers son itinéraire personnel, ses entreprises intellectuelles et politiques, les personnalités qui l'ont accompagné, ses idées forces et ses doutes, ses perplexités et ses aveuglements.
Grâce à cette double focale, c'est une histoire politique et intellectuelle du présent que Pierre Rosanvallon retrace, dans des termes qui conduisent à esquisser de nouvelles perspectives à l'idéal d'émancipation.
D'un côté, la planète se réchauffe dangereusement, de l'autre, l'extrême droite gagne du terrain, de l'Europe aux Amériques. Que se passe-t-il quand ces deux tendances se rencontrent ?
La poussée nationaliste contemporaine a été largement commentée, mais son rapport à l'écologie reste dans l'ombre. Ce livre entreprend de combler cette lacune : qu'ont dit, écrit et fait les principaux partis d'extrême droite à propos du climat et de l'énergie durant la dernière décennie ? En premier lieu, ils ont nié le problème. Le climato-négationnisme qu'on croyait moribond a fait un retour fracassant par la voix de leurs leaders. Dans sa grande majorité, l'extrême droite voue un culte aux réserves nationales et abhorre les éoliennes, s'oppose aux accords climatiques, entretient des liens étroits avec l'industrie fossile et nourrit de théories conspirationnistes sa détestation des mouvements écologiques et de la climatologie.
Même quand elle reconnaît le problème, qu'elle se revendique d'un « nationalisme vert », ses positions restent en toutes circonstances déterminées par la défense de la nation et du territoire, et par son obsession de l'immigration non-blanche.
Pour les auteurs de ce livre, l'essor des politiques nationalistes dans le contexte du réchauffement mondial nous alerte sur les dangers d'un fascisme fossile qui emploierait les moyens les plus brutaux à la préservation du statu quo.
En ces temps troublés, pourquoi ne pas prendre modèle sur celui dont le président Kennedy disait qu'en 1940 il avait même « mobilisé la langue anglaise pour l'envoyer au combat » ? Daniel Smith nous propose ainsi un guide pratique biographique sur Winston Churchill : il consacre chaque chapitre à une règle de vie du grand homme pour nous aider à nous comporter nous-mêmes en politique et dans la vie. Mais ce portrait très original n'est pas pour autant un panégyrique, car les erreurs humaines sont elles aussi très riches d'enseignements.
« Toujours plus de haine, toujours plus d'insultes : pour ou contre tout et n'importe quoi, pourvu que l'émotion l'emporte sur la raison, la panique morale sur l'argumentation. ».
Nicolas Bancel, Rachid Benzine, Magali Bessone, Pascal Blanchard, Gilles BoËtsch, Ahmed Boubeker, Philippe Corcuff, Claire Cosquer, Juliette Galonnier, Sophie Guérard deLatour, François Héran, Philippe Huneman, Monique Jeudy-Ballini, MeMphis Krickeberg,Nicolas Lebourg, Éléonore Lépinard, Françoise Lorcerie, ,Philippe Marlière, Nonna Mayer, Sarah Mazouz, Laure Murat, Alain Policar, Myriam Revault d'Allonnes, Jacob Rogozinski, Haoues Seniguer, Patrick Simon, Martine Storti, Julien Talpin, Michel Wieviorka, Valentine Zuber...
La mondialisation, ce terme aujourd'hui à la mode, n'est pas un phénomène récent. Elle résulte de l'européanisation du monde, c'est-à-dire de l'expansion des nations européennes dans leur mouvement de conquête. L'auteur se propose à la fois de démystifier ce phénomène fondateur de la modernité occidentale, en montrant qu'il n'est porteur d'aucun sens de l'histoire, et d'en étudier les enjeux les plus actuels. En effet, la mondialisation implique l'explosion de nouveaux conflits entre ses différents acteurs (individus, États), et la quête de normes universelles qui instaurent un équilibre inédit entre le monde et ses régions. Elle est aussi toujours plus inclusive : la crise des années 2000 et l'ampleur de ses conséquences en sont une expression. Et une brûlante invitation à repenser la gouvernance mondiale.
L'Apocalypse ne pouvait pas renaître sans reprendre le gigantesque chantier de publier en volumes l'une des meilleures chroniques journalistiques du XXe Siècle. Les « Lundis » de Delfeil de Ton sont parus chaque semaine dans le Nouvel Obs entre 1975 et 2020. Ce tome 2, qui reprend les chroniques de 1978 et 1979, paraît dix ans après le tome 1, mais que représentent dix ans face à la carrière d'un DDT (né en 1934) ? Venu d'Hara Kiri et de Charlie Hebdo, Delfeil de Ton a amené dans les pages de l'Obs un esprit corrosif et contestataire ainsi qu'un style lumineux et acéré. Il est alors de tous les combats contre les obscurantismes : il est féministe, contre la peine de mort et la censure, toujours vigilant face aux excès de la police, de l'armée ou de la religion ; il est aussi le premier à reconnaître dans la presse l'importance d'une révolution graphique comme celle de Bazooka. Les grandes nouvelles internationales, les faits divers provinciaux, les publications du moment, forment pour lui une même matière d'où tirer une littérature aussi humoristique qu'historique, car aucune chronique ne peut nous retracer aussi bien les années Giscard... qui ressemblent beaucoup aux années Macron. Couverture inédite de Siné. Préface de Pacôme Thiellement.
Un visionnaire qui opposa au capitalisme une utopie concrète : une société écosociale libérée du travail
Jackie Wang pose une question cruciale pour comprendre ce qui se passe actuellement aux États-Unis : comment un réseau carcéral et des appareils de répression policiers s'articulent-ils à la violence de l'économie et du racisme ? S'agit-il de la continuation directe, sous un autre visage, du système d'esclavage qui perdura jusqu'au XIXe siècle et sur lequel se sont fondés les États-Unis d'Amérique ? Est-ce un système de gestion des populations « surnuméraires », déclassées dans l'impossible course à l'American Dream du fait de leur position dans la hiérarchie sociale ? Les nouvelles formes de contrôle n'ont pas pour seul objet de mettre au pas les gens de couleur, mais aussi de les exploiter et d'en tirer profit en les enfermant dans le cercle vicieux de la dette. Au cloisonnement racialisé des populations s'ajoutent de nouveaux dispositifs comme les bracelets connectés ou les algorithmes de prédiction des crimes, qui font des villes de véritables prisons à ciel ouvert. Ce livre nous plonge au coeur de l'enfer du capitalisme américain, de ses logiques sécuritaires et de ses processus de racialisation des corps.
Si la technique économique est difficile à appréhender par ceux qui n'en sont pas spécialistes, les principes sur lesquels elle se fonde doivent être accessibles à tous : Qu'est-ce que la richesse ? Comment la mesurer ? Comment la répartir ? À ces questions, le libéralisme et le capitalisme offrent des réponses radicalement différentes.
Dès lors que la confusion entre libéralisme et capitalisme est dénoncée, le libéralisme permet de penser l'économie autrement. Ce n'est pas en se plaçant à l'extérieur du champ économique que l'on pourra desserrer l'étau dans lequel il nous tient, et notamment ses normes comptables. Ce peut être en se situant sur son propre terrain, mais en assurant une réelle cohérence entre les règles économiques et les valeurs promues par la théorie originelle d'Adam Smith, qui se trouvent être aussi au coeur des principes démocratiques. La démocratie est le marché du politique, c'est le système politique qui se fonde sur la confrontation entre une pluralité de demandes et d'offres sans position dominante.
Présenter le libéralisme comme un espace de neutralité ne revient pas à en faire un horizon indépassable. C'est au contraire considérer que cette pensée peut offrir un terrain de discussion commun - ni capitaliste, ni socialiste - à partir duquel nous pourrons choisir et non plus subir les formes de l'économie.
L'Union européenne engendre-t-elle un déni de démocratie ? En prônant le retour à l'Europe des nations, les adversaires de la technocratie bruxelloise dénoncent la confiscation du pouvoir populaire. Leur argumentaire est rôdé : dans le huis-clos des réunions entre dirigeants, dans l'opacité feutrée de cénacles qui semblent n'avoir de comptes à rendre à personne sinon aux lobbies et aux thinks tanks, la légitimité démocratique s'exténue.
Ce livre montre pourtant que le souverainisme, qui confine la politique à l'État-nation, est une illusion philosophique et une erreur pratique. Les principes de la démocratie moderne (peuple, citoyenneté, volonté générale) ne sont pas niés par le projet européen, ils peuvent y trouver l'occasion d'un approfondissement. Pour le combattre l'impasse souverainiste, l'Union européenne doit faire de la solidarité son nouveau telos et mettre en oeuvre un fédéralisme social, fiscal et environnemental. Ancré dans la théorie de la république fédérative issue de Montesquieu et des Fédéralistes américains, son régime pourra alors conjuguer fédération démocratique et souveraineté du peuple.